John CAGe

Los Angeles 1912 - New-York 1992

 

 

Partie IV de la 

Suite for Toy Piano

 

John Cage : éloge de la flexibilité

A la suite d'un entretien en public au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris le 27 octobre 1970, John Cage s'entretint avec Daniel Charles entre Noël et le Jour de l'An. Cage y conte comment il en est venu à concevoir une nouvelle méthode de composition qui remet en cause la notion classique d'œuvre fixe et la relation entre auditeur et compositeur. Il se prononce en faveur d'œuvres “flexibles”, et pour une participation active de l'auditeur à l'interprétation, sinon à la composition de la musique.

Elève de Schönberg aux Etats-Unis, Cage a compris qu'il était nécessaire de s'abstenir non seulement de la tonalité, mais encore de toute structure. Il a ainsi contesté la notion même d'oeuvre, avec ce qu'elle implique de référence à un "auteur", exprimant et possédant son monde propre, intouchable, inflexible, face auquel l'attitude de respect s'impose au public et à l'interprète. "Il me paraît difficile de croire désormais, dur comme fer, dans une musique qui ne soit pas flexible. cela ne veut pas dire que la musique fixée, déterminée, doive cesser d'exister. Ce qui ne pourra plus guère exister, c'est la piété aveugle à l'égard de tout ce qui n'est pas flexible. Tout le sérieux que nous avons consacré, à l'époque de la 'grande musique', à la construction d'édifices inflexibles, nous pouvons maintenant le transférer sans dommage à d'autres. Nous avons mieux à faire ! Mais c'est qu'au temps des musiques fixées, déterminées, la moindre partition exigeait d'être signée, elle introduisait au monde d'un tel, à l'univers poétique d'un tel." Contre cette tradition somme toute assez récente, Cage se prononce pour un retour à l'universalité de la création musicale : "tout le monde mérite d'avoir sa musique, celle qu'il se choisit librement - qu'il soit ou non compositeur !" Le mot d'ordre est désormais le suivant : "Permettre à chaque personne, comme à chaque son, d'être le centre du monde."

A l'appui de sa conception Cage évoque la 'Gutenberg Galaxy' faite d'emprunts et de collages : "à toutes les régions du savoir, Mc Luhan applique ce que j'appelle le silence, c'est-à-dire qu'il les laisse parler. La mort du livre n'est pas la fin du langage, celui-ci continue. Exactement comme, chez moi, le silence a tout envahi, et il y a toujours de la musique. Grâce au silence, les bruits entrent définitivement dans ma musique, et non pas une sélection de certains bruits, mais la multiplicité de tous les bruits existants ou qui adviennent. les changements typographiques comme la forme 'mosaïque', ce sont les bruits qui font irruption dans le livre !" Ainsi l'interpréte est chargé de recomposer l'oeuvre proposée, et le public lui-même, par l'intégration du silence et du bruit à la composition, devient interprète. Que devient le compositeur ? "Il devient un auditeur, il se met à l'écoute." Modestie, donc, de l'auteur, au sein d'une création commune et démultipliée. Car "nous sommes tous dans les sons, entourés par eux."

John Cage : Pour les oiseaux, entretiens avec Daniel Charles, L'Herne, 2002,

http://www.captaindoc.com/biblionet/index-discp-arts.html

 

Retour à la biographie

Retour au sommaire