Georges Auric 

15 février 1899 à Lodève - 23 juillet 1983 à Paris

 

 

L'attente amoureuse de Phèdre
Art apulien, Anzio, "Peintre de Laodamie" : cratère à calice à figures rouges
350 avant J.-C.
Londres, British Museum

 

Danse des vains ornements et Danse de Phèdre, extraits de Phèdre.

 

Tragédie chorégraphique en un acte de Jean Cocteau. Action dansée de Serge Lifar. Rideau, décor et costumes dessinés par Jean Cocteau. Tableaux vivants photographiques de Brassaï. Créé au Palais Garnier par le Ballet de l’Opéra le 14 juin 1950.

 

Phèdre

« Un mythe est un mythe parce que les poètes le reprennent et l’empêchent de mourir. Nul ne doit ignorer celui de Phèdre, petite fille du Soleil. Par la parole ou par la danse glorifions-le. »

 

    Ce n’était pas la première rencontre de Serge Lifar avec Phèdre. Le chorégraphe avait toujours été attiré par les mythes antiques, y discernant, selon ses propres termes, « des valeurs plastiques » propices à son art. En 1938, il s’attacha à ce thème précis, écrivant lui-même un livret et composant une chorégraphie pour un ballet nommé Hippolyte, mis en musique par Vittorio Rieti, qui ne fut jamais représenté. 

Dans les années 1942-1944, Lifar reprit cette ébauche, cette fois sur les vers de Racine et plus particulièrement en s’inspirant du récit de Théramène.
Jean Cocteau remania le découpage du livret, dessinant décor et costumes, prenant en charge la scénographie, travaillant  à la réalisation avec les ateliers du Palais Garnier.

    Dès 1947, Lifar demanda à Georges Auric d’écrire la partition de Phèdre, ou peut-être est-ce Auric qui demanda à Cocteau d’écrire avec lui ce ballet pour l’Opéra. Cocteau lui aurait répondu : « Quelle est la plus haute ambition d’une actrice ? Jouer Phèdre. Pourquoi n’en ferait-on un ballet ? » Peu importe qui eut l’idée de les réunir, les trois auteurs de ce ballet sont de vieux complices et se connaissent depuis l’aventure des Ballets Russes de Serge Diaghilev. Ils ont déjà travaillé ensemble, toujours avec succès.
    La partition d’Auric, à laquelle il avait voulu donner, selon ses propres termes « le plus de grandeur, le plus de noblesse possibles » fut bien reçue de la critique. Elle souligna une œuvre forte, sévère et belle, « une partition saisissante et remarquablement adaptée à son objet – sujet et situations.

    Cette « tragédie chorégraphique », qui se voulait le reflet fidèle de la pièce de Racine, est un objet bizarre qui cherche sa forme théâtrale. Les multiples vocables employés pour le définir en témoignent : tragédie chorégraphique, tragédie dansée, divertissement dramatique, action dansée…
    Cocteau divisa le livret en vingt et une scènes, comme autant de chapitres distincts, ce qui n’était pas du goût de Lifar qui souhaitait une action chorégraphique continue. La chorégraphie, très sobre, se déploie en lignes plastiques géométriques, rompues par des poses hiératiques. La stylisation s’opère au détriment du contenu. L’action se développe par vagues sur les phrases musicales.
    Les personnages sont très nettement caractérisés. À l’élévation et à la solitude d’Hippolyte répondent la danse « terre à terre » de Phèdre, tandis que la vivacité d’Aricie apporte un souffle de jeunesse et de pureté.
    .
    Le décor de Cocteau est totalement blanc, à l’exception d’un temple, ou petit théâtre, situé au fond de la scène, colorié de teintes claires, sur la base duquel est inscrit le titre du ballet en caractères grecs. Sur ce petit théâtre sont projetées des photographies de Brassaï montrant des ruines et des paysages, photographies qui seront supprimées lors des reprises. Des tableaux vivants illustrent le déroulement de l’action, dévoilant au spectateur les péripéties de l’histoire qui ne se jouent pas sur le plateau, à la manière des didascalies.
    Les costumes, dessinés par Cocteau, exécutés par Karinska, sont très simples et très efficaces. Ils contribuent puissamment à la caractérisation des personnages. Vêtue d’un collant et d’une longue robe noire, sur laquelle un pan gris plissé se déploie, Phèdre porte une grande cape rouge, accessoire fortement utilisé dans la chorégraphie. Au dernier tableau, on viendra en couvrir son cadavre. À cette tache de sang répond le maquillage très accentué du visage, masque blême où les yeux et les lèvres sont soulignés de noir et de rouge, effet renforcé par la perruque bleue surmontée d’un diadème. Le costume d’Œnone est une déclinaison de celui de Phèdre en violet et jaune. Aricie pourrait être une nymphette des années cinquante, coiffée en queue de cheval, vêtue d’un collant académique rose et d’une courte jupette. Tous les costumes masculins sont constitués de collants académiques, de tuniques et de petites capes dans des teintes pastel. Hippolyte porte un collant académique jaune, ses compagnons sont en orange et vert. Les perruques blanches, très travaillées, rappellent la sculpture des bustes antiques.

    Le ballet fut filmé en 1963 par la télévision de Berlin. En 1966, la télévision française fit de même, mais dans une nouvelle production. La chorégraphie était de Milko Sparemblek, avec dans les rôles de Phèdre et d’Hippolyte les danseurs étoiles de l’Opéra Claire Motte et Jean-Pierre Bonnefous, le chorégraphe incarnant Thésée. Anne Béranger avait fait une adaptation de textes d’Euripide, de Sénèque et de Cocteau, dits par un récitant, Jean-Claude Arnaud, et par quatre comédiens, Denise Noël (Phèdre), Claude Giraud (Hippolyte), Claude Winter (Aricie) et Paul-Emile Deiber (Thésée). Cet enregistrement reçut le prix Italia. Le spectacle fut ensuite présenté sur scène au Festival de Carthage.

    En 1962, Georges Auric était devenu administrateur de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux et membre de l’Institut. Il avait scrupuleusement tenu à ne pas faire jouer ses œuvres au Palais Garnier pendant la durée de son mandat. Phèdre, dans sa forme originale, est toujours au répertoire du Ballet de l’Opéra.

 

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