Paul HINDEMITH

Hanau, 16 novembre 1895- Francfort, 26 décembre 1963

 

     

    

                   Cardillac

 

Opéra en trois actes et quatre tableaux (1926) 

Livret de Ferdinand Lion
D’après la nouvelle de E.T.A Hoffmann 

Das Fräulein Von Scuderi
En langue allemande

 

...Créé le 9 novembre 1926 à Dresde, Cardillac est un ouvrage quasiment contemporain de l’Erwartung de Schönberg (1924), du Doktor Faust de Busoni (1925), du Wozzeck de Berg (1925), mais aussi du Turandot de Puccini (1926), de L’Affaire Makropoulos de Janacek (1926), ou même du Paganini de Lehar (1925) ! C’est dire l’extraordinaire richesse et l’éclectisme de la vie musicale des années 20, qui compte également comme compositeurs lyriques notables Milhaud, Honegger, Boito, Giordano ou Stravinsky.

Tout ceci pour dire que Cardillac n’est pas, et ne peut pas être, une œuvre aboutie (Hindemith remaniera profondément sa partition dans les années 50), mais reste plutôt le manifeste d’une démarche musicale très personnelle, respectueuse d’un certain classicisme dans la forme (dix-huit numéros s’enchaînent : aria, duo, canon, passacaille …) mais très originale sur le fond, notamment par la manifestation d’une indépendance entre la musique et la scène (1). Ainsi, les ébats amoureux entre le Chevalier et sa Dame, qui pourrait être prétexte à un duo spectaculaire, sont traités sous forme de pantomime.

Autre exemple, en dehors de Cardillac, les personnages sont peu développés et se limitent (volontairement) à des types : ils n’ont d’ailleurs pas de nom, ce qui contribue à les déshumaniser.

Hindemith se situe donc dans la continuité de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle objectivité), « mouvement opposé à l’expressionnisme et bannissant le pathos et la sentimentalité pour une approche aussi « objective » que possible de la réalité ».

C’est sans doute pourquoi Cardillac, régulièrement monté dans les théâtres allemands néanmoins, est resté jusqu’à présent un plaisir d’intellectuel plutôt qu’un ouvrage grand public.

Le livret de Ferdinand Lion, est inspiré d’une nouvelle d’E.T.A. Hoffmann, Mademoiselle de Scudéry, personnage supprimé par le librettiste, parabole de l’artiste qui cherche à se réapproprier son œuvre (2). Il raconte l’histoire de Cardillac, un orfèvre génial, tellement attaché à ses œuvres qu’il assassine tous ses clients pour récupérer ses bijoux.

L’action se situe à Paris, sous Louis XV, alors que la ville vit dans la crainte devant une série de meurtres inexpliqués. Le Chevalier a remarqué que les victimes étaient toutes des clientes récentes de Cardillac. Il s’en ouvre à la Dame, dont il compte faire sa maîtresse et celle-ci le met au défi de lui acheter un bijou. Le Chevalier s’exécute (c’est le mot) en faisant  l’acquisition auprès de Cardillac de son plus bel ouvrage. L’acte se termine par le meurtre du Chevalier pendant ses ébats amoureux.

Cardillac reçoit le Marchand venu lui vendre un or de mauvaise qualité que l’orfèvre refuse. Cardillac l’interroge sur le signe de croix qu’il l’a vu faire en entrant dans son atelier. Le Marchand explique le mystère qui entoure dorénavant l’artiste dont les clients meurent systématiquement. En lui-même, le Marchand se promet d’observer l’atelier la nuit.

Cardillac laisse son échoppe à la garde de sa fille ; celle-ci reçoit alors son soupirant, un jeune Officier, auquel elle se refuse par devoir filial.

Au retour de son père, la jeune fille lui confie son amour, ce qui laisse l’orfèvre, occupé à son art, totalement indifférent, au grand désarroi de la jeune fille.

La cour royale se déplace chez l’orfèvre, mais celui-ci refuse de vendre la moindre de ses créations, remettant à plus tard la fourniture d’une œuvre plus belle encore.

Alors qu’il cèle le bijou qu’il a arraché la nuit précédente au Chevalier, l’Officier entre et lui demande « sa plus belle création ». Au grand soulagement de Cardillac, il s’agit de sa fille et non d’une de ses parures.  Cardillac accorde bien volontiers la main de sa fille, mais avec beaucoup plus de réticences la chaîne en or que l’Officier compte lui offrir.

Au troisième acte, Cardillac (surveillé par le marchand) agresse l’Officier pour récupérer le bijou. Le Marchand appelle la garde à la rescousse, mais quand les protagonistes sont enfin réunis, l’Officier se ravise et accuse le Marchand bien qu’il sache l’identité du vrai coupable. Mais Cardillac, ne supportant pas le poids de sa culpabilité, déclare connaître le vrai criminel et, menacé par la foule (3), confesse ses crimes, les justifiant par son amour de l’Art. Lynché par l’assistance, Cardillac s’éteint aux pieds de sa fille, sans un regard pour celle-ci, en embrassant une dernière fois le collier d’or que porte l’Officier...

http://www.forumopera.com/concerts/cardillac_bastille05.htm