INTRODUCTION

Conçu du point de vue graphique et technique par des élèves de 6ème Générale (année terminale de l’enseignement secondaire en Belgique) de l’Athénée Royal d’Izel, le présent site est le résultat de la réflexion menée dans le cadre du cours de français à partir de la lecture de quatre romans évoquant le Portugal.

Au départ de cette entreprise, il y une certaine conception de la littérature, du roman en particulier, assortie d’une perspective pédagogique précise. S’il n’est pas question de dénier à la littérature sa fonction de divertissement, il me paraît par contre indispensable que l’enseignant explique qu’elle n’est pas simplement décorative, qu’il puisse à nouveau poser la question de la valeur et prémunir l’élève contre certains dangers de ce qu’Antoine Compagnon nomme la littérature de consommation. La mise en garde de Flaubert n’a pas suffi. Les romans " pseudo-romantiques " des Danièle Steel, Barbara Cartland, ou ceux de la cohorte des scribouillards anémiques à la recherche du " best-seller ", continuent à polluer les rayonnages de nos librairies, à proposer une vision simpliste des relations humaines et à affermir les stéréotypes sociaux les plus manichéens. Le livre est sans doute un produit de consommation comme un autre mais notre rôle consiste à défendre une idée beaucoup plus généreuse du concept de littérature.

La perspective avec laquelle nous avons approché l’étude des romans était clairement de mettre l’accent sur la fonction subversive de la littérature. Ainsi, le roman digne de ce nom doit-il aider l’élève à se construire une personnalité plus riche, plus forte, parce qu’il permet de penser l’homme dans sa globalité, de lutter contre les simplifications, l’amalgame, les lieux communs, les certitudes, les préjugés, de rendre conscient de la nécessité de s’impliquer dans le débat social, de comprendre l’obligation de s’insurger et de réagir contre les injustices. En bref, il insuffle une dose d’humanité pour éviter que l’homme ne soit réduit à sa fonction de consommateur ou de technicien.

Afin d’éclaircir la notion problématique de chef-d’œuvre, Guy Scarpetta se risque à une définition du " grand roman " comme un roman qui " 1) explore un territoire encore inconnu de l’expérience humaine (…) 2) invente ou renouvelle la forme narrative 3) rend indissociables ces deux aspects. " Les oeuvres de José Saramago et d’Antonio Lobo Antunes remplissent, me semble-t-il, les critères énoncés par Scarpetta mais, par le fait même, sont d’un abord difficile pour un lecteur inexpérimenté. L’exploration de ces univers romanesques nécessite donc une préparation et un soutien pédagogique alors que les romans d’Antonio Tabucchi, formellement moins complexes, se prêtent davantage à la lecture intégrale. Tous ces écrivains, cependant, ont l’ambition, en plus de préoccupations esthétiques, d’ouvrir le champ de la réflexion sur de grandes questions que se pose l’homme contemporain.

Pour tenter de cerner cette bipolarité de l’œuvre littéraire, nous avons souscrit dans un premier temps à une approche immanente des textes en convoquant quelques éléments de l’appareil terminologique mis au point par Gérard Genette et ensuite, sans qu’il s’agisse d’une véritable méthode herméneutique, nous avons centré notre recherche sur l’impact du texte sur le lecteur privilégiant ainsi des théories qui, comme celles d’Umberto Eco, font appel à la " coopération interprétative ".

Benoît Robin



A.R. IZEL  -  RHETOS 2000