Gustav MAHLER

Kaliste, 7 juillet 1860 - Vienne, 18 mai 1911

 

 

"Ma musique n'est rien d'autre qu'un bruit de la nature" 

 

Kindertotenlieder  

(Chant pour des enfants morts) 

sur des poèmes de Friedrich Rückert

 

In diesem Wetter, in diesem Braus, nie hätt’ ich gesendet (Par un temps pareil, jamais je n’aurais dû envoyer les enfants dehors) 

C'est en 1872, six ans après la mort de Friedrich Rückert, que sera publiée pour la première fois, dans un petit volume de 408 pages, à couverture toilée et dorée à l'or fin, le recueil des Kindertotenlieder. Il comprend 166 poèmes, moins de la moitié des 423 élégies qu'avait inspirées au poète la mort de ses deux enfants.

Friedrich Rückert avait cinq enfants dont les deux plus jeunes, Luise (née le 25 juin 1830) et Ernst (né le 4 janvier 1829) contractèrent successivement la scarlatine en 1833, au lendemain de Noël. Luise mourut le soir de la Saint-Sylvestre. Tombé malade à son tour quelques jours plus tard, Ernst succomba à son tour le 18 janvier. Les autres enfants du poète, victimes de la contagion, allaient heureusement survivre. Mais leur père devait rester longtemps inconsolable. Toute sa vie, il conservera près de lui le portrait au pastel de ses deux plus jeunes enfants, exécuté à l'automne 1833, quelques mois avant leur mort.

http://mapage.noos.fr/vincent/kinder.html

 

 

http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/oeuvre/fiche.php?oeuv=40000022

Mahler : Kindertotenlieder

 

...Les cinq Kindertotenlieder (Chants des enfants morts), tout comme les cinq Rückertlieder qui leur sont contemporains, furent composés de 1901 à 1904 sur des textes de Friedrich Rückert (1788-1866), poète prolixe mais aussi philologue et traducteur de nombreuses langues orientales. Mahler emprunta le titre à Rückert lui-même, qui intitula Kindertotenlieder un ensemble de quatre cent vingt-huit poèmes de son cru, dont une grande partie fut éditée à titre posthume.

Le cycle de Mahler baigne dans un sentiment de grande détresse et une atmosphère d'une douceur irréelle, inspirés à la fois par la douleur causée par la perte d'un ou plusieurs enfants et la consolation à l’idée que les disparus ont pu trouver la paix dans un autre monde. Comme l’écrit le compositeur à Natalie Bauer-Lechner : «Ce qu’expriment ces lieder est d’une telle tristesse que j’ai souffert de devoir les composer et que je souffre pour ceux qui devront les entendre !» De fait, le poète avait perdu deux de ses enfants, en 1833 et en 1834, et le musicien perdra sa fille Maria (Putzi) en 1907, deux ans après la création du cycle. On a souvent vu là, dans l'âme de Mahler, un sentiment de prémonition ; on ne saurait oublier cependant que le compositeur, bien avant de composer ses lieder, perdit sept de ses frères et sœurs.

La voix de
baryton

Mahler conçut directement les Kindertotenlieder pour voix et orchestre, sans passer par l’intermédiaire du piano. Il utilise là un orchestre réduit (sans trombones) qui permet des alliages insolites : basson et cor au début du troisième lied, cor et cordes dans le quatrième, etc. Il se refuse également à tout pittoresque dans la forme ; aucune valse, aucune marche militaire, ici, contrairement au tissu de souvenirs populaires et parfois grotesques du cycle Des Knaben Wunderhorn. Quant à la voix, Henry-Louis de La Grange précise : «Afin que la tendresse et la douleur des poèmes demeurent essentiellement viriles, Mahler souhaitait précisément que ces lieder fussent chantés par un homme. Il voulait même que le père affligé donnât l’impression de contenir sa douleur et craignait donc qu’une voix féminine n’introduise une note sentimentale.» De fait, c'est le
baryton Friedrich Weidemann qui créa le cycle, sous la direction du compositeur, à Vienne, le 29 janvier 1905.

Les deux premiers lieder sont d'un caractère contemplatif. Les bois et les cors accompagnent les vers disant la tristesse, les cordes apportent leur consolation. Le premier, en particulier, «Nun will die Sonn’ so hell aufgeh’n», utilise ce procédé presque systématiquement, vers par vers, avec des coups de
glockenspiel discrets, comme le souvenir de l'enfant perdu qui ne viendra plus jamais frapper à la fenêtre. Le troisième lied est conçu à la manière d'une prière, cependant que le quatrième, «Oft denk’ ich, sie sind nur ausgegangen», est d'une orchestration très enveloppante, comme si l'illusion d'un espoir et d'un bonheur retrouvés rendaient inutile le travail de deuil imposé ailleurs par les vents. Le dernier lied, enfin, d'une facture et d'un mouvement tempétueux, aboutit à une conclusion apaisée : «L'instantanéité de la transformation tient de la féerie», dit Stéphane Goldet. Jamais une œuvre musicale n'a pris la forme, à ce point, de la traversée d'une âme.

C. W.