Sylvain Louis , lauréat du concours de l'Athénée de Montegnée

Ecriture d'un journal intime.

Texte écrit dans le cadre du cours de Français de 6ème Générale (Professeur : Mr Robin - AR Izel -2002)

 
 
    Dernier sourire (Le texte en format PDF)


Mercredi 14 novembre
Chère Amandine, voilà à peine une semaine que tu m'as quitté, pour " recommencer ta vie " alors que la mienne semble se défaire. A peine une semaine sans toi, et déjà le désespoir me pousse à agir comme un imbécile. Ma dernière invention est de créer un journal intime, un journal de la douleur et de la tristesse qui te serait adressé à toi. Bien que tu ne le liras jamais, je m'adresse à toi comme autrefois, je te dis ce que j'ai sur le cœur parce que ta présence me manque. Je respecte le fait que tu ne veuilles plus répondre à mes appels et je respecte aussi que tu m'évites dans la rue ; je ne peux te contraindre à m'aimer pour l'éternité. M'adresser à toi à travers ce journal m'aidera peut-être à cicatriser les plaies que tu as ouvertes dans mon cœur et que tu as laissé béantes en me quittant. Voilà donc une semaine que je me traîne du matin au soir et du soir au matin. Hier mon patron m'a dit de rentrer à la maison et de prendre quelques jours de repos parce que je n'étais plus bon à rien. Tu sais comment il est, ce n'est pas le genre de gars à prendre des pincettes. Quoi qu'il en soit, je l'ai écouté et j'ai pris une semaine de vacances. Ils m'ont proposé de me faire remplacer pour la rubrique " courrier des lecteurs ", mais je préfère continuer moi-même. Que penseraient les assidus de ma rubrique s'ils constataient que ce n'est plus la même personne qui la rédige ? Pour leur prouver que je n'avais pas besoin de leur aide, j'ai emporté à la maison quelques lettres que je n'avais pas encore lues et je compte bien y répondre si le temps me paraît trop long d'ici mardi. Je sais que ce sera un peu plus dur qu'à l'accoutumée si quelqu'un me demande un conseil sur le plan sentimental, mais je saurai y faire face. Il me suffira de penser à nous, à ce que nous avons vécu et mes conseils ne sauront être que bénéfiques. Tu sais, ces derniers jours je n'arrête pas d'écouter notre chanson en boucle et je crois que je ne l'ai jamais aussi bien comprise qu'aujourd'hui. Jamais les notes n'ont été si mélodieuse. Mais en redécouvrant cette chanson, j'ai réalisé une chose : lorsque je l'entends, mon seul souhait est de te serrer contre moi.
Jeudi 15 novembre
Chère Amandine, ton frère est passé à la maison aujourd'hui pour récupérer le reste de tes affaires. J'ai toujours pensé qu'il ne m'appréciait guère et sa visite d'aujourd'hui n'a fait que confirmer mes impressions. C'est étrange comme les gens que l'on considérait comme des amis peuvent subitement retourner leur veste et nous cracher au visage. Enfin, cela n'a aucune sorte d'importance parce que ce n'est pas avec eux que je voulais faire ma vie. J'espérais qu'après deux ans d'une relation parfaite, tu agirais de manière plus adulte. Pourquoi envoyer quelqu'un chercher tes affaires ? T'ai-je jamais mordu ? Je n'aurais pas essayé de te retenir si tu étais venue en personne. Je ne t'aurais pas harcelée. Je te respecte et je respecte ton choix, même si tu ne m'as pas réellement expliqué la raison de notre rupture. Peut-être ne m'aimais-tu plus ? Peut-être ne m'as tu jamais aimé ? Je me torture à découvrir la réponse par moi-même, mais je pense qu'il n'y a que toi qui la connaisse. Alors que rien ne laissait présager un tel événement, tout allait si bien. Si tu pouvais te douter qu'au moment où tu projetais de partir, moi je visitais les bijouteries pour te trouver la plus belle bague de fiançailles que je puisse t'offrir. Mais jamais tu ne le sauras, car tu n'as pas à être au courant de cela. Comme les journées me paraissent longues ! Je n'aurais jamais dû prendre cette semaine de congé, je n'aurais pas dû les écouter. Je me lève à l'aube sans avoir fermé l'œil de la nuit, je cherche une occupation mais je finis par y renoncer, le courrier des lecteurs ne me tente pas. Tu es la seule personne avec laquelle j'ai envie de discuter et ce n'est qu'en t'écrivant que j'arrive à me sentir mieux. J'ai eu envie de téléphoner à la rédaction tout à l'heure pour savoir s'ils avaient besoin de moi, mais j'y ai renoncé. Je n'ai pas envie qu'ils s'imaginent que je n'ai que le travail en tête. Je sais surtout que si je retourne au bureau, je ne saurai rien écrire tellement tu sembleras loin de moi. C'est sans doute pour cela que je n'arrive pas à quitter la maison : j'ai besoin de me sentir proche de toi.
Vendredi 16 novembre
Chère Amandine, je t'ai vu passer dans la rue tout à l'heure. Tu as frôlé la façade, ton pas s'est accéléré comme si tu fuyais quelqu'un ou quelque chose et tu n'as pas tourné la tête. Tu n'as pas même levé les yeux sur la façade de ce qui fut jadis " notre " maison. Ce n'est pas cette femme que j'ai aimée durant deux années, ce n'est pas cette femme qui m'a aimé. Comme les choses changent en peu de temps. Comme les situations peuvent se renverser subitement ! Je t'ai trouvée tellement changée tout à l'heure. Il me semble même que tu as perdu du poids, toi qui as plutôt tendance à en prendre. Ta nouvelle vie doit te convenir plus qu'à moi ! Oh ! Emilie m'a téléphoné ce matin mais je n'ai rien compris à ce qu'elle me voulait. Elle parlait de manière très étrange avec des phrases incompréhensibles comme si elle était ivre. Au bout d'un moment elle s'est arrêtée et a dit : " Je n'aurais jamais dû t'appeler. " (c'est la seule phrase que j'ai comprise !), puis elle a raccroché. Je dois dire que je suis resté perplexe un long moment. Je me suis même demandé s'il n'était pas de mon devoir de la rappeler pour tirer cette affaire au clair. C'est en y réfléchissant que je me suis rappelé que tu m'avais dit un jour qu'il arrivait à Emilie de consommer de la drogue. Tu te faisais un sang d'encre avec cette histoire et tu avais pris la décision de lui parler. Apparemment, elle n'a pas tiré profit de votre conversation. Quoi qu'il en soit, j'ai trop de problèmes personnels pour me mêler de ceux de tes amies. J'ai cependant trouvé très sympathique de sa part de me téléphoner (même dans cet état) cela devait partir d'une bonne intention. Je remarque cependant qu'elle est la seule de nos anciens " amis " à m'avoir donné signe de vie depuis notre rupture et cela me réconforte un peu. J'avais jusqu'ici l'impression d'être le fautif aux yeux de tous alors que je pense n'avoir rien à me reprocher. Moi qui ne t'ai jamais été infidèle, je ne pouvais concevoir que l'on m'accuse de t'avoir trompée ou quelque chose dans ce genre (comme ça a sans doute été suggéré dans les conversations de tes amis). Je ne cache pas qu'à plusieurs reprises j'ai été tenté par d'autres femmes, je suis un être humain, mais jamais je n'aurais pu te trahir. Après tout, l'amour est avant tout une question de confiance
Samedi 17 novembre
Chère Amandine, c'est la première fois depuis la semaine dernière que je me sens aussi désemparé. La solitude semble me peser plus qu'hier et j'attends à tout moment que la porte s'ouvre sur toi et que je réalise que toute cette histoire n'était qu'un mauvais rêve. Tout a commencé ce matin lorsque j'ai été chercher le courrier. J'ai trouvé un faire-part de mariage de Carine et Pascal adressé à nos deux noms. Je pense que ce sont les seuls humains de ce pays à ne pas être averti de notre séparation. Sans doute nagent-ils trop dans le bonheur pour se soucier des problèmes qui les entourent ! Je les déteste ! Je leur en veux d'être heureux et de m'infliger leur bonheur à travers cette invitation. Qu'ils en profitent bien avant que l'un d'eux ne décide de claquer la porte sans explications ! Allez, ça ne me mènera à rien de râler. Je préfère te laisser. Il est presque 3 heures et j'aimerais dormir un peu avant que le jour se lève. Demain, je lirai le courrier des lecteurs, cela m'empêchera de penser à toi.
Dimanche 18 novembre
Mon Dieu ! L'horreur me paralyse. Moi qui pensais avoir touché le fond je m'aperçois que le gouffre était plus profond qu'il n'y paraissait ! Je viens de découvrir la lettre que voici dans le courrier des lecteurs : " Cher David, je tiens à te raconter une histoire qui me tient à cœur mais qu'il n'est pas facile de partager. C'est l'histoire d'une fille qui rencontre un homme merveilleux qu'elle n'aurait pas même espéré en rêve. Il possède toutes les qualités, mais la principale est qu'il est amoureux. Ensemble, ils passent des mois formidables et finissent par emménager dans une belle maison qui leur promet un avenir radieux. En silence, cette fille attend une demande en mariage qui se fait attendre mais elle s'en fout parce qu'elle sait que cela arrivera. C'est l'histoire d'une fille qui sort un soir sans cet homme dont elle est amoureuse. Elle boit, elle s'amuse et puis elle finit par rencontrer un garçon. L'un de ces minets qui courent les boîtes de nuits et qui sont à le recherche de plaisirs éphémères. Cette fille est trop stupide pour refuser ses avances et elle craque. C'est l'histoire d'une fille qui a fait une connerie et qui en paye les conséquences sous forme d'une maladie. Une maladie qu'elle connaît, que tout le monde connaît, une maladie dont elle aurait pu se protéger. Mais il est trop tard. C'est l'histoire d'une fille qui regrette et qui est trop faible pour avouer à l'homme qu'elle aime qu'un soir, il y a quelques mois, elle s'est conduite comme une idiote. Adieu. "
Je ne sais plus quoi faire, je n'arrive plus à réfléchir. A présent, le coup de fil d'Emilie prend une autre dimension. Elle n'était pas droguée ce jour-là, elle essayait simplement de me prévenir de ce qui était en train de se passer. Je ne comprends pas que personne ne m'ait prévenu. Même si tu ne souhaitais pas que je sois au courant de ta maladie, tu ne pouvais pas t'enfuir sans m'affronter. Je t'aime, malgré les erreurs que tu as pu commettre et s'il ne te reste que peu de temps à vivre, je veux être à tes côtés. Moi qui pensais que tu avais maigri parce que ton changement de vie te convenait. Quel imbécile ! A présent, il faut que je te vois. Que je te dise que je ne peux pas vivre sans toi et que je ferai tout pour empêcher le destin de nous séparer. Même si tu m'as trompé, même si la maladie s'est infiltrée en moi, je ne peux faire que t'aimer. Je m'en vais te retrouver Amandine car nous avons des choses à régler, des choses qui ne s'arrangent pas au travers d'un journal.

 
 
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