Wolfgang Amadeus MOZART

Salzbourg 27 janvier 1756 - Vienne 5 décembre 1791

 

Requiem en ré mineur, KV 626  Lacrimosa

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vanderweyden

 

 

Le Requiem de Mozart est l'une des pièces les plus populaires du répertoire classique. Ce chef-d'œuvre terrifiant, empreint de ténèbres, est bien loin de toute espérance paradisiaque.

 

... Il s'agit d'une commande. Mais d'une commande étrange. Vienne, 1791. Mozart, qui termine la Flûte enchantée, qui s'apprête à composer la Clémence de Titus pour le couronnement de Leopold II en tant que roi de Bohême (il devra le faire en trois semaines, et même pendant le voyage qu'il fera jusqu'à Prague !), mais aussi le Concerto pour clarinette et la Cantate maçonnique K 623,est à bout de forces et souffre d'importants soucis financiers. Quelques mois plus tôt, il n'a pas pu se rendre à Londres pour honorer la commande qui lui était faite de deux opéra nouveau, et a dû laisser partir son cher ami Joseph Haydn sans lui. La naissance de son sixième et dernier enfant, Franz Xaver, le 26 juillet, lui met un peu de baume au cœur.

Affirmer qu'il se sent au seuil de la mort et que le mystérieux messager vêtu de noir dont il reçoit la visite est l'envoyé de la Mort elle-même, serait toutefois un peu trop solliciter l'histoire. Car ce personnage, tout de chair et d'os, n'est autre que l'émissaire du comte von Walsegg-Stuppach (1763-1827). Ce comte est veuf, et veut faire entendre en petit comité, dans son château de Stuppach, une messe à la mémoire de sa femme morte à l'âge de vingt ans. Mais il est hors de question d'annoncer qu'il s'agira d'une messe de Mozart : le comte affirmera qu'elle est issue de sa plume – ou bien, selon une autre version, plus sérieuse, la soumettra au jeu des devinettes : à ses invités de trouver le nom de l'auteur ! Pour montrer à Mozart que l'affaire est sérieuse, le compositeur se voit gratifié par avance de la moitié des honoraires ; et il lui est stipulé qu'il ne devra en aucun cas conserver une copie de sa messe.

Comme le raconte le chef de chœur Anton Herzog, à propos des jeux imaginés par le comte Walsegg : «Comme monsieur le comte ne voulait pas d’œuvre gravée, il les faisait joliment recopier sur du papier à musique de dix portées, mais sans jamais en donner l’auteur. Il recopiait lui-même les partitions qu’il donnait, de sa propre main, en gardant toujours le nom de l’auteur secret. Nous n’avons jamais vu de partitions originales. Les quatuors étaient alors joués devant nous et nous devions deviner l’auteur. Nous avancions alors le nom de monsieur le comte lui-même, habitués à l’entendre composer de petites choses. Il souriait et se réjouissait alors de nous avoir mystifiés dans son esprit ; mais nous riions de ce qu’il nous prêtât une telle naïveté ! Nous étions jeunes gens et tenions cela pour un plaisir que nous faisions à notre seigneur. C’est ainsi que la mystification se prolongea entre nous durant quelques années.»

Il n'y eut pas de poison

Ainsi fut composé le début du Requiem. Le début, car Mozart ne put l'achever. Il mourut le 5 décembre, vers une heure du matin, d'une «fièvre miliaire aiguë» d'origine rhumatismale.* Et certainement pas d'empoisonnement, comme l'ont laissé supposer quelques commentateurs, et comme Mozart lui-même l'a cru un temps : il est temps d'exonérer le jaloux Salieri – qui certes avait ourdi bien des complots pour que Cosi fan tutte échoue, l'année précédente – de la mort de Mozart. «Son dernier souffle fut comme s'il voulait, avec la bouche, imiter les timbales de son Requiem ; je l'entends encore», dira Sophie Haibel, la belle-sœur de Mozart.

Pour aller vite, on dira qu'il en a terminé un bon tiers (jusqu'au début du «Lacrymosa»), qu'il en a laissé un autre tiers dans un état intermédiaire (avec des indications d'orchestration) et que le troisième tiers manque entièrement. C'est finalement Franz-Xaver Süssmayr qui achèvera la partition (il venait de composer les récitatifs de la Clémence de Titus), à la demande de Constance, la veuve de Mozart, qui avait d'abord confié ce travail à Joseph Eybler. Süssmayr s'acquitta de la tâche avec scrupules, certains disent sans génie : mais quelle eût été la légitimité d'une intervention de génie en pareil cas ? Ne fallait-il pas au contraire se faire humble le plus possible, intervenir sans intervenir ?... Ici se posent toutes les questions qui viennent naturellement à l'esprit dès que l'on touche à une œuvre laissée inachevée par son auteur. Fallait-il achever Lulu, la Dixième de Mahler ? Toujours est-il que Süssmayr prit néanmoins une initiative hasardeuse : il contrefit la signature de Mozart à la fin de son travail. Mais le contrat fut rempli, le comte eut la musique qu'il avait commandée, et la création du Requiem eut lieu le 14 décembre 1793 à WienerNeustadt.

Ce Requiem n'est pas précisément l'œuvre d'un dévot. C'est le résultat d'une commande, on l'a vu (comme le sera, en 1837, le Requiem de
Berlioz), qui plus est le résultat d'une commande passée par un franc-maçon à un autre franc-maçon : les deux cors de basset qui interviennent dans l'œuvre prennent à cet égard toute leur importance. Mais c'est sans doute l'un des plus beaux exemples de gravité légère que nous ait donné la musique.

Christian Wasselin

* On se reportera, pour plus de détails, au Dictionnaire Mozart dirigé par H. C. Robbins Landon (Lattès, 1990 ; Fayard, 1997).


http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/oeuvre/fiche.php?oeuv=40000020

 

VERSION ORIGINALE (LATIN)

Introitus

Requiem:

(Chœur)

Requiem aeternam dona eis, Domine,

et lux perpetua luceat eis.

 

(Soprano)

Te decet hymnus, Deus, in Sion,

et tibi reddetur votum in Jerusalem.

 

(Chœur)

Exaudi orationem meam,

ad te omnis caro veniet.

Requiem aeternam dona eis, Domine,

et lux perpetua luceat eis.

 

  Kyrie:

Kyrie eleison.

Christe eleison.

Kyrie eleison.

 

Sequentia

Dies Irae:

Dies irae, dies illa

Solvet saeclum in favilla,

Teste David cum Sibylla.

Quantus tremor est futurus

Quando judex est venturus

Cuncta stricte discussurus.

 

 

Tuba Mirum:

(Basse)

Tuba mirum spargens sonum

Per sepulcra regionum

Coget omnes ante thronum.

 

 

(Tenor)

Mors stupebit et natura

Cum resurget creatura

Judicanti responsura.

Liber scriptus proferetur

In quo totum continetur,

Unde mundus judicetur.

 

 

(Contralto)

Judex ergo cum sedebit

Quidquid latet apparebit,

Nil inultum remanebit.

 

(Soprano)

Quid sum miser tunc dicturus,

Quem patronum rogaturus,

Cum vix justus sit securus?

 

 

(Tous les solistes)

Cum vix justus sit securus?

 

Rex Tremendae:

Rex tremendae majestatis,

Qui salvandos salvas gratis,

Salva me, fons pietatis.

 

 

Recordare:

(Solistes)

Recordare, Jesu pie,

Quod sum causa tuae viae,

Ne me perdas illa die.

Quaerens me sedisti lassus,

Redemisti crucem passus,

Tamus labor non sit cassus.

Juste judex ultionis

Donum fac remissionis

Ante diem rationis.

Ingemisco tanquam reus,

Culpa rubet vultus meus,

Supplicanti parce, Deus.

Qui Mariam absolvisti

Et latronem exaudisti,

Mihi quoque spem dedisti.

Preces meae non sunt dignae,

Sed tu bonus fac benigne,

Ne perenni cremer igne.

Inter oves locum praesta,

Et ab haedis me sequestra,

Statuens in parte dextra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Confutatis:

Confutatis maledictis

Flammis acribus addictis,

Voca me cum benedictis.

Oro supplex et acclinis,

Cor contritum quasi cinis,

Gere curam mei finis.

 

 

 

 

Lacrimosa:

Lacrimosa dies illa

Qua resurget ex favilla

Judicandus homo reus.

Huic ergo parce, Deus,

Pie Jesu Domine,

Dona eis requiem.

 

 

 

Offertorium

Domine Jesu :

Domine, Jesu Christe, Rex gloriae,

libera animas omniurn fidelium defunctorum

de poenis inferni, et de profundo lacu:

libera eas de ore leonis,

ne absorbeat eas tartarus,

ne cadant in obscurum,

 

 

 

(Solistes)

Sed signifer sanctus Michael

repraesentet eas in lucem sanctam,

 

 

(Chœur)

Quam olim Abrahae promisisti et semini eius.

Hotias :

Hostias et preces, tibi, Domine, laudis offerimus:

tu suscipe pro animabus illis,

quarum hodie memoriam facimus:

fac eas, Domine, de morte transire ad vitam,

quam olim Abrahae promisisti et semini eius.

 

Sanctus

Sanctus, Sanctus, Sanctus,

Dominus Deus Sabaoth!

Pleni sunt coeli et terra gloria tua.

Osanna in excelsis.

 

Benedictus

(Solistes)

Benedictus qui venit in nomine Domini.

(Chœur)

Osanna in excelsis.

Agnus Dei

 

Agnus Dei, qui tollis peccata mundi,

dona eis requiem.

Agnus Dei, qui tollis peccata mundi,

dona eis requiem sempiternam.

 

Communio

 

 

Lux Aeterna:

(Soprano, puis le chœur)

Lux aeterna luceat eis, Domine,

cum sanctis tuis in aeternum,

quia pius es.

  (Chœur)

Requiem aeternam dona eis, Domine,

et lux perpetua luceat eis,

cum sanctis tuis in aeternum,

quia pius es.

TRADUCTION FRANCAISE

Introitus

Requiem:

(Chœur)

Seigneur, donnez-leur le repos éternel,

et faites luire pour eux la lumière sans déclin.

(Soprano)

Dieu, c'est en Sion qu'on chante dignement vos louanges ;

à Jérusalem on vient vous offrir des sacrifices.

(Chœur)

Ecoutez ma prière,

Vous, vers qui iront tous les mortels.

Seigneur, donnez-leur le repos éternel,

et faites luire pour eux la lumière sans déclin.

Kyrie:

Seigneur, ayez pitié.

Christ, ayez pitié.

Seigneur, ayez pitié.

 

Sequentia

Dies Irae:

Jour de colère que ce jour-là,

où le monde sera réduit en cendres,

selon les oracles de David et de la Sibylle.

Quelle terreur nous saisira,

lorsque le Juge viendra

pour tout examiner rigoureusement!

Tuba Mirum:

(Basse)

La trompette répandant la stupeur

parmi les sépulcres,

rassemblera tous les hommes devant le trône.

(Tenor)

La mort et la nature seront dans l'effroi,

lorsque la créature ressuscitera

pour rendre compte au Juge.

Le livre tenu à jour sera apporté,

livre qui contiendra

tout ce sur quoi le monde sera jugé.

(Contralto)

Quand donc le Juge tiendra séance,

tout ce qui est caché sera connu,

et rien ne demeurera impuni.

(Soprano)

Malheureux que je suis, que dirai-je alors ?

Quel protecteur invoquerai-je,

quand le juste lui-même sera dans l' inquiétude ?

(Tous les solistes)

Quand le juste lui-même sera dans l' inquiétude ?

Rex Tremendae:

O Roi, dont la majesté est redoutable,

vous qui sauvez par grâce,

sauvez-moi, ô source de miséricorde.

Recordare:

(Solistes)

Souvenez-vous ô doux Jésus,

que je suis la cause de votre venue sur terre.

Ne me perdez donc pas en ce jour.

En me cherchant, vous vous êtes assis de fatigue,

vous m'avez racheté par le supplice de la croix :

que tant de souffrances ne soient pas perdues.

Ô Juge qui punissez justement,

accordez-moi la grâce de la rémission des péchés

avant le jour où je devrai en rendre compte.

Je gémis comme un coupable : la rougeur me

couvre le visage à cause de mon péché ;

pardonnez, mon Dieu, à celui qui vous implore.

Vous qui avez absous Marie-Madeleine,

vous qui avez exaucé le bon larron :

à moi aussi vous donnez l'espérance.

Mes prières ne sont pas dignes d'être exaucées,

mais vous, plein de bonté, faites par votre

miséricorde que je ne brûle pas au feu éternel.

Accordez-moi une place parmi les brebis

et séparez-moi des égarés

en me plaçant à votre droite.

Confutatis:

Et après avoir réprouvé les maudits

et leur avoir assigné le feu cruel,

appelez-moi parmi les élus.

Suppliant et prosterné, je vous prie,

le cœur brisé et comme réduit en cendres :

prenez soin de mon heure dernière.

Lacrimosa:

Oh ! Jour plein de larmes,

où l'homme ressuscitera de la poussière :

cet homme coupable que vous allez juger :

Epargnez-le, mon Dieu !

Seigneur, bon Jésus,

donnez-leur le repos éternel. Amen.

Offertorium

Domine Jesu:

Seigneur, Jésus-Christ, Roi de gloire,

délivrez les âmes de tous les fidèles défunts

des peines de l'enfer et de l'abîme sans fond :

délivrez-les de la gueule du lion,

afin que le gouffre horrible ne les engloutisse pas

et qu'elles ne tombent pas dans le lieu des ténèbres.

(Solistes)

Que Saint-Michel, le porte-étendard,

les introduise dans la sainte lumière.

(Chœur)

Que vous avez promise jadis à Abraham et à sa postérité.

Hostias:

Nous vous offrons, Seigneur, le sacrifice et les prières de notre louange:

recevez-les pour ces âmes

dont nous faisons mémoire aujourd'hui.

Seigneur, faites-les passer de la mort à la vie.

Que vous avez promise jadis à Abraham et à sa postérité.

Sanctus

Saint, saint, saint le Seigneur,

dieu des Forces célestes.

Le ciel et la terre sont remplis de votre gloire.

Hosanna au plus haut des cieux.

Benedictus

(Solistes)

Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

(Chœur)

Hosanna au plus haut des cieux.

Agnus Dei

Agneau de Dieu qui enlevez les péchés du monde,

donnez leur le repos.

Agneau de Dieu qui enlevez les péchés du monde,

donnez leur le repos éternel.

 

Communio

 

 

Lux Aeterna:

(Soprano, puis le chœur)

Que la lumière éternelle luise pour eux, Seigneur,

au milieu de vos Saints et à jamais,

car vous êtes miséricordieux.

(Chœur)

Seigneur, donnez-leur le repos éternel

faites luire pour eux la lumière sans déclin.

Au milieu de vos Saints et à jamais,

Seigneur, car vous êtes miséricordieux.

 

Le chef Jean-Claude Malgoire a dirigé, dimanche 13 novembre à Sarrebourg en Moselle, le "Requiem" de Mozart. Pour la première fois en Europe, le fameux "Requiem" inachevé était conclu par un Libera me retrouvé au Brésil.

Cette composition Libera me est signée de l'Autrichien Sigismund Ritter von Neukomm (1778-1858), envoyé en mission diplomatique par Talleyrand pour rendre compte de la mission artistique française au Brésil. Neukomm était un admirateur de Mozart et franc-maçon comme lui.

Ce Libera me, qui dormait depuis plus de deux siècles et demi dans les archives musicales d’une église de Rio, a été conservé à Rio et à Paris à la BNF.

http://www.abeilleinfo.com/chronique.php?id_chro=4600&langue=fr

 

 

Voir aussi :

 

Berlioz Requiem

Verdi Dies Irae de la Messe de  Requiem

Barber Agnus Dei