Georg Friedrich HAENDEL

Halle 1685-Londres 1759

 

 

  La Réjouissance, extrait de la

Musique pour les feux d’artifice royaux.

Elle a été composée en 1749 pour les festivités en l'honneur du traité d'Aix-la-Chapelle

 

Cinquante huit instruments à vent (24 hautbois, 12 bassons, 2 contrebassons, 2 serpents, 9 trompettes, 9 cors), cinq percussionnistes (3 paires de timbales, 2 tambours), c'est l’effectif original requis par la Royal Fireworks Music. Et encore, on vous a épargné les cent un coups de canon qui ont salué la fin de l’ouvrage le 27 avril 1749. La cérémonie fut un four et la scène, spécialement construite, s’enflamma.

La partition de la Water Music rassemble plusieurs ouvrages de diverses origines dans deux suites ; Haendel lui-même avait concocté plusieurs montages possibles.

Il n’existe aucune version véritablement définitive et indiscutable.

 

Water Music (Musique sur l’eau) fut longtemps l’oeuvre instrumentale la plus populaire de Haendel, mais nous n’en possédons ni manuscrit autographe, ni première édition, authentique et sanctionnée par le compositeur. L’anecdote se rapportant à la composition d’un ouvrage de ce nom est dans toutes les mémoires. Haendel, directeur de la musique de l’électeur de Hanovre, avait en 1712 obtenu de ce dernier la permission de se rendre en Angleterre, à condition de ne pas y rester trop longtemps. Or Haendel était toujours à Londres en 1714, au moment où König Georg I um 1715
König Georg I around 1715l’électeur devint le roi George Ier d’Angleterre. Selon John Mainwaring, auteur des « Mémoires sur la vie de feu Georg Friedrich Haendel » (1760), le compositeur aurait évité tout contact avec le nouveau souverain jusqu’au 22 août 1715, jour où à l’occasion d’une procession royale sur la Tamise, il aurait fait exécuter une oeuvre nouvelle, s’arrangeant pour que le roi ne pût manquer d’en être ravi : d’où pardon immédiat.

Il s’agit (partiellement en tout cas) d’une légende. Le 26 septembre 1714, six jours seulement après avoir débarqué à Greenwich, le roi entendit un Te Deum de Haendel, et la même année, il honora de sa présence une représentation de son opéra Rinaldo. Si Haendel était en disgrâce, sa musique ne l’était pas. Quant à la seule promenade royale sur l’eau avec musique de Haendel dont nous ayons trace, elle n’eut lieu que le 17 juillet 1717. On possède à ce sujet trois témoignages contemporains. Les deux premiers proviennent de journaux anglais. The Political State of Great Britain de 1717 rapporte que « le mercredi 17 juillet, dans la soirée, le roi ... se rendit par eau jusqu’à Chelsea, avec pour le distraire une excellente musique organisée par le comte Kilmanseck ... À trois heures du matin, il revint par eau jusqu’à Whitehall, et de là au palais de St James ». Le Daily Courant du 19 juillet précise notamment que « la Musique, composée de 50 instruments de toutes sortes, joua pendant tout le trajet de Lambeth ... à Chelsea des Symphonies parmi les plus belles qu’on puisse imaginer, écrites spécialement pour l’occasion par M. Haendel, et que sa Majesté apprécia tant qu’Elle les fit exécuter trois fois pendant l’aller et retour ». Le troisième témoignage, le plus long et le plus intéressant, est un rapport de l’ambassadeur de Prusse à Londres, Friedrich Bonet. On y apprend que le baron Kilmanseck (Johann Adolf, baron von Kilmansegg), qui avait déjà protégé Haendel à Hanovre, organisa les festivités du 17 juillet 1717 à ses propres frais, et que les musiciens à eux seuls lui coûtèrent 150 livres. Le rapport de Bonet donne également la composition de l’orchestre (trompettes, cors, hautbois, bassons, flûtes traversières, flûtes à bec, violons et basses, sans chanteurs), et ajoute que la musique était du « célèbre Haendel », natif de Halle et principal compositeur de cour de sa Majesté.

On ne sait si furent entendus le 17 juillet 1717 1’ensemble des morceaux réunis actuellement sous le titre de Water Music, ou seulement certains d’entre eux. Une autre promenade royale sur la Tamise eut lieu le 26 avril 1736, veille du mariage du prince de Galles (le roi était alors George II), mais si l’on joua de la musique de Haendel, et que ce fut un extrait de ce que nous appelons Water Music, cet extrait ne fut certainement pas composé à cette date. Selon la disposition adoptée, les morceaux sont au nombre de vingt à vingt-deux, et répartis en trois suites instrumentées différemment : suite en fa pour 2 hautbois, basson, 2 cors, cordes et basse, suite en ré pour 2 hautbois, basson, 2 trompettes, 2 cors, cordes et basse, suite en sol pour flûte à bec, flûte traversière, cordes et basse. Il ne saurait être question de rattacher respectivement ces trois suites aux années 1715, 1717 et 1736, et le plus probable est qu’elles se situent toutes les trois en 1717. On peut supposer que celles en fa et en ré, dominées l’une par les cors et l’autre par les trompettes, retentirent sur l’eau, c’est-à-dire en plein air, et que celle en sol, plus intime, fut entendue lors du souper offert au roi à Chelsea dans la résidence de lord Ranelagh. Quant à l’ordre des morceaux au sein de chaque suite, il reste tout à fait conjectural.

Les Menuets parurent en 1729 dans un recueil intitulé A General Collection of Minuets . La première édition de la « célèbre Water Musick », parue chez Walsh vers 1732-1733, ne comprenait qu’une dizaine de morceaux, soit environ la moitié, mais puisait dans chacune des trois suites. D’autres éditions suivirent rapidement, ainsi que de multiples arrangements pour les combinaisons les plus diverses (dont vers 1760 une réduction pour clavecin). La première édition d’ensemble sous forme de partition d’orchestre fut celle de Samuel Arnold (1788).

Jusqu’au milieu du XXe siècle, on entendit surtout Water Music dans les arrangements et réorchestrations de Sir Hamilton Harty. Depuis, la musicologie a permis d’une part de bien distinguer les trois suites, et d’autre part de retrouver l’orchestration originale. L’ordre des morceaux n’est pas fixé pour autant, et il est tout à fait licite de faire s’interpénétrer les trois suites. Jordi Savall a pour sa part disposé l’ensemble en deux suites, l’une centrée sur celles en ré et en sol, l’autre sur celle en fa. On ne peut de toute façon qu’admirer à quel point Haendel, dans Water Music, se révèle musicien international : solides bases germaniques, formation italienne, assimilation du goût français et de la tradition anglaise.

Le prétexte de la Music for the Royal Fireworks (Musique pour le feu d’artifice royal) fut la paix d’Aix-la-Chapelle, qui en 1748 mit fin à la guerre de Succession d’Autriche. Cette guerre avait opposé, entre autres, l’Angleterre et l’Autriche à la France et à la Prusse. Le roi George II, qui personnellement n’était pas un foudre de guerre, ordonna de célébrer l’événement par de grandes festivités couronnées par un immense feu d’artifice, ce dernier sur une immense « machine » de bois construite dans Hyde Park par Giovanni Niccolò Servandoni. Cette machine de 410 pieds de long et de 114 pieds de haut fut terminée le 26 avril 1749, veille du jour prévu pour le feu d’artifice. La musique avait été commandée à Haendel, et pour les musiciens, on construisit une galerie surélevée, au-dessus d’une statue de la Paix entourée d’une statue de Neptune et de Mars ainsi que d’un bas-relief représentant George II offrant la paix à Britannia (déesse romaine qui personnifie les Îles britanniques). Le tout était surplombé d’un soleil qui, la nuit de la célébration, s’enflamma au lieu de s’allumer, éclairant Hyde Park (Green Park) comme en plein jour.

George II ne désirait que des instruments à caractère militaire, alors que Haendel envisageait un ouvrage pour cordes et vents. Le compositeur ne s’inclina qu’au dernier moment. Le 21 avril,  il donna à Vauxhal Gardens  (en anglais) une répétition générale publique avec un orchestre de vents et de timbales (et peut-être des cordes) comprenant, selon les journaux, cent musiciens. Douze mille personnes y assistèrent, et sur le fameux pont de Londres, la circulation fut bloquée pendant trois heures. Cette foule n’était accourue que pour Haendel, étant donné qu’il n’y avait ce jour-là ni feu d’artifice, ni construction de bois, ni statues allégoriques ou non. L’autographe de Haendel indique 24 hautbois, 12 bassons, 9 trompettes, 9 cors, 3 paires de timbales, un contrebasson et un serpent, mais il est possible que le 27 avril 1749, il ait eu sous sa direction un ensemble encore plus fourni. La cérémonie fut parsemée d’incidents, et seule la musique de Haendel la sauva du désastre. Durant l’incendie, Servandoni tira son épée contre un fonctionnaire royal. Il fut désarmé, et passa la nuit en prison. Un mois plus tard, le 27 mai, Haendel fit entendre la Music for the Royal Fireworks au bénéfice du Foundling Hospital (Hôpital des enfants trouvés) de Londres, et on sait qu’à cette occasion, il revint à sa conception originale avec cordes.

Il y a cinq parties : une Ouverture (dont il existe d’autres versions, en toute vraisemblance plus tardives), puis une Bourrée, une Sicilienne intitulée « la Paix » (avec parties de cor virtuoses), un morceau intitulé « la Réjouissance » et destiné a être joué trois fois (par trompettes, bois et cordes, par cors et bois, puis par tous les effectifs), et enfin deux Menuets (Le Menuet I étant repris après le Menuet II).


MARC VIGNAL

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