La question du questionnement

• Quelles questions déclenchent une justification ?
Quelles questions aident à expliciter ?
Questionner : jusqu'à quel point ?
Reformuler: un apprentissage clé
Suggestions d'activités de renforcement
Quelques ressources

"J'ai appris que seules les questions importent, que les réponses ne sont que des certitudes mises à mal par le temps qui passe,
que les questions sont du ressort de l'âme, et les réponses du ressort de la chair périssable.
" (F.Bouysse, Né d'aucune femme, 2019)

"Bien sûr, les questions peuvent parfois nous mettre sur la voie, mais elles risquent aussi de provoquer des réponses de circonstances, en partie mensongères, involontairement mensongères, et que nous regretterons aussitôt que nous serons seuls." (L.Duroy, L'hiver des hommes, 2012.)

Dans le cadre de l'enseignement de la compétence réflexive, le questionnement occupe une place importante.

Deux types de questions à portée réflexive

  • POURQUOI as-tu répondu de cette façon ? (Justifier une réponse)

  • COMMENT as-tu réalisé cette tâche ? (Expliciter une procédure)

Quelles questions déclenchent une justification ?

Pour justifier, quelques déclencheurs simples suffisent:

  • Pourquoi tu...
  • Peux-tu m'expliquer...
  • Quel raisonnement as-tu...
  • Pour quelle(s) raison(s) affirmes-tu cela ?
  • Pourquoi as-tu procédé ainsi ?
  • Pourquoi penses-tu avoir réussi ?
  • Entre les deux démarches, laquelle préfères-tu et pourquoi ?
  • Qu'est-ce que tu modifieras et pourquoi ?
  • Qu'est-ce qui te fait croire que tu as raison ?
  • etc.

Propositions plus détaillées ici

Quelles questions aident à expliciter ?

(D'après Guillemette 19, Delvaux,18, Allen et al., 16; Roberge, 16; Develay, 2015; Académie de Lyon, 14; Cantin, 2009, Honor, 2005)

Pour expliciter une procédure, le questionnement sera plus compliqué soit qu'un tiers, enseignant ou pair, le prenne en charge, soit que l'élève lui-même s'autointerroge.

Questionner, dans ce cadre, n'a pas pour but de connaitre une réponse, de mener une enquête mais de permettre à l'apprenant lui-même de revivre ce qu'il a fait (va faire).
Évidemment, un effet secondaire de cette explicitation sera de renseigner l'enseignant sur la démarche d'apprentissage, de repérer des difficultés et d'y proposer des remédiations.

Toutes les questions proposées ici sont formulées en TU, il n'y a là aucune obligation, elles peuvent aisément être transposées en JE quand l'enseignant privilégie une démarche d'autoexplicitation.

1. Celles qui l'aident à se souvenir, à évoquer, base de l’apprentissage :

  • Alors là qu'est-ce que tu as vu ?
  • Qu’est-ce que tu t'es dit ?
  • Tu entends quoi dans ta tête ?
  • Tu vois quoi ?
  • Tu sens quoi ?
  • Qu'est-ce tu voyais autour de toi ?”
  • ...

2. Les questions qui appellent à décrire

  • À quoi le vois-tu ?
  • Où le vois-tu ?
  • Comment le sais-tu ?
  • Combien de temps cela t'a pris ?
  • Où c'était dans le texte ?
  • C'était où ? Quand ? Avec qui ? Qui a demandé...
  • Qu'as-tu fait à ce moment ?
  • Qu'as-tu compris de la consigne ?
  • Tu t'es appuyé sur quoi pour accomplir cette tâche ?
  • A quoi as-tu su que... ?
  • Qu'est-ce que tu savais sur la question ?
  • ...

à éviter : questions appelant une justification (Voir plus haut)

3. Les questions qui aident à obtenir des informations sur les processus

  • Comment tu t'y es pris ?
  • C'est quoi lire le texte?
  • Comment as-tu fait ? Comment as-tu commencé ? Et ensuite ?
  • Qu'as-tu fait ? Dans quel ordre, tu as commencé par quoi ? Et ensuite ? Et après ?
  • Qu’est-ce qui s’est bien passé ?
  • Qu’est-ce qui s’est moins bien passé ?
  • Qu'est-ce que tu visais ? Quelles étaient tes intentions ?
  • Quelle difficulté as-tu rencontrée et qu'as-tu fait ?
  • Comment fais-tu pour te rappeler ces informations ?
  • Quels sont les trucs que tu mets en place pour ce faire ?
  • Qu'est-ce que tu fais dans ta tête, quand tu comprends, tu apprends, quand tu réfléchis, penses, lis, écris, écoute, quand c'est automatique.
  • Comment tu fais quand tu sais faire ?
  • Quand c'est intéressant ou que c’est sûr, c'est comment dans ta tête ?
  • Comment sais-tu ce qui est important ?
  • A quoi tu vois qu'il fallait chercher avec quel mot ça allait ?
  • Comment tu sais que ça va avec ce mot-là, que c’est sûr, pas sûr ? Aide-moi à comprendre.
  • ...

4. Les questions portant sur la prise de conscience

  • Qu'est-ce qui te dérange dans cette tâche?
  • De quelles ressources internes et externes disposes-tu ?
  • As-tu besoin de soutien, d'accompagnement, d'explications ?
  • Qu'est-ce qui est nouveau pour toi ?
  • Qu'est-ce que tu as modifié ?
  • Qu'est-ce que tu as appris ?
  • Qu'as-tu appris dans cette activité ?
  • Comment qualifierais-tu ta préparation pour cette tâche ?
  • Qu'est-ce que tu savais déjà ?
  • Est-ce moins bien ou mieux réussi que tu ne l’avais prévu ?
  • Qu'est-ce que tu réutiliseras dans une tâche semblable ?
  • Qu'est-ce que tu modifieras ? Quelles stratégies de lecture, d’écriture ou de correction vas-tu te donner ?
  • Quelle est l'utilité des stratégies utilisées ?
  • Quelle autres stratégies auraient pu être utiles ?
  • ...

5. Les questions ouvertes ou "questions vides de contenu"

"En ce sens et à la lumière des données analysées, les questions fermées qui débutent par les locutions « est-ce que […]? » ou encore « as-tu réfléchi à […]? » sous-entendent le plus souvent des façons de faire, d'agir ou de résoudre la situation. Conséquemment, ces questions ne suscitent en rien la réflexion ou la réflexivité au mieux, elles donnent des pistes de solution à court terme. De plus, le mot interrogatif « pourquoi » semble brusquer la personne accompagnée qui se place en mode défensif : la personne justifie ses actions plutôt que de se placer au-dessus de la situation. En contrepartie, les expressions « en quoi », « comment » et « quelles sont les raisons qui expliquent » favorisent une prise de recul, une réflexion sur la pratique et éventuellement une réelle réflexivité. Les accompagnants soulignent toute l'importance d'ajuster leur façon de questionner en ce sens : « ce n'est pas simple, poser des questions ouvertes, sans est-ce que." Guillemette, 2019, p. 41.

La question ouverte conduit l'interlocuteur à la réflexion, l'invite à chercher dans sa mémoire ce dont il n'est pas encore conscient.
- Je voudrais savoir comment tu as fait ton dossier de recherche.

A propos de la question vide de contenu
« Comment vous le savez ? » Ou
[...] des questions toutes simples : « Mais à quoi vous faites attention ? » qui [ont] le mérite d'être [...] ouvertes à tous les possibles. Ou bien « Quand vous faites ce que vous faites, comment vous vous y prenez ? » Ça, c'est ce qu'on appelle une question vide de contenu. C'est-à-dire que je désigne ce que la personne a dans sa tête sans en nommer le contenu. « Et quand vous faites ce que vous faites, au moment où vous le faites... » vous voyez bien que je ne sais pas ce que la personne a fait, mais je peux le désigner et la personne peut savoir ce qu'elle a fait au moment où elle l'a fait." (Vermersch, 2013)

La question fermée introduit une possibilité de réponse non spontanée, c'est le questionneur qui propose une réponse. Elle dévie l'explicitation personnelle, authentique.

Damien - Et donc j'ai trouvé mes documents en trouvant les auteurs et la date de publication et de mise à jour et j'ai commencé à rédiger mes... mon article de journal en deux colonnes comme dans un journal. Et ...
Gérard - Tu as ajouté des photos, je suppose ?

à éviter : Les questions inductives

Cfr "Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ?" Dans la pièce de Jules Romains Knock, ou le triomphe de la médecine l'extrait où le Dr Knock évoque la tête de veau à la vinaigrette (II,4) est un superbe exemple, caricatural, de question induisant une réponse.

  • elles introduisent des possibles auxquels le sujet n'avait pas pensé et qui lui épargnent l'effort de chercher sa propre expérience.
  • elles privilégient sa propre représentation de la tâche.

Les questions à choix sont pourtant nécessaires si l'élève a peu de vocabulaire, elles permettent de nommer son expérience par rapport à des catégories qu'il ne connait pas. Exemple: Le questionnaire à cocher établi par S. Fouquet.

 

Limites du questionnement

Le questionnement excessif peut angoisser.
« Madame, je me sens acculé quand vous faites cela, car vous nous demandez de vous répondre immédiatement. Or ce sont des questions sur lesquelles vous réfléchissez depuis longtemps alors que nous les découvrons. On ne peut pas vous répondre comme ça. » Faury M., 2018

Bertucat, 2017 propose, par exemple, une forme courte, quotidienne, de questionnaire méta:
• Comment ai-je « appris » aujourd'hui ?
• Comment me suis-je organisé ?
• Comment me suis-je motivé ?

Voir aussi la Minute méta.

La reformulation

Dans la cadre de l'échange de procédures entre pairs, la reformulation est une forme de relance qui aide l'interlocuteur à aller plus avant dans son explicitation.

Quelques expressions qui reformulent pour faire miroir  (Académie de Lyon, 2014, Honor, 2005) :

  • Si j'ai bien compris, vous voulez dire que...
  • Selon vous...
  • Vous me dites donc ...
  • Pour ainsi dire...
  • Ainsi vous pensez..
  • Autrement dit...
  • En d'autres termes...
  • – "Je vois rien ..."
    – "Et quand tu ne vois rien, c'est comment dans ta tête ?"
  • ...

Dans Mener le dialogue pédagogique en Gestion mentale, p.76, les auteurs identifient trois manières de reformuler:

  • La reformulation-miroir : le dialogueur répète presque à l'identique ce qu'a dit le dialogué.
  • La reformulation-clarification : le dialogueur reformule à un niveau plus élevé d'analyse, de manière à nommer le processus utilisé.
  • La reformulation-découverte: le dialogueur formule des hypothèses plus larges qui lui sont inspirées par les propos du dialogué et/ou par son attitude nonverbale. Attention : des hypothèses, à présenter comme telles, avec prudence et non comme des conclusions imposées par le dialogueur !

A lire : Dumais C. et Granger N., Intégrer l'oral au cours de science et technologie au secondaire où figure un "référentiel" de reformulation.

Être capable de réexprimer l’énoncé de son partenaire sans le déformer est une habileté précieuse non seulement pour aider à expliciter, mais, plus largement, dans la vie sociale pour désamorcer l’agressivité. La recette est conseillée dans la plupart des formations de gestion de conflits. Donc, un outil précieux à maitriser dès l'adolescence !

Activités de renforcement

Ressources

Dernière modification : 7/03/24