Les premières années et la Révolution Celui qui devait devenir le musicien
officiel de l'Empire est né le 15 février 1760, au village de
Drucat-Plessiel, près d'Abbeville (Somme) dans une famille de pauvres
paysans. " Venez à Paris, votre place est parmi les grands compositeurs ". Il commence par se faire connaître du public parisien en faisant exécuter,
en 1782-1783, quelques-unes de ses oeuvres au Concert spirituel (1). La musique du Sacre L'année précédente (1800), il avait
attiré l'attention du Premier consul en faisant exécuter aux
Invalides son Chant du premier vendémiaire, une oeuvre aux
effectifs gigantesques (quatre orchestres et quatre choeurs répartis
dans l'église), ce qui préfigurait étrangement la disposition qui
sera adoptée, plus tard, par Berlioz, dans cette même nef, pour l'exécution
de son Requiem, le 5 décembre 1837, lors des funérailles du
général Damrémont (J. Mongrédien). Nous verrons, en effet, qu'il
existe une certaine filiation entre Lesueur et Berlioz.
C'est alors que le salut lui vient de Napoléon. Après la signature
du Concordat, le Premier Consul avait décidé l'ouverture d'une
chapelle au palais des Tuileries et appelé, pour diriger la maîtrise,
un compositeur italien qu'il appréciait beaucoup, Giovanni Païsiello
(1741-1816).
Des années de triomphe Dès juillet 804, la protection de
l'Empereur avait permis à Lesueur de faire représenter à l'Opéra
de Paris (devenu l'Académie impériale de musique) son opéra Ossian
ou Les Bardes. Ce fut un véritable triomphe (plus de cent représentations
jusqu'à la Restauration). Un grand professeur qui découvre Berlioz Lesueur a été le compositeur officiel
de la plupart des cérémonies impériales (8) ; il
entra à l'Institut en 1815. Le 10 juillet 1825, à la suite de la première de la Messe solennelle de Berlioz à Saint-Roch, le maître Lesueur s'enthousiasme : " Venez que je vous embrasse, morbleu, vous ne serez ni médecin, ni apothicaire mais un grand compositeur ; vous avez du génie, je vous le dis parce que c'est vrai ". Et le 5 décembre 1830 (Berlioz a 27 ans), au Conservatoire, sous la
direction de François Habeneck, sa Symphonie fantastique (épisode
de la vie d'un artiste) en présence d'un Franz
Liszt particulièrement
chaleureux, est un coup de tonnerre dans l'univers musical. Élégante
et désespérée, lyrique et sauvage, alternant la douceur mélancolique
et les visions les plus sataniques, elle met en scène Berlioz lui-même,
le rêve, les passions, l'amour, la nature, le monde et les enfers
(Christian Wasselin). Les dernières années Jean-François Lesueur meurt à Paris, le 6 octobre 1837, à 77 ans. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, 11e division (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 296). À Abbeville, boulevard Vauban, une statue moderne du compositeur remplace celle en bronze fondue par l'occupant en 1942 (Répertoire mondial..., p. 377). Il avait épousé, le 3 juin 1806, Mlle Jamart de Courchamps, fille d'un directeur de l'Enregistrement et des domaines. L'Empereur et l'Impératrice signèrent leur contrat de mariage, faveur qu'ils n'avaient accordée à aucun artiste. Ils eurent plusieurs filles, dont l'une, excellente musicienne, épousa Boisselot, l'un des élèves du maître. On doit à Lesueur une trentaine de messes, oratorios et motets. Dans ses opéras, il annonce la musique romantique du XIXe siècle et son influence sur Berlioz est incontestable. " Il lui a inculqué le goût des figurations considérables et de l'instrumentation somptueuse " (Larousse, Dictionnaire de la musique, 2001, p. 486). À la fin de sa vie, Lesueur avait composé son Oratorio de Noël, le plus romantique des oratorios connus et le chef-d'oeuvre du maître. On y admire l'idée originale d'avoir introduit, sous le contre-point de plusieurs morceaux, les mélodies populaires de quelques noëls, qui s'envolent au milieu des chants énergiques et majestueux. Cet oratorio a été interprété, pour la première fois, quatre ans après la mort du compositeur, à la cathédrale de Bordeaux, le 25 décembre 1841. C'était son dernier message à la postérité (10). Auteur : Marc Allégret Revue du Souvenir Napoléonien N° 450, Mars 2004
Notes (1) En 1725, Anne Philidor (1681-1728) fut autorisé à organiser pendant la fermeture des théâtres, à l'époque des grandes fêtes religieuses, un Concert spirituel, donné aux Tuileries et consacré à la musique religieuse et instrumentale. Cette création dura jusqu'à 1791. (2) Dans l'Église catholique latine, il y avait, jusqu'au 1er janvier 1973, trois ordres majeurs (évêque, prêtre et diacre) et cinq ordres mineurs (sous-diacre, acolyte, exorciste, lecteur et portier). Vraisemblablement, Lesueur avait dû recevoir les ordres mineurs concernant le lectorat. On confiait aux lecteurs certains morceaux de chants que les règles liturgiques ou l'usage ne réservaient pas aux ministres sacrés et qui, d'autre part, ne pouvaient être chantés par l'assemblée toute entière. (4) Déjà, sous le Consulat et l'Empire, le nom du compositeur s'écrivait en un seul mot : Lesueur (voir Almanach de l'Empire, an XIII - 1805, p. 55 ; 1810, p. 73). Michaud, Frédéric Masson et Jean Tulard ont adopté cette orthographe. (3) Il existe un enregistrement (CD), de la Messe en Pastorale pour le Premier consul (Noël 1802) de Païsiello, par l'Orchestre symphonique de Prague et les choeurs de la Radiodiffusion tchèque, direction Edoardo Brizio (juin 1994, diffusion SM Paris n° 12 2899). (5) La chapelle des Tuileries comprenait 27 musiciens en 1802, elle en comprendra 54 en 1805 et une centaine en 1814. En douze ans, la dépense annuelle avait triplé (D. Leprou, RSN n° 342, pp. 18-19). (6) Voir F. Masson, Le Sacre et le Couronnement de Napoléon, éd. Tallandier, 1978, pp. 179 et 184 et préface J. Tulard, pp. 8-9. (7) L'intégrale de la Musique du Sacre a été restituée au Festival de la Chaise-Dieu, coréalisée avec la Fondation Napoléon, les 22 et 23 août 1995 (voir l'analyse par Guy Ramona, Revue du Souvenir Napoléonien, n° 401, pp. 38-39). (8) Lesueur compose : en 1810, un motet Coeli enarrant, Veni, sponsa mansueta, pour le mariage de Napoléon et de Marie-Louise (qui sera ensuite repris lors du mariage du duc de Berry, le 17 juin 1816) ; en 1811, un autre motet Joannes Baptista in deserto, pour le baptême du roi de Rome, suivi d'un Domine, salvum fac. (9) À La Côte-Saint-André (Isère), la maison natale de Berlioz vient de faire l'objet d'une importante restauration. La demeure, qui a gardé son âme, possède des collections d'une grande richesse et un centre de documentation remarquable (Anne Muratori-Philip, Le Figaro, 21 août 2003, p. 17). (10) Autres sources : Michaud, Biographie universelle, tome 24, p. 346 ; Dictionnaire Napoléon, p. 1070, notice Le Sueur, par J. Mongrédien ; p. 1212, rubrique " Musique " par le même auteur ; Denise Leprou, " Napoléon et la musique ", Revue du Souvenir Napoléonien n° 342 ; Napoléon, éd. Rencontre, 1969, tome 5, p. 182 ; Christian Wasselin, Berlioz, les deux ailes de l'âme, éd. Gallimard/Découverte, réédition janvier 2003 ; Jacques Doucelin, " Berlioz, fils prodigue de la musique ", Le Figaro, 20 janvier 2003, p. 28. http://www.napoleon.org/fr/salle_lecture/biographies/files/lesueur_compositeur.asp | |
Marche du Sacre de Napoléon 1er (arrgt. Vidal) | |