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Le récit de vie.

Classes de récits

Les stéréotypes

Enjeux

Fiche pratique

Le travail de la mémoire

Suggestions de titres

 

Le récit de vie connaît un grand succès sous ses multiples formes : livres, films, entretiens médiatisés... C'est un genre extrêmement vaste.

Une première lecture permet de répartir ces récits en six catégories.

La littérature biographique permet aussi de poser quelques questions particulières:

  • Pourquoi écrit-on et pourquoi lit-on un récit de vie ?
  • Comment fonctionne la mémoire ? Quel est le rapport entre réel et souvenir ?
  • Quelles sont les (macro)structures courantes des récits de vie? Qu'y trouve-t-on habituellement comme séquences? Quels en sont les "lieux communs" ?
D'après Luc Collès et Jean-Louis Dufays

Une diversité de récits

Un premier classement organise les nombreuses formes de récits de vie selon deux grandes clés principales:
• selon qu'ils s'attachent à restituer le réel / créer de la fiction;
• selon le rapport qu'entretiennent entre eux, auteur, narrateur et héros.

Réel ou fiction

Certains récits sont appelés factuels, ils prétendent exprimer la réalité : des personnes ayant existé ou des événements qui se sont produits. Ils manifestent une volonté de vérité.

D'autres récits dits fictionnels, proposent des vies fictives
soit que les personnages n'aient jamais existé,
soit que ces événements ne se soient jamais produits.
Cet aspect fictionnel peut être partiel,
soit l'auteur compose la biographie d'un personnage réel et lui attribue des actions fictives,
soit que dans le cadre d'événements réels, il invente l'un ou l'autre personnage fictif.
Dans cette classe de récits de vie l'auteur se soucie surtout de vraisemblance, il crée l'apparence de la réalité.

Rapport entre auteur, narrateur et héros.

Ce critère permet de dégager trois grandes familles de récits de vie.

La transcription de témoignage oral est une forme de récit de vie où un auteur recueille les paroles de quelqu'un d'autre, en général moins familier des textes écrits. Il compose ensuite un texte en adaptant ces paroles au support de communication : livre, article, film, bande dessinée… (auteur >< narrateur - héros)

La biographie est un récit à la 3e personne qui restitue l'histoire de quelqu'un d'autre. L'auteur n'est pas le personnage principal, il raconte à la manière d'un historien. (auteur - narrateur >< héros)

Ce genre est très ancien. Il trouve sans doute son origine dans les traditionnels éloges funèbres , les discours de louange (apologies, panégyriques), les vies d'hommes illustres (Plutarque, Suétone) et les vies de saints (hagiographies) proposés comme modèles aux autres humains.

L'autobiographie est le "récit rétrospectif qu'une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa propre personnalité" (P. Lejeune, cité par Collès et Dufays).

(Auteur = narrateur = héros) Le Je s'observe, prend distance, explique… Le récit des événements alterne avec l'analyse. Un décalage apparaît entre les deux époques : le temps des événements et le temps de la rédaction.

Ce genre apparaît dès le 4e siècle avec les Confessions de Saint Augustin en latin.
Dans la littérature française, les Essais de Montaigne (16e), les Mémoires de Saint-Simon (17e) et les célèbres Confessions de J.-J. Rousseau (18e) constituent des étapes importantes.
Ensuite, le romantisme met en vogue le culte du Moi et voit fleurir de nombreuses autobiographies.

L'autobiographie se présente sous la forme de multiples sous-genres:

  • autobiographie traditionnelle : un auteur raconte sa propre vie.
  • autobiographie partielle : un épisode de la vie est raconté.
  • journal intime : ce genre de récit se reconnaît à certaines caractéristiques:
    • respect de l'ordre chronologique
    • récit très proche de l'événement, sans recul
    • les événements sont moins sélectionnés, la structure du récit est moins apparente, cela crée une impression de désordre assez proche des hasards de la vie réelle.
    • un journal n'est pas nécessairement écrit en vue d'une publication.
  • autobiographie simulée : à partir de propos recueillis, un auteur (appelé nègre) se fait le narrateur-héros d'une vie qu'il n'a pas vécue.
  • mémoires : récit où les événements prennent plus de place que les éléments personnels.
  • chroniques : tableaux d'histoires survolant parfois plusieurs générations, plusieurs régions, récits de voyages…
  • roman autobiographique où l'auteur mêle à des événements réels quelques éléments de fiction.
  • ...

Tout récit de vie peut ainsi être classé dans un tableau à double entrée: énonciation / rapport au réel

 
factuel
fictionnel
transcription
x
x
biographie
x
x
autobiographie
x
x

Enjeux

Pourquoi écrit-on un récit de vie ?

Quand il compose un récit de vie l'auteur peut poursuivre plusieurs buts :

L'immortalité
Laisser une trace d'une vie pour échapper à la mort, accéder à l'immortalité.
Le souvenir
Écrire sa vie pour se retrouver, se regarder par narcissisme.
La confession
Donner sa version des faits, avouer ses erreurs, montrer ses motivations pour justifier sa conduite, blanchir ses fautes...
L'identité
Donner un sens à sa vie, se définir comme différent, unique.
L'information
Témoigner d'une époque, sur des comportements, des valeurs. Dialogue interculturel entre des époques, des régions, des catégories sociales.
Un modèle moral
Offrir une leçon de vie, présenter un personnage de récit de vie comme modèle à imiter.
La complicité
Par le récit de vie, l'auteur entretient avec le lecteur une relation particulière en ceci que l'évocation des souvenirs de l'auteur entraîne, chez le lecteur, l'évocation de ses propres souvenirs. La curiosité (plus ou moins avouable) du lecteur y trouve son content : les grands hommes aussi ont eu leurs faiblesses…

Le récit de vie comme texte argumenté ?

"Ce qui est certain en tout cas, c'est que le lecteur d'une autobiographie doit être attentif à la possibilité d'une thèse (de thèses) sous-tendant le récit.
[...] bien des biographes considèrent la vie qu'ils racontent non comme une fin en soi, mais comme une occasion d'argumenter en faveur d'une thèse." (Baar et Liemans).

Ces auteurs se demandent même s'il ne faut pas classer l'(auto)biographie comme un sous-genre de l'essai.

Pourquoi lit-on un récit de vie ?

Quand il lit un récit de vie, le lecteur aussi cherche à assouvir un ou plusieurs désirs :
Une information
Trouver des renseignements sur une époque, une culture, une région, une expérience.
Une identification
S'identifier à un modèle, à quelqu'un qui a "réussi".
Une édification
Devenir meilleur, autre, réussir mieux.
D'autres motivations encore:
• l'attrait pour le moi,
• le désir de lire en s'identifiant à quelqu'un,
• le besoin de lecture où l'on peut sauter des passages,
• le plaisir de lire en voyeur.

Le travail de la mémoire.

"C'est un gosse qui parle. Il a entre six et seize ans, ça dépend des fois. Pas moins de six, pas plus de seize. Des fois il parle au présent, et des fois au passé. Des fois il commence au présent et il finit au passé, et des fois l'inverse. C'est comme ça, la mémoire, ça va ça vient. Ça rend pas la chose plus compliquée à lire, pas du tout, mais j'ai pensé qu'il valait mieux vous dire avant. C'est rien que du vrai. Je veux dire, il n'y a rien d'inventé. Ce gosse, c'est moi quand j'étais gosse, avec mes exacts sentiments de ce temps-là. Enfin je crois. Disons que c'est le gosse de ce temps-là revécu par ce qu'il est aujourd'hui [...]"

François Cavanna, Les Ritals, cité par Collès et Dufays.

La mémoire reconstruit le passé, elle opère plusieurs transformations du réel vécu:

  1. Comme on ne peut pas ne pas oublier, la mémoire opère une première sélection des événements.
  2. L'agencement dans le récit (la manière dont le récit est composé, l'ordre dans lequel les événements sont rapportés) est un autre choix qui reflète moins le passé comme tel que la vision qu'en a gardé l'auteur-narrateur.
    1. Le récit de vie est toujours une reconstruction du réel. Aussi la composition d'une biographie ne se fait qu'en modifiant la chronologie des événements selon quatre procédés:
    suppression : une grande période de temps ne prend que quelques lignes ou est escamotée;
    dilatation : une courte période prend beaucoup de lignes;
    suppression / adjonction: on supprime un événement vécu pour un autre inventé;
    permutation : on déplace dans le temps des événements de manière à les anticiper ou les retarder.
  3. Comme les oublis risquent de rendre le récit chaotique, discontinu, le narrateur sera quelquefois amené à corriger sa mémoire afin d'en masquer les insuffisances.
  4. Le passé lointain semble retouché par l'imagination qui contamine son souvenir (l'adulte se remémorant son enfance avec la nostalgie d'un paradis perdu). La mémoire ne rapporte que des moments-clés. Un de ces moments privilégiés est l'enfance retracée depuis la naissance. Or, quelle est l'authenticité des souvenirs avant 4 ans ?
  5. Écrire son autobiographie c'est essayer de saisir sa personnalité dans sa totalité, c'est faire une synthèse de soi. En se racontant, le narrateur permet aux autres de le regarder, ceci explique le maquillage de certains événements ou leur arrangement… pas toujours conscient.

Le travail de la mémoire apparaît ainsi comme composé autant d'affabulation que de mémorisation.

Pour faire resurgir les événements, les lieux jouent un rôle important. La vue et les autres sens (ouïe, odorat, goût) obligent la mémoire à refaire un trajet qui permet d'éclairer une personnalité adulte car on attend le plus souvent d'avoir terminé quelque chose avant de le raconter... Le récit de vie est ainsi téléologique (tout entier tourné vers la fin, le sens qu'on veut lui donner).

Dans l'autobiographie, un Je raconte un Moi avec une distance dans le temps et dans l'espace. Le travail de la mémoire peut

Les stéréotypes

Sous la diversité des formes, les chercheurs découvrent un contenu assez stéréotypé dans les thèmes, les structures narratives et les valeurs idéologiques.

Le stéréotype ou cliché est, au sens propre, une plaque d'imprimerie portant une gravure en relief permettant sa reproduction, son tirage à de nombreux exemplaires.
Au sens figuré, le cliché, stéréotype aussi nommé poncif ou lieu commun, est une idée, une expression très (trop) souvent utilisée. C'est pourquoi on l'appelle également banalité.

Stéréotypes thématiques

Certains thèmes apparaissent régulièrement dans le récit de vie et ils correspondent à l'attente des lecteurs: naissance, portrait de famille, petite enfance, escapade, accident, maladie, entrée en apprentissage, premier amour… Le souvenir est imaginé d'après des récits appartenant à la mémoire collective.

Stéréotypes narratifs

Les étapes conventionnelles du récit biographiques ont été modélisées par Yves Stalloni (cité par Collès et Dufays) notamment:

La naissance
(origines, famille et proches, lieux déterminants, formation)
L'entrée dans la vie
(adolescence, début de l'âge adulte, vie sentimentale, initiation professionnelle)
Grands événements
(voyages, rencontres, deuils, création, célébrité).

Les discours biographiques répondent au schéma suivant : raconter sa vie c'est faire le récit d'une ascension vers la réussite. Trois schémas se dessinent ainsi:

  • biographie par vocation : tout petit on est déjà comme on sera plus tard;
  • biographie par convocation : un événement opère une bifurcation décisive;
  • biographie par répétition : la vie est une accumulation lente et progressive des faits qui façonnent le devenir.

Stéréotypes mentaux

L'insertion de lieux communs, citations "nobles" ou de vérités générales garantissent que les attitudes et les événements décrits sont conformes à une idéologie établie.

L'utilisation de stéréotypes remplit diverses fonctions:

fonction vraisemblabilisante
Le déjà-vu, déjà-entendu rend le texte plus "naturel", il assure un sentiment de reconnaissance authentique de l'histoire, une illusion de référence au réel.
fonction évocative
Un cliché en entraîne d'autres, les réactive, il fait référence à toute une mythologie populaire. Le lecteur s'y retrouve dans un univers familier.
fonction sociale
Les stéréotypes rassemblent ceux qui y adhèrent, créent un lien social.
fonction esthétique
Les stéréotypes font l'objet de variantes multiples, le plaisir de la surprise s'allie ainsi à celui de la reconnaissance.
fonction argumentative
La pérennité des clichés semble prouver leur pertinence.

Ces clichés produisent des effets recherchés ou non. Ils réussissent à séduire le plus grand nombre en même temps. Cependant si ces clichés appartiennent à une culture périmée, ils produisent l'effet inverse : moquerie, irritation, ennui.

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Mise à jour 24.12.2009