Carl ORFF
Münich, 10 juillet 1895 ; Münich, 29 mars 1982

 

O Fortuna.

 

Le prologue, consacré à Fortuna, la divinité du destin, présente l’existence de l’homme comme ordonnée par le caprice et l’arbitraire, facteurs d’instabilité illustrés par la « roue du destin » qui tantôt élève, tantôt abaisse. De même, le chœur «O Fortuna» se trouve répété dans l’épilogue, complétant l’illusion musicale décrite par le texte.

D'après certaines sources paléographiques, le manuscrit du Carmina Burana aurait probablement été écrit à la cour d'un aristocrate clérical de Carinthie amoureux des belles-lettres et protecteurs des étudiants. Bien que son histoire ultérieure soit entourée d'incertitudes, on sait que le texte subit des coupures et des réarrangements; par exemple, la miniature de la déesse de la Fortune avec sa roue fut retirée de l'endroit où elle se trouvait à juste titre et placée au début en guise de frontispice. Les pages des Fragments Burana furent probablement introduites dans le manuscrit peu de temps après l'achèvement du volume, et la partie du manuscrit refermant la Passion est peut-être légèrement postérieure au reste.


O Fortuna                      O Fortuna
velut luna	                    comme la Lune
statu variabilis 	    tu es variable
semper crescis              toujours croissante
aut descrescis              et décroissante
vita detestabilis            la vie détestable
nunc obdurat                 d'abord oppresse
et tunc curat                 et puis calme
ludo mentis aciem          comme le jeu s'empare de la raison
egestatem                      pauvreté
potestatem                     et pouvoir
dissolvit ut glaciem         elle les fait fondre comme glace

Sors Immanis                 Sort monstrueux
et inanis                         et vide
rota tu volubilis              tu fais tourner la roue
status malus                   tu es mauvais
vana salus                      vaine bien-portance
semper dissolubilis         toujours divisible
obumbrata                      ombragée
et velata                         et voilée
michi quoque niteris        tu me tourmentes aussi
nunc per ludum               là par le jeu
dorsum nudum                 mon dos nu
fero tui sceleris              j'apporte à ta vilenie

Sors salutis                     Le salut du Sort
et virtutis                        et son mérite
michi nunc contraria        est maintenant contre moi
est affectus                    est poussé
et defectus                     et affaibli
semper in angaria            toujours en esclavage
Hac in Hora                    Donc à cette heure
sine mora                         sans délai
corde pulsum tangite        pincez les cordes vibrantes
quod per sortem               car le Sort
sternit fortem                 étend l'homme fort
mecum omnes plangite!     pleurez tous avec moi!