Olivier MESSIAEN Avignon, 10-12-1908 / Clichy, 27-4-1992 |
Matisse Henri , Polynésie le Ciel 1946 Sérigraphie papier vélin 90X 57 cm La « Polynésie, le Ciel » servira comme carton de tapisserie, exécutée plus tard par la Manufacture des Gobelins. Ce mélange de bleu, de turquoise et de blanc ; cette multiplicité d’oiseaux aux formes stylisées et homogènes, sont le pendant à une autre tapisserie dans les mêmes tons : Polynésie, la Mer
Le travail de la tapisserie met en valeur l’impression de relief, de mouvement. Matisse fit les dessins - découpages, et indiqua aux lissiers comment épingler et monter les motifs avant de les reproduire. Il invente ainsi la peinture aux ciseaux, et découpe des formes de couleurs qu’il assemble pour donner naissance à une œuvre. |
Les Oiseaux exotiques qui
chantent dans cette partition ont de merveilleux plumages colorés. Ces
couleurs très vives sont dans la musique : toutes les couleurs de
l'arc-en-ciel y circulent, y compris le rouge, couleur des pays chauds et
du beau Cardinal de Virginie ! Mais il y a aussi le Mainate hindou (noir à
cou jaune) qui pousse des cris singuliers. Le Verdin à front d'or (tout
vert comme une feuille au printemps) qui fait un gazouillis varié. Le
Troupiale de Baltimore (plumage orange et noir) qui fait des vocalises
joyeuses. Le Tétras Cupidon des prairies qui possède des sacs aériens lui
permettant de pousser des gloussements mystérieux (genre cor de chasse)
contrastant avec des cris aigus suivis de longues désinences dirigées vers
le grave. Le Moqueur polyglotte (gris, rose, brun fauve strié de blanc)
fait des strophes cuivrées, staccato, riches en harmoniques, de caractère
incantatoire. L'Oiseau-Chat (gris ardoise) débute ses strophes par un
miaulement. Le Shama des Indes (noir bleuté, ventre orangé, longue queue
étagée blanche et noire) est un merveilleux chanteur dont le répertoire
est fait de percussions rythmées, de batteries sur deux sons disjoints et
d'éclatantes fanfares au timbre cuivré. C'est sa voix qui dominera tout le
tutti final. Le Garrulaxe à huppe blanche est un gros oiseau vivant dans
l'Himalaya. Il est terrifiant par son aspect et par ses vociférations
implacables. Le Merle migrateur, confié aux deux clarinettes, égaie tout
le tutti central. Chantent aussi : le Merle de Swainson, la Grive ermite,
le Bulbul Orphée et la Grive des bois, dont la fanfare éclatante,
ensoleillée, termine la première et ouvre la dernière cadenza du piano
solo. L'oeuvre comporte aussi des rythmes grecs et hindous, confiés à la
percussion. Deçî-Tâlas de l'Inde antique, système de Çârngadeva :
Nihçankalîla, Gajalîla, Laksmîça, Caccarî, Candrakâla, Dhenkî, Gajajhampa
- et de la théorie karnâtique : Matsya-Sankirna, Triputa-Mishra,
Matsya-Tishra, Atatâla-Cundh. Parmi les rythmes grecs, on trouve des pieds
composés au mètre : Dactylo-Epitrite, puis des vers à mètres composés :
lambélégiaque, et enfin des vers logaédiques : Asclépiade, Saphique,
Glyconique, Aristophanien, Phalécien, Phérécratien. Voici une brève analyse de la forme, qui comprend treize sections : 1. Introduction 2. Cadenza de piano (sur le Mainate hindou et la Grive des bois)
3. Interlude
sur 4 oiseaux : Verdin de Malaisie, Troupiale de Baltimore, Liothrix de
Chine et Grive de Californie, confiés aux bois, glockenspiel et xylophone
4. Courte
cadenza de piano sur le Cardinal de Virginie
5. Suite de
l'interlude sur les 4 oiseaux
6. Troisième
cadenza du piano sur le Cardinal de Virginie
7. Orage,
tonnerre sur la forêt amazonienne, énorme crescendo du tam-tam. Le Tétras
Cupidon gonfle ses sacs aériens, puis pousse son cri terrifiant, de l'aigu
au grave
8. Un grand
tutti central. Tous les oiseaux chantent ensemble un grand contrepoint qui
s'appuie sur quatre strophes rythmiques confiées à la percussion et
développant les rythmes hindous et grecs. Certains des rythmes hindous
diminuent à chaque strophe d'une double-croche par durée. Le Tâla
Nihçankalîla, par exemple, aligne des durées de 8-8-6-6-4 doubles-croches,
à la deuxième strophe, ce sera 7-7-5-5-3, à la troisième strophe ce sera
6-6-4-4-2, à la quatrième strophe ce sera 5-5-3-3-1.
9. Après le
grand tutti, quatre hurlements du Tétras Cupidon, suivis de l'orage
10. Quatrième
et très longue cadenza du piano solo sur le Bobolink et l'Oiseau-Chat.
Ecriture très brillante dans tous les registres de l'instrument
11. Grand
tutti final. C'est le Shama des Indes qui en est le principal soliste.
Grand contrepoint, extrêmement coloré, par tous le instruments
12. Courte
cadenza du piano solo sur la Grive des bois et le Cardinal de
Virginie
13. Coda, qui
termine l'oeuvre par la vocifération implacable du Garrulaxe, évoquant
quelque Géant de la montagne, quelque Asura méchant et calme de la
mythologie hindoue. Plus que la forme, plus que les rythmes et plus que tous ces timbres, il faut entendre et voir dans mon oeuvre, des sons-couleurs. Il y a dans les parties de cors du deuxième tutti : de l'orangé, mêlé d'or et de rouge - il y a, dans la première et dernière cadenza de piano solo : du vert et de l'or. Le tutti central mélange en spirales colorées, en tournoiements d'arcs-en-ciel entremêlés : des bleus, des rouges, des orangés, des verts, des violets et des pourpres... Les Oiseaux exotiques ont été composés entre le 5 octobre 1955 et le 3 janvier 1956, et ont été joués dans toutes les grandes villes d'Europe et des deux Amériques, en Scandinavie et au Japon. Dans presque toutes ces exécutions, Yvonne Loriod jouait le piano solo.
Olivier Messiaen |