http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/oeuvre/fiche.php?oeuv=5000005
Strauss
: Till l'espiègle
...Till l'espiègle fut composé au cours de la décennie qui vit la
naissance des grands poèmes symphoniques inspirés à Richard Strauss
par des arguments littéraires, poétiques et philosophiques d'origines
variées, décennie inaugurée en 1889 par la fantaisie symphonique Aus
Italien – hommage, d'une certaine manière, à Harold en Italie
de Berlioz et à la Symphonie italienne de Mendelssohn. Ces poèmes
symphoniques reprennent à leur compte quelques unes des conceptions de
Liszt, tout en transcendant le genre par une verve orchestrale et mélodique,
et un renouvellement constant de la forme elle-même, qui ne caractérisent
pas précisément les œuvres du compositeur hongrois.
C'est ainsi que virent le jour, successivement, à la suite d'Aus
Italien : Macbeth, Don Juan, Tod und Verklärung (Mort et
transfiguration), Till Eulenspiegels lustige Streiche (les
Joyeuses équipées de Till l'espiègle), Also sprach Zarathustra
(Ainsi parlait Zarathoustra), Don Quixote (Don Quichotte), enfin Ein
Heldenleben (Une Vie de héros). Strauss se consacrera ensuite
essentiellement à la scène, de Feuersnot (1901) et Salomé
(1905) jusqu'à l'ultime Capriccio, créé à Munich en 1942.
Strauss à Paris
Richard Strauss porta d'une certaine manière à son comble le style du
poème symphonique, mais il aura toujours à cœur de ne jamais être
prisonnier des textes choisis comme source d’inspiration de ses œuvres.
"Dans ses Souvenirs de jeunesse, raconte Bruno Serrou,
Strauss
rappelle que c'est sous l'emprise des écrits de Wagner, Schopenhauer et
de ses conversations avec Ritter, mais aussi à l'encontre de Brahms et
de Bruckner, qu'il pressentit avoir atteint les limites de ce que pouvait
offrir l'esthétique
classique, notamment la forme sonate. En mars 1889, il confiait à l'un
de ses amis : 'Musique à programme : vraie musique ! Musique pure :
composition possible par tout individu passablement musicien doté d'une
routine et d'un métier certains ! La première : art véritable ! La
seconde : savoir faire !'"
Till l'espiègle, poème symphonique en forme de rondo inspiré
d'une ancienne légende picaresque, fut achevé en 1895 à Munich et créé
le même année, au Gürzenich de Cologne, sous la direction de Franz Wüllner.
L'oeuvre consacra le succès international du compositeur, qui fut invité
dans toute l'Europe (y compris à Paris, où il se rendit pour la première
fois en tant que chef, à l'invitation d'Edouard Colonne, au Châtelet)
et en Amérique pour la diriger.
Un programme ou non ?
"Echaudé par ses expériences
antérieures, poursuit Bruno Serrou, Strauss renonça à publier le
programme de son nouveau poème symphonique. Il alla même jusqu'à
refuser de mettre sur la piste son confrère Franz Wüllner, qui devait
pourtant assurer la création de l'œuvre. Il envisagea néanmoins de
l'expliquer plus ou moins, du moins si l'on croit la partition qu'il
offrit à son confrère Wilhelm Mauke, sur laquelle il porta de sa main
vingt-trois motifs qui sont autant d'épisodes de son poème symphonique
et qu'il accompagne d'un commentaire littéraire :
'1) Il était une fois un bouffon coquin 2) nommé Till l'Espiègle. 3)
C'était un malicieux lutin 4) parti vers de nouvelles facéties. 5)
Attendez un peu, poltrons ! 6) Hop ! à cheval à travers les étals des
marchandes de poissons. 7) Il file avec des bottes de sept lieues. 8)
Caché dans un trou de souris. 9) Déguisé en pasteur, il suinte
l'onction et la morale... 10) Toutefois, le vaurien se révèle par son
gros orteil. 11) Mais comme il se rit de la religion, il ressent soudain
une peur panique de la mort. 12) Till chevaleresque et échangeant des grâces
avec de charmantes jeunes filles. 13) Il leur fait la cour. 14) Un élégant
refus est aussi un refus. 15) Jure vengeance contre la race humaine.
16) Motif des philistins. 17) Après avoir démontré aux philistins
quelques thèses plutôt monstrueuses, il les abandonne, ahuris, à leur
sort. 18) Grimace à distance. 19) Rengaine de Till. 20) Le tribunal. 21)
Il sifflote nonchalamment. 22) Sur l'échafaud. 23) Là, il pendille,
l'air lui manque, un dernier spasme, la part mortelle de Till a vécu.'
Strauss néglige de commenter l'épilogue qui, il est vrai, affirme
clairement qu'il se trouvera toujours un Eulenspiegel pour importuner les
philistins..."
Tel quel, Till est l'un des poèmes symphoniques les plus souvent
joués de Strauss....
C. W.
http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/oeuvre/fiche.php?oeuv=5000005
|