Boîte à outils

les enceintes

- La création de la forteresse bruxelloise 

Source: http://www.idearts.com/magazine/dossiers/fortification/fortifications2.htm

 

Le système défensif bruxellois s'érigea en plusieurs étapes. 

Une première enceinte édifiée aux alentours du XIIIe siècle s'avéra vite saturée par la croissance urbaine. 
(carte)

Une seconde enceinte de grande dimension, dont les travaux débutèrent au XIVe siècle, fut donc conçue. Cette dernière présentait les caractéristiques des défenses médiévales : un mur, un fossé inondé dans la vallée et sec sur les hauteurs de la ville, des tours semi-circulaires et 7 portes fortes sur le parcours des routes mettant en communication Bruxelles et l'extérieur (au XVIe siècle, une nouvelle issue fut ouverte, nommée porte ou trou du Rivage).

Au XVIe siècle et au XVIIe (par les ingénieurs Merckx et Blom), des ouvrages extérieurs de fortification furent ajoutés : des bastions renforcés par des demi-lunes et des ravelins, le fort de Monterey et l'ouvrage à Cornes de la porte de Schaerbeek. Conçu en réponse au développement de l'artillerie, le système des fortifications était basé sur le principe de la défense en profondeur consistant à placer des obstacles successifs pour entraver la progression de l'assaillant.

En 1746, les résistances plièrent devant les troupes françaises et la ville fut prise. Au sortir du conflit, le système défensif bruxellois était en ruine. La décision d'ériger une enceinte était une prérogative princière.
Mais la responsabilité exercée par les autorités urbaines dans la gestion du système défensif les conduirent parfois à s'en considérer propriétaire. 

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'intégration de Bruxelles et des villes des Pays-Bas au sein d'entités territoriales plus importantes engendra une perte de l'autonomie urbaine. Le pouvoir central oeuvrait pour recouvrir le contrôle absolu des fortifications.

Le système défensif extérieur avait avant tout un rôle militaire mais il avait également une fonction fiscale, des droits étaient perçus aux portes de la ville. Sa présence, en tant que limite potentielle, conditionnait plus tard la forme de l'expansion dans la ville intra-muros et à l'extérieur par les portes, le long des chaussées.  Si les autorités bruxelloises étendaient leurs prérogatives au-delà de leur enceinte et de leurs fortifications extérieures, celles-ci n'en constituaient pas moins une césure physique.

 

- La démolition du système défensif

Dans le courant du XVIIIe siècle, la mobilité accrue de l'artillerie, le développement des routes diminuèrent l'importance de la guerre de siège et du système défensif des villes. Les échanges commerciaux rendaient également souhaitable leur disparition. 
Faisant échos à la conception « naturaliste » de la ville prônée par les intellectuels du siècle, de nombreuses cités tentaient d'en atténuer l'impact. Elles diminuaient la hauteur des murs d'enceinte et aménageaient des promenades sur le chemin couvert des fortifications. Le processus de démolition fut long et laborieux à Bruxelles.

En 1782, l'empereur autrichien Joseph II ordonna le démantèlement de la quasi totalité des places fortes des Pays-Bas, dont Bruxelles, et la réorganisation du casernement dans le cadre d'une réforme du système défensif consistant à établir la neutralité du pays. A Bruxelles,  le projet de la démolition des fortifications extérieures fut planifié par le lieutenant colonel de Hucher. Désireux de mener une opération rentable, mais aussi ardent défenseur de l'entreprise privée, l'empereur opta pour l'affectation privée de la surface ainsi libérée. L'opposition des autorités urbaines qui s'en croyaient propriétaires, imposa finalement un partage des terrains entre la ville et les particuliers. Même si les terrains à bâtir commençaient à manquer, le gouvernement n'anticipait pas encore l'expansion de l'urbanisation extra-muros. L'empereur souhaitait limiter l'aménagement public à l'amélioration des communications pour la circulation des marchandises. Il élargit les sorties menant aux portes dans ce but.
Certaines d'entre elles (les portes de Namur, de Louvain, de Schaerbeek, de
Flandre et d'Anderlecht) furent supprimées.
Au terme de la période autrichienne, la plupart des ouvrages de fortifications avaient été supprimés à l'est de la ville. Certains persistèrent, essentiellement à l'ouest, parce que leur vente semblait impossible et leur démolition trop coûteuse.

En 1795, les Pays-Bas étaient annexés à la jeune République française. En intégrant un pays en état de guerre, il n'était plus question d'achever le processus de démilitarisation, Bruxelles servit de dépôt d'approvisionnement.  Le démantèlement des fortifications reprit lorsque le Ier consul, Napoléon, revit le système défensif du vaste territoire qu'il gouvernait. Reconnaissant l'absence de défense à Bruxelles, il ordonnait la vente et la démolition des fortifications extérieures restantes le 1er vendémiaire an XII.
La République imposait la division administrative entre la ville intra-muros et les villages environnants constitués en communes autonomes. À dater de cette disposition, la municipalité ne cessa pas de réclamer l'annexion des communes périphériques et de développer un ambitieux projet de ville afin de restaurer Bruxelles dans sa splendeur d'autrefois.
Les autorités locales réclamaient la construction d'un canal de Charleroi à Bruxelles et une nouvelle sortie mettant en contact la rue de Laeken et la route d'Anvers. La porte Napoléon fut réalisée en 1807 d'après les plans de l'architecte Payen. Le canal que l'on espérait pouvoir financer par des capitaux privés ne se réalisa pas.
La municipalité exprimait encore la volonté d'assainir et d'embellir la ville. Elle réclamait la démolition du rempart « insalubre » entre la porte Napoléon et la porte de Laeken, remplacé par une barrière fiscale et l'aménagement d'une promenade.
Par ordonnance du 19 mai 1810, l'empereur français ordonnait la démolition de la seconde enceinte. Il préconisait la construction de boulevards de promenade et d'une barrière fiscale, la barrière de l'octroi, sur son tracé.
Les difficultés croissantes de l'empire, la nécessité de financer la guerre, ne permirent cependant pas à Bruxelles d'entreprendre les travaux.

Voir aussi : la seconde enceinte

 

- L'émergence de la ville contemporaine

La ville du XIXe siècle connut une profonde mutation due à la croissance démographique et à la modernisation des transports, phénomènes liés à la révolution industrielle. Mais l'attrait exercé par Bruxelles provenait également de sa situation géographique, la ville représentait un trait d'union entre le bassin houiller de Charleroi et le « grand entrepôt maritime » qu'était Anvers, et de son statut de capitale. Bruxelles était un centre de consommation, un foyer intellectuel et artistique.
Le pays étant politiquement stable, la question de l'aménagement des boulevards fut le sujet dès 1817, d'une étude, non retenue, de l'architecte Verly. En 1818, la régence, soucieuse d'adapter Bruxelles aux exigences de la ville contemporaine, organisa un concours pour l'aplanissement des remparts remplacés par des boulevards. Jean-Baptiste Vifquain, ingénieur en
chef du Waterstaat, remporta le concours.
Le projet serait rentabilisé par la vente de terrains à bâtir, la superficie du pentagone étant augmentée. A l'est, en bordure des édifices du pouvoir, ils étaient fastueux. À l'ouest, l'ingénieur militait pour la construction du canal pour encourager l'implantation des activités commerciales et industrielles.
Le gouvernement hollandais, qui menait une politique de travaux publics, réagit favorablement. En 1823, Jean-Baptiste Vifquain reprit l'étude pour la construction du canal de Charleroi. Ce dernier longeait le pentagone à l'extérieur jusqu'à la porte de Ninove d'où il partait vers Hal. Le 22 septembre 1832, il put être inauguré.

Les travaux de démolition de la seconde enceinte et l'aménagement des boulevards étaient arrivés à la hauteur de la porte de Hal, lorsque l'indépendance de la Belgique fut proclamée. L'enceinte disparut intégralement dans les années 1840. Le boulevard de l'entrepôt, entre la porte de Flandre et celle du Rivage, qui clôturait l'opération fut inauguré en 1851. Si la réalisation des travaux nous est peu connue, il est certain que le plan initial de l'ingénieur subit des modifications.
La morphologie des boulevards correspondait à celle de la seconde enceinte avec deux excroissances, l'une au nord-ouest et l'autre au nord-est. Les boulevards avaient de deux à quatre rangées d'arbres, une allée centrale et des voies latérales, longées par une barrière et un fossé qui fermaient la ville. De nouvelles issues facilitaient les contacts avec la périphérie.
Dans le courant du siècle, la suppression de l'octroi, le développement des transports et l'évolution de l'architecture modifieront sans cesse le site.
Pavillons ´octroi de la porte de Ninove La question de la suppression de la barrière de l'octroi, c'est-à-dire de l'ouverture définitive de la ville, s'inscrivait dans le débat sur le mode de financement des communes dont une importante source de revenu était procuré par cet impôt, perçu aux portes. Tout au long du XIXe siècle, les autorités bruxelloises ne cessèrent pas de réclamer, pour des raisons administratives, financières, économiques et urbanistiques la réunion de la ville et de sa périphérie. L'octroi était perçu comme la cause 

 

                   Octroi de la porte de Ninove

 

essentielle de l'émigration vers la périphérie et comme l'obstacle principal au projet de réunion. En 1840, le gouvernement confia à Van der Straeten, inspecteur voyer des faubourgs, le soin d'élaborer un projet d'enceinte incluant la banlieue.
En 1860, le libéral Frère-Orban fit voter la suppression de l'octroi.
L'ultime témoignage physique de la séparation entre la ville et ses faubourgs pouvait disparaître, mais contrairement aux prévisions, elle n'engendra pas l'union tant espérée. La ville multiplia ses tentacules vers la périphérie ; elle s'agrandit par des annexions de parties de commune, mais la question du grand Bruxelles ne fut pas résolue.
L'évolution vers un régime politique stable, et la prospérité économique permirent l'achèvement du processus de disparition du système défensif laissant pour lointain rappel du tracé des remparts, les boulevards bordés au nord ouest de la ville par le canal de Charleroi et pour seul vestige physique la porte de Hal.

 

- Bruxelles au XXe siècle

Perspective historique
L'histoire de l'urbanisme bruxellois au XXe siècle est intimement liée aux modifications administratives et politiques qui aboutissent à la création de la Région de Bruxelles-Capitale. Le développement d'organes spécialisés et d'une législation urbanistique caractérise le siècle et amorce la planification de la région, tandis que le territoire urbain ne cesse de s'étendre. La petite ceinture gère les échanges entre la ville intra muros, qu'elle enferme, et l'agglomération.

La ceinture et le pentagone sont modifiés dans leurs affectations. l'exode des industries à l'ouest, le départ des habitants vers l'agglomération, la spéculation liée, à l'est principalement, à l'augmentation du secteur tertiaire, changent les fonctions du pentagone et de ses abords. Ces grandes tendances sont assorties de législations sur l'expropriation, la copropriété, la conservation, qui permettent la concrétisation architecturale des changements d'affectations. La mutation du pentagone en un îlot « sacré » les exalte. À ce jour, la ceinture qui le sépare de la ville émergente est bordée par des populations différentes le long de l'axe industriel de l'ouest où les logements mêlés à des entreprises commerciales s'échelonnent, reflets de la persistance d'une population citadine et lieux des activités populaires tels les marchés ou la foire. Quant aux quartiers du pouvoir et des affaires à l'est, dépeuplés, la fonction de « promenade des Boulevards » y perdure sous une forme contemporaine concentrée sur les loisirs culturels ou de consommation.

Les transformations de la petite ceinture sont fortement liées à la gestion des communications, typique du XXe siècle et de l'expansion urbaine, exigeant le développement du transport en commun et individuel. L'adoption d'un plan de circulation, facilitant l'accès à l'exposition universelle de 1958, débute la mutation des boulevards en autoroutes urbaines, assorties du métro. La jonction ferroviaire nord-midi et les voies arrivant du nord et de l'est démarquent, la ville haute et la ville basse. Aux portes de l'agglomération au nord et à l'est du pentagone, les noeuds de circulations à niveaux intègrent les tunnels de voiture et du métro, ainsi que des piétonniers de traverse souterrains.
Quant à l'ouest, le développement, à des fins commerciales, du port et du canal de Charleroi élargi dans les années trente, est l'objet des préoccupations en matière de communication. Depuis le milieu du XIXe, les gares nord et sud, érigées en portes de ville, sont reliées par une jonction ferroviaire pour marchandises, longeant le canal. Les boulevards de l'ouest restent pratiquement intouchés après la suppression de celle-ci, dévolus à la voiture dont le parcours est encore aujourd'hui coupé par celui des tramways.
Le boulevard, bâti sur l'enceinte quand elle fut désaffectée, voit au XXe siècle s'accentuer jusqu'à la saturation, sa fonction de lien entre la ville ancienne et l'agglomération, créant paradoxalement une rupture entre ces deux pôles, une ceinture.

Les modifications qu'amène le siècle se marquent dans l'aménagement urbanistique et architectural de la ceinture et de ses abords. Divers projets à tendance fonctionnaliste sont réalisés tels la Cité Administrative et le Quartier Nord notamment. Les constructions sur le parcours de la ceinture, engendrent de nombreuses démolitions et la densification du bâti en hauteur mais également derrière les façades anciennes. Les nouveaux idéaux urbanistiques se concrétisent par le biais d'investisseurs privés en partenariat avec la ville ou les communes, souvent propriétaires du sol. 
« Habiter, se récréer, circuler » c'est la ville de l'an 2000 qui occupe les projets des années 60. Les projets d'érection de socles et de tours, changent l'échelle de la ville, ajoutant une strate piétonne qui enjambe les voiries. Le bâti à l'est du pentagone, accentue la séparation physique que la ceinture induit entre le centre ancien et la périphérie. Par le biais d'une architecture se voulant prestigieuse, les sociétés siègent, monotones, implantées tel un rempart sans raccord à l'espace public. La qualité architecturale est souvent délaissée, sous couvert d'un style international pauvre après guerre ou d'un « façadisme » enjolivé de collages néoclassiques, à la fin du XXe siècle.
Les promoteurs urbanisent, mécènes contemporains, guidés par la spéculation et posent une empreinte sur la ville teintée d'expropriations et de
démolitions, sans consultation des habitants. Ces agissements provoquent l'émergence de comités de quartier et de défenseurs de la ville, dont les actions sont le ferment des procédures de concertations. Les projets sont discutés, sujets à des contre propositions souvent nostalgiques de la ville classique. 

La « bruxellisation » devient un néologisme tristement célèbre qui paralyse tout projet structurant pour Bruxelles. Le PRASS actuel, descendant du plan de secteur critiqué et débattu depuis 30 ans, tâche d'appliquer un projet global de ville à Bruxelles. Mais du quartier nord enfin en voie d'achèvement aux aménagements de la gare TGV « porte du midi », une portion de la ceinture est toujours marginalisée par rapport à l'est. La portion ouest de la ceinture, laissée à elle-même ou écorchée par le métro, est aujourd'hui le lieu de nombreuses possibilités de réhabilitations et d'une architecture au souffle nouveau.

On peut constater la conservation ou la démolition de vestiges des remparts et des boulevards. L'empreinte de la deuxième enceinte enfermant la ville perdure, sous les boulevards et la ceinture pentagonale. Le cours de certaines rues marque encore l'angle d'un bastion ou l'ondulation de la Senne.
Des Boulevards du XIXe siècle, certaines places et pavillons d'octroi subsistent, ainsi que la division arborée des circulations tram, voiture, piéton; à l'ouest du pentagone. Les oeuvres d'art disposées au pied du siège de grandes entreprises, sont la continuité des fontaines et statues qualifiant les perspectives de l'urbanisation de ce siècle.

La Porte de Hal, bien que transformée à plusieurs reprises, reste l'élément bâti le plus authentique. Le percement tardif des tunnels à cet endroit révèle une portion de la seconde enceinte bastionnée, figurée dans une station du métro.

La symbolique de la porte de ville perdure dans les projets contemporains sur la petite ceinture, de manière formelle par la symétrie du bâti ou dans une architecture-signal. Les portes de la ville ont reculé aux confins de la Région, au droit de nouveaux noeuds de circulation.

Des affectations issues des fortifications enfin, on peut considérer comme un vestige de la pédestre « promenade des remparts » (devenue « promenade du Boulevard » au XIXe) le parcours contemporain à grande vitesse sur l'est du pentagone. Cette rémanence s'accompagne du prestige associé encore aux boulevards de la petite ceinture. De nombreuses institutions s'y implantent au court du siècle, dans des architectures « enseignes », offrant souvent un imprenable panorama sur la ville, aperçue du sommet des tours contemporaines.

Astrid Lelarge, commissaire

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source: http://www.brunette.brucity.be/fond/eandre/1238/bruxelles/cartes.html

Voir aussi la carte interactive de la première enceinte