trope, M

= "hyperonyme désignant les divers procédés de figuration", "l'ensemble des procédés qui consistent à remplacer le mot propre par un autre qui y a quelque rapport." (Dupriez)

V. image, métaphore, métonymie, synecdoque, antonomase.

trope communicationnel, M -(transf.), double énonciation

= ce procédé consiste à feindre d'adresser un énoncé à quelqu'un d'autre que celui auquel on le destine véritablement.

[La] propriété de la parole théâtrale que Catherine Kerbrat-Orecchioni (*) nomme le trope communicationnel: cette tactique biaisée consiste à feindre d’adresser un message à un destinataire explicite et direct, qui n’est en fait que secondaire puisque le message est véritablement destiné à un récepteur indirect mais principal.

Pour une approche pragmatique du dialogue théâtral », Pratiques, n° 41, 1984, p. 46-61.

(cité par Sophie Duval, «Un involontaire homme d’esprit : naïveté, théâtralité ironique et trope méta-communicationnel chez Proust», [En ligne], Mis en ligne le: 9 mars 2007 Disponible sur: http://www.item.ens.fr/index.php?id=75968.)

Dans "La femme du boulanger" de Marcel Pagnol, le mari trompé fait des violents reproche à la chatte Pomponnette qui s'est absentée du domicile, mais se montre plein d'attention pour sa volage épouse qui en est bouleversée.

Ah! Te voilà, toi ? Regarde, la voilà la Pomponnette... Garce, salope, ordure, c'est maintenant que tu reviens ? Et le pauvre Pompon, dis, qui s'est fait un mauvais sang d'encre pendant ces trois jours ! Il tournait, il virait, il cherchait dans tous les coins... Plus malheureux qu'une pierre, il était...  Et elle, pendant ce temps-là avec son chat de gouttières... Un inconnu, un bon à rien... Un passant du clair de lune... Qu'est-ce qu'il avait, dis, de plus que lui ?

(Sa femme, baissant la tête) – Rien.

Toi, tu dis : « Rien ». Mais elle, si elle savait parler, ou si elle n’avait pas honte – ou pas de pitié pour ce vieux Pompon – elle me dirait : « Il était plus beau. » Et qu’est-ce que ça veut dire, beau ? Qu’est-ce que c’est, cette petite différence de l’un à l’autre ? Tous les Chinois sont pareils, tous les nègres se ressemblent, et, parce que les lions sont plus forts que les lapins, ce n’est pas une raison pour que les lapines leur courent derrière en clignant de l’œil.
(à la chatte) Et la tendresse, alors, Qu’est-ce que tu en fais ? Dis, ton berger de gouttières, est-ce qu’il se réveillait, la nuit, pour te regarder dormir ? Est-ce que, si tu étais partie, il aurait laissé refroidir son four, s’il avait été boulanger ?

(La chatte, tout à coup, s’en va vers une assiette de lait qui était sur le rebord du four, et lape tranquillement)

Voilà. Elle a vu l’assiette de lait, l’assiette du pauvre Pompon. Dis, c’est pour ça que tu reviens ? Tu as eu faim et tu as eu froid ?… Va, bois-lui son lait, ça lui fait plaisir… Dis, est-ce que tu repartiras encore ?

(Sa femme) – Elle ne repartira plus.

(A la chatte, à voix basse) – Parce que, si tu as envie de repartir, il vaudrait mieux repartir tout de suite : ça serait sûrement moins cruel…

(Sa femme) – Non, elle ne repartira plus… Plus jamais.