Giuseppe VERDI

Le Roncole 1813 - Milan 1901

 

 

Dies Irae de la Messe de  Requiem

Pour Verdi, il est deux grands hommes. Rossini pour lequel il a écrit cinq ans auparavant un Libera me pour une messe commémorative et Manzoni, poète et philosophe qui vient de mourir (le 22 mai 1873). Verdi est affligé de la platitude des propos tenus à la disparition de l’homme qu’il admire et convainc le maire de Milan de décider de cérémonies solennelles pour commémorer l’anniversaire de la mort du romancier. Ainsi, de tout son être se met-il à écrire une œuvre de musique religieuse, qu’il termine avec le libera me déjà écrit, une œuvre à la mémoire de deux grands de son époque. L’accueil des Milanais est enthousiaste (1874) .

 

Le Dies irae (jour de colère), la plus vaste des sept pièces de ce Requiem comporte dix petites sections qui sont autant de scènes pleines de vie. En écrivant des opéras, Verdi apprit rapidement à chercher le mot clé de chaque passage, celui qui déverrouille son imagination. Le Dies irae explose du simple fait de sa force et de sa rage. Verdi fait ensuite monter la tension en ajoutant des trompettes dans le Tuba mirum . On entend alors différents commentaires : le Mors stupebit ( la mort sera stupéfaite) de la basse, chanté paisiblement, mais plein de terreur. Liber scriptus (le livre écrit sera apporté) un puissant air pour mezzo-soprano le trio de lamentations Quid sum miser (Que dirais-je, moi misérable) Rex tremendae (Roi de terrible majesté) , un dialogue entre le chœur et les quatre solistes la prière Recordare (Souviens-toi, doux Jésus) deux autres airs : Ingemisco (Je gémis) du ténor et Confutatis (les maudits seront confondus) de la basse avant que n’intervienne de nouveau le refrain du Dies irae. La lamentation Lacrymosa (jour de larmes) réunit chœur et solistes dans une magnifique et sobre conclusion pour un mouvement qui avait commencé dans la rage et la fureur.

 

 

Avec ceux de Mozart, de Berlioz et de Fauré, le Requiem de Verdi compte parmi les messes des morts les plus célèbres. Il ne s'agit pourtant pas là d'une simple déploration funèbre : cette Messa da Requiem, pour citer son titre complet, est d'abord, comme toute l'œuvre de Verdi, un hymne au chant ; c'est aussi un hymne à l'Italie, une partition qui s'inscrit dans une tradition éblouissante dont Verdi est fier de compter parmi les héritiers.
Ce Requiem en effet n'est pas directement le fruit d'une commande. Son dernier mouvement, le vibrant «Libera me», fut composé dès 1869 à l'occasion d'un requiem collectif à la mémoire de Rossini. Et c'est en 1874, pour commémorer cette fois l'écrivain Manzoni, que Verdi composa sa propre messe des morts et y incorpora le mouvement qu'il avait écrit cinq ans plus tôt. Si l'on ajoute que les visions du «Dies irae» sont saisissantes comme les fresques de Michel-Ange, pour reprendre une comparaison facile mais qui n'est pas dénuée de vérité, on comprendra qu'il y a dans cette musique comme un condensé de l'art de l'Italie.
Le Requiem est l'œuvre d'un compositeur de soixante ans qui maîtrise parfaitement son art et, de partition en partition, raffine toujours son harmonie et son orchestre. Il se situe chronologiquement entre Aïda et Otello et, d'une certaine manière, transporte l'opéra à l'église : observation qui fut souvent faite mais qui vient immédiatement à l'oreille dès qu'on goûte au lyrisme de la partition, à sa générosité mélodique, à la manière également dont les quatre voix solistes enchaînent récitatifs, airs et ensembles (sublime entrelacs des voix dans l'«Agnus dei»), et dialoguent avec le chœur et l'orchestre. Verdi ne pouvait pas se trahir : il consacra sa vie entière au théâtre, et sa plus belle prière ne pouvait que prendre les accents scéniques les plus vigoureux, les plus fervents.

Florian Héro


http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/concert/fiche.php?conc=165000035