Exploiter les ressources du langage

aspects lexicaux
aspects syntaxiques
la question du style

1. aspects lexicaux

Le style de la composition écrite est soumis à plus d'exigence que celui de la conversation. Pour être naturel il n'est donc pas indiqué d'écrire comme on parle. Cependant, la recherche du vocabulaire précis ne doit pas aller jusqu'à vous faire utiliser un jargon obscur. L'emphase des mots, la trop grande recherche dans le choix des termes sont de mauvais goût. Au contraire, l'expression la plus simple et la plus naturelle est souvent celle qui rend le mieux la pensée.

"Que dire de ces phrases qu'on lit dans des romans contemporains ? … "La chola chante une zamacueca en s'accompagnant sur sa diguhela." Le lecteur reste rêveur : ce sont pourtant les noms mêmes des choses. Il faut songer toujours pour quel lecteur on écrit, ou, ce qui revient au même, dans quel genre on écrit. Car on n'a pas à rechercher toujours la même sorte de clarté : chaque sujet a sa clarté propre, réglée par sa destination à tel ou tel public.

Mais dans les occasions où l'on veut être lu de tous, où l'on n'exclut d'avance aucune catégorie d'esprits de l'intelligence de ce qu'on écrit, cette clarté spéciale ne suffit plus. Alors, de quoi que l'on parle, science, art, industrie, il faut employer les mots de tout le monde. Il ne s'agit plus de parler en homme de métier, puisqu'on ne parle plus à des gens de métier. Les mots techniques ne servent plus qu'à dérouter le lecteur : ils l'arrêtent, l'épouvantent, font de la lecture un labeur et un ennui." (G. Lanson cité par L. Timbal-Duclaux.)

Choisissez l'expression qui traduit l'idée le plus exactement.

Le sens ne se répartit pas de façon égale dans l'énoncé. Raymond Queneau et Jacques Bens ont mené deux expériences de réduction d'énoncés permettant de déterminer les parties les plus chargées de sens, les moins redondantes, et d'établir une hiérarchie des classes grammaticales en fonction de l'effet de sens produit. Tout locuteur sent confusément que le nom, le verbe, l'adjectif, l'adverbe n'ont pas le même poids. Bens a essayé de préciser ce sentiment en établissant des inventaires à partir de textes en vers ou en prose. Extrayant tour à tour les substantifs, les adjectifs, les verbes, les adverbes, il constate que seul l'inventaire des premiers conserve un sens, les autres éléments donnant «des listes assez incohérentes et sans signification particulière». (M. Yaguello)

Tenez compte de ces recherches linguistiques pour choisir à bon escient la nature des mots que vous utiliserez. Le choix prioritaire des substantifs s'impose plutôt quand votre texte vise à donner des informations. Par contre les verbes portent plus de marques grammaticales (personnes, modes, temps, voix, aspect et modalité); ils conviennent mieux à l' énonciation discursive, lorsque l'objectif est surtout communicationnel.

Certains noms, certains verbes sont "incolores", ils sont utilisés dans une multitude de situations différentes. Leur champ sémantique est tellement vaste qu'ils n'enrichissent que très peu le texte. Évitez les termes comme chose, faire. De même : être, avoir, devoir, falloir, par exemple, seront avantageusement remplacés par d'autres tournures moins usées. N'hésitez pas, par contre, à vous servir de mots colorés qui expriment l'idée et créent une image , et de substantifs qui se passent d'épithètes.

Petite histoire pour se convaincre qu'il faut utiliser des images.
Assis chaque dimanche à la porte d'une église, un aveugle avait posé à côté d'une sébile une ardoise portant ces mots : "Aveugle de naissance". Et il récoltait quelques maigres piécettes. Passe un homme, qui ne met rien dans la sébile, dit quelques mots à l'aveugle, prend l'ardoise, efface, récrit autre chose, et remet l'ardoise en place.
Le dimanche suivant, il revient : la sébile était pleine et l'aveugle radieux. Savez-vous ce que l'homme avait écrit sur l'ardoise ? "C'est le printemps et je ne le vois pas ! " (L. Timbal-Duclaux.)

Certains noms, certains verbes sont "incolores", ils sont utilisés dans une multitude de situations différentes. Leur champ sémantique est tellement vaste qu'ils n'enrichissent que très peu le texte. Évitez les termes comme chose, faire. De même : être, avoir, devoir, falloir, par exemple, seront avantageusement remplacés par d'autres tournures moins usées. N'hésitez pas, par contre, à vous servir de mots colorés qui expriment l'idée et créent une image , et de substantifs qui se passent d'épithètes.

Par contre l'excès de recherche donne lieu à des bizarreries ridicules:

La simplicité.
"Aujourd'hui, vous ne trouverez plus un seul journaliste dans la presse parisienne pour écrire :"L'amour est enfant de Bohème, il n'a jamais, jamais connu de lois!" Le mec, tout de suite il traduirait ça en langage journalistique: "Le tropisme biologique est un ressortissant tchèque d'origine germanique spécifiquement autodéterminé." " (Jean Yanne, On n'arrête pas la connerie, Le Cherche-Midi, 2007)

2. aspects syntaxiques

S'adapter

Adaptez votre langue, répétons-le, à votre destinataire et au type de communication.

Veillez aussi à nuancer vos affirmations. Une idée, si vraie soit-elle, lorsqu'elle est exprimée de façon trop absolue et trop brutale risque de devenir fausse. N'étalez pas votre savoir d'une façon prétentieuse et appuyée : sachez pratiquer l'art de l'allusion discrète.

Sans amour la vie n'a aucun sens.
-> Sans amour qu'est-ce que vivre veut dire? (J. Brel)

Les tournures impersonnelles comme il y a, il faut, il vaut mieux que, etc. gagnent à être formulées de manière personnelle.

Il y a un grand titre sur toute la page.
-> Un grand titre barre toute la page.

De même, un complément prépositionnel, un nom ou un participe passé remplacent avantageusement la subordonnée.

C'était un vieillard qui portait un grotesque haut-de-forme.
->C'était un vieillard affublé d'un grotesque haut-de-forme.

Mesurer la phrase

Certains procédés ont pour effet d'augmenter la densité d'informations d'un énoncé (= le rapport entre la quantité d'informations et le nombre de mots). La condensation est l'inverse de la dilution où l'on trouve un niveau élevé de redondances, de reprises.

La communication se transmet mieux si sa condensation est adaptée à certains facteurs représentés sur le schéma suivant :

Les procédés suivants augmentent la condensation :

Inversement d'autres procédés réduisent la condensation et conviennent à des circonstances où l'attention du destinataire est moins forte : subordination, répétitions, paraphrases, exemples...

En français, la phrase est rarement trop courte, ou trop claire. Lorsque vous éprouvez des difficultés de rédaction, demandez-vous si votre idée est achevée, si votre pensée est nette. La concision ne consiste pas tant à faire des phrases courtes plutôt que des longues, mais à ramasser, à condenser, à épurer l'idée dans une forme de plus en plus serrée. Elle convient particulièrement aux textes denses destinés à un lecteur instruit et attentif.

La langue est nécessaire aux relations les plus élémentaires. Elle est un trésor primordial. Elle mérite qu'on lui rende un culte magnifique.
-> Trésor primordial nécessaire aux relations les plus élémentaires, la langue mérite un culte magnifique.

(d'après P. THIRY)

Quand on omet de les scinder, les phrases interminables sont, fréquemment, obscures et peu élégantes; par contre, courtes, hachées, elles engendrent la monotonie. Variez donc le style par des phrases tantôt courtes, tantôt longues. (A titre indicatif, sachez que dans le Reader's Digest, publication de grande diffusion, la moyenne est de quinze mots par phrase ! )

Varier

Sauf quand elle répond à une nécessité ou crée un effet, la répétition des mêmes mots (effet Pierre et Nadine) ou des mêmes structures (effet yaya) dénote la pauvreté de la langue de celui qui écrit. Pour l'éviter, recherchez des synonymes ou modifiez la construction de la phrase pour exprimer votre idée de façon plus précise. N'en faites toutefois pas une obsession : la redondance assure l'efficacité de la communication.

Veillez, en outre, à varier les constructions pour casser la monotonie de la structure : Sujet + Verbe + Complément; pensez notamment aux inversions, aux phrases nominales, aux questions.

Écouter

La plus noble pensée
Ne peut plaire à l'esprit, quand l'oreille est blessée.
(Boileau).

Habituez-vous à entendre la mélodie de la phrase que vous écrivez. Il suffit parfois de déplacer légèrement un mot pour qu'une phrase sonne plus agréablement aux oreilles.

Les devoirs peuvent aussi être source de plaisir.
-> Les devoirs peuvent être aussi source de plaisir.

Évitez l'accumulation des participes présents ou des adverbes en -ment. Souvent un adjectif ou un verbe propre rend la pensée de façon plus claire et plus concise.

Maintenant il exerce simultanément plusieurs emplois.
-> Il cumule maintenant plusieurs emplois.

Mémo:

3. La question du style .

Je n'ai pas de style, entend-on souvent dire par les étudiants. Style lourd, écrivent les professeurs en marge des devoirs. Qu'est-ce donc que ce style qui laisse tant d'étudiants perplexes quand la seule évocation de ce terme ne les paralyse pas totalement, ignorant qu'ils sont de ce que recouvre ce concept.

Le style peut se définir comme la résultante plus ou moins adéquate de l'interaction de plusieurs facteurs, situationnels (les circonstances de la communication), d'une part; linguistiques, d'autre part, ce sont la phonétique, la morphologie, le lexique, la syntaxe, la sémantique et la grammaire du texte. Le travail langagier les met en accord avec les circonstances.

Le bon style est un style pertinent; le mauvais, un style déplacé. Comme est déplacé un billet de 500 F pour acheter une boîte d'allumettes, ainsi un style oratoire dans une circonstance familière. A l'inverse, régler une voiture en petites coupures sera aussi déplacé que de rédiger un acte notarial en termes familiers. Le style devra donc être adapté aux circonstances et au public. Savoir écrire c'est donc savoir varier son écriture et son style. (L. Timbal-Duclaux)

Il n'y a donc pas un style unique mais des styles. Le style de la composition écrite, par exemple, est soumis à plus d'exigence que celui de la conversation. "Pour désigner l'ensemble des traits linguistiques correspondant à un ensemble de facteurs situationnels, on parle de "registre stylistique" ou encore de "registre de langage". On aura par exemple le registre de la conversation, le registre technique, administratif, littéraire, etc." (J. Colson).

A l'écrit même, plusieurs variantes coexistent : l'écriture qui convient à la lettre, par exemple, supporte plutôt mal une publication sans retouche.

Il ne s'agit ici, évidemment, que d'indications très générales. Si tout le monde écrivait de la même façon, ce serait bien triste. L'originalité, la personnalité sont de réels critères de qualité.

Note sur le "style communicationnel" .

 Le style "communicationnel" se reconnaît à quelques caractéristiques :

Baliser

L'ensemble constitué du titre et de ses annexes porte le nom de titraille.

L'attaque est la première phrase du premier paragraphe. Elle doit surprendre le lecteur et l'inciter à lire la suite. A distinguer de l'accroche qui consiste à commencer un article important en première page, par exemple, et à renvoyer en pages intérieures pour la suite.

La chute "boucle la boucle" ou élargit le propos.

Une légende explique, élargit, commente, recrée le sens d'une illustration.

D'après :Écrire au quotidien.