Ébauché
vers 1838, modifié et achevé en 1857, créé le 7 janvier 1857 à Weimar,
modifié enfin en 1861,...
Liszt était un géant, un dieu, un diable du clavier, tout ce qu’on
voudra. Ses Années de pèlerinage, ses Rhapsodies hongroises,
ses Études d’après Paganini ou encore ses Études d’exécution
transcendante ont fait sa réputation. Mais Liszt avait à cœur, également,
d’être un compositeur sérieux et novateur pour l’orchestre, et on
connaît le choc que représenta pour lui la création à Paris, en 1830,
de la Symphonie fantastique de Berlioz. Liszt avait alors dix-neuf
ans. Il écrira bien plus tard des symphonies (Faust et Dante)
et des poèmes symphoniques dont on peut se demander s’ils représentent
réellement ce qu’il pouvait imaginer lorsqu’il rêvait encore de se
lancer dans la composition pour orchestre.
Liszt n'a cependant laissé qu'un assez petit nombre de compositions pour
piano et orchestre : si l’on excepte quelques pages mineures comme Malédiction,
la Fantaisie sur les thèmes des Ruines d’Athènes de Beethoven ou
celle sur Lélio de
Berlioz, ou encore l’orchestration de la Wanderer-Fantaisie
de Schubert, son corpus se résume à la Fantaisie hongroise, à la
fulgurante Totentanz et aux deux concertos. Encore ces deux dernières
œuvres ne relèvent-elles pas exactement du genre convenu du concerto ;
comme l’écrit Marcel Marnat (chroniqueur
et biographe français), elles représentent un diptyque comportant
un «super-concerto» et un «anti-concerto», les deux partitions ayant
d’ailleurs été conçues simultanément à Rome (vers 1838-1840) puis
abandonnées et reprises une dizaine d’années plus tard, au moment de
l’installation du musicien à Weimar.
Un anti-concerto, un super-concerto
Deux partitions différentes et complémentaires : si le Deuxième
Concerto (l’«anti-concerto») peut être conçu comme un poème pour
orchestre avec piano principal, le Premier Concerto (le «super-concerto»)
est d’abord une œuvre de virtuose. Ce Premier Concerto fut créé
en 1855 à Weimar par Liszt lui-même,
Berlioz dirigeant l’orchestre ;
pour la création du second, le 7 janvier 1857, toujours à Weimar, Liszt
monta au pupitre et c’est Hans von Bronsart, un de ses élèves, qui fut
chargé de la partie de piano.
Cette attitude est caractéristique de Liszt qui, après un concerto
magnifiant le soliste, a conçu une œuvre d’un tout autre genre. Certes,
le compositeur convoque ici tous les effets de virtuosité qui lui sont
coutumiers, et sa maîtrise de l'écriture pour le piano l'emporte sur la
nouveauté de sa conception de l'orchestre, qui malgré quelques beaux épisodes
intimes confinant à la musique de chambre (solo de violoncelle), n'est
jamais très imprévue. Mais la partition tout entière est agencée de
telle manière que l’orchestre et le piano semblent avancer de concert et
métamorphoser sans fin le thème énoncé au début de l’ouvrage. «Tout
découle d’un seul thème, reprend Marcel Marnat, dont les
transformations incessantes fournissent la substance de différents
mouvements joués sans interruption. Le piano est également traité de
manière révolutionnaire, étant moins un instrument à part qu’un élément
dominant de l’orchestre. Par là même ses évolutions sont plus libres
et l’harmonie qu’il introduit dans l’ensemble sera souvent très
hardie.»
Ce concerto, avec sa succession d’états d’âme, de la méditation à
la bravoure, et son obsession de l’unité, n’est pas sans rapport avec
la Sonate en si mineur du même Liszt, œuvre conçue elle aussi
d’un seul tenant, et qui inspirera bien des compositeurs soucieux, à
l’instar de Prokofiev, de constamment renouveler les formes musicales.
Christian Wasselin
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