Quelques difficultés de lecture

Lecture analogique vs digitale
Du temps pour lire ?
Prendre des notes ?
Analyse vs paraphrase
Se servir du dictionnaire ?

le "test de lecture"

La lecture est complexe

La lecture digitale, on dit aussi "séquentielle", permet, semble-t-il, d'adapter le rythme du décodage aux capacités du lecteur ou aux circonstances de la lecture. Il est libre de s'arrêter, de relire. Or, justement, le trajet linéaire de la lecture est source de complexité. A chaque étape de notre exploration du texte nous réajustons le sens de l'énoncé qui n'apparaît complet qu'une fois le point final franchi ("Tu as réussi?"). Tant que le texte n'est pas parcouru entièrement, le lecteur avance sur un terrain mouvant où chaque mot qu'il découvre modifie le sens des précédents et sera lui-même modifié par les suivants (le cotexte).

Dans cette lente exploration, nous possédons quelques points de repère relativement stables : notre propre savoir et les définitions du dictionnaire. Parfois ce savoir préalable est insuffisant et nous ne comprenons pas le texte, parfois il est de loin supérieur au contenu du texte et dans ce cas nous nous y ennuyons. Quant au dictionnaire, il ne donne que des significations standard qu'il nous revient d'ajuster, et c'est loin d'être toujours facile, au texte. Le caractère séquentiel du langage verbal est donc un premier facteur de complexité qu'il est utile de connaître pour repérer ses difficultés de lecture et y remédier.

D'autre part, il ne nous est pas possible d'accéder par la lecture aux informations brutes. Lire ne nous permet d'atteindre le réel qu'à travers un discours sur le réel. Quelques textes, somme toute assez rares, livrent des informations presque sans les filtrer : annuaire du téléphone, relevé de températures, etc. Beaucoup plus fréquemment, les faits sont mis en phrases puis organisés en texte. En évoquant un même parcours, un conducteur peut, par exemple, se présenter comme très prudent en annonçant qu'il a réalisé une moyenne de 50 km/h ou comme un danger public en évoquant la pointe de 180 km/h. Or ces deux versions sont tout à fait compatibles en référence à un même trajet. Les énoncés "tu as lavé mon pantalon" ou "mon pantalon est lavé" ne sont pas absolument équivalents. Le choix des informations et leur mise en phrases sont intimement liés aux aspects mis en lumière par la grammaire du texte. Ce qui est vrai pour les textes persuasifs, où la sélection et la mise en phrases est adaptée à l'intention, à la thèse* défendue, se vérifie aussi pour des textes censés moins porteurs de subjectivité comme un fait divers ou un manuel scolaire.

Il faut donc prendre garde : la lecture d'information sans analyse apporte des connaissances partielles, orientées, ou, au pire, tronquées ou déformées volontairement. Lorsque nous cherchons, et c'est cela que les professeurs demandent, des informations crédibles, nous sommes contraints à lire non seulement les données mais aussi la façon dont elles sont organisées dans le système-texte.

Le texte est structuré, mais la lecture est structurante.
Lire ne revient pas seulement à élucider des structures préexistantes,
c'est aussi produire des structures pertinentes...
J.-L. Dumortier
 

"Je n'ai pas le temps de lire ! "

Dès que se pose la question du temps de lire, c'est que l'envie n'y est pas. Car, à y regarder de près, personne n'a jamais le temps de lire. Ni les petits, ni les ados, ni les grands. La vie est une entrave perpétuelle à la lecture. [...] Le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d'écrire, d'ailleurs, ou le temps d'aimer). [...] Si on devait envisager l'amour du point de vue de notre emploi du temps, qui s'y risquerait ? Qui a le temps d'être amoureux ? A-t-on jamais vu, pourtant, un amoureux, ne pas prendre le temps d'aimer ?
D.Pénac
 

La question des notes.

Nous l'avons vu, le travail de lecture le plus courant à l'école consiste à rechercher les informations que contient un texte et leur organisation dans un système-texte. Pour permettre une exploitation pratique des données recueillies, on n'insistera jamais assez sur la nécessité de prendre des notes. Voici comment on procède généralement :

Au fil de la lecture, on porte sur une feuille suffisamment grande les informations rencontrées (mots, phrases, extraits) ainsi que leurs références (numéros de page ou de ligne). Elles seront disposées sous des mots-thèmes afin d'effectuer un premier classement sommaire. Attention, ce premier classement ne doit pas d'emblée imposer sa logique. Il doit rester assez souple pour permettre d'être modifié au fil des lectures successives.

Il est plus efficace de noter immédiatement les références du mot, de la ligne, du paragraphe, de la page... A cet effet, lorsque le texte est dépourvu de repères chiffrés (pages, numéros de lignes), il faut, le plus tôt possible, le numéroter soi-même. L'usage dans ce cas, pour les textes courts, est de numéroter les lignes par 5. On perd beaucoup de temps si on néglige dès la prise de notes, la précaution de toujours indiquer la "référence".

 

Analyse et paraphrase.

Si l'on veut arriver à la jouissance artistique, il ne suffit jamais de vouloir consommer confortablement et à peu de frais le résultat d'une production artistique; il est nécessaire de prendre sa part de la production elle-même, d'être soi-même à un certain degré productif, de consentir une certaine dépense d'imagination, d'associer son expérience propre à celle de l'artiste ou de la lui opposer. [...] L'oeuvre d'art n'apprend pas seulement à observer avec justesse, avec profondeur, en totalité et avec plaisir l'objet précis que l'on modèle, mais aussi d'autres objets. Elle apprend à observer en général.
Bertold Brecht

On entend souvent les professeurs se plaindre d'un manque de rigueur aussi est-il utile d'établir clairement la différence entre le "bla-bla" et l'analyse de texte. La paraphrase répète en d'autres mots un énoncé; l'analyse identifie et nomme les procédés de langage, isole des éléments, décompose en parties un ensemble et observe leur agencement.

Paraphraser un roman, par exemple, revient à en raconter l'histoire en modifiant les mots (excepté dans le cas d'un talent extraordinaire, on peut prévoir que le texte ainsi produit paraîtra fort pâle à côté de l'original ! ). Dans l'analyse on tend plutôt à nommer les parties (situations initiale et finale, transformations) ; à identifier les fonctions des personnages, à les départager en principaux et secondaires; à poser les grandes lignes du cadre spatio-temporel.

Si on envisage cet énoncé, plus court :

" La cigale, ayant chanté
tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue. "
(La Fontaine)

Dire : "l'insecte s'est amusé pendant la bonne saison et n'a pas de nourriture pour l'hiver", c'est paraphraser.

L'analyse du même texte pourrait donner, par exemple, ceci :

Soyons clairs :

L'analyse décompose en parties pour permettre une observation fine de l'organisation, du temps, de la voix, du mode, du sens.

La paraphrase (phrase placée à côté d'une autre) exprime en d'autres mots le même contenu. Voir sur cette page les questions liées aux emprunts de textes.

Le commentaire ajoute au texte des réflexions, des informations. Il prend appui sur l'analyse et amène à dire le "non dit", à prolonger le sens de la phrase ou du texte. Comme un écho, le savoir du commentateur éclaire et donne de nouvelles résonances.

La contraction est une réduction du texte.

La synthèse est la réunion d'éléments de connaissance issus éventuellement de plusieurs textes en un ensemble cohérent qui donnera au lecteur une vue nette de l'essentiel de ce qui a été dit ou fait.

Bref, analyser c'est :

Analyser =

  1. Observer éventuellement par des lectures successives.
  2. Sélectionner des faits significatifs.
  3. Décrire et nommer ces faits.
  4. Mettre en relation les faits A et B pour produire un fait C.

Commenter =

Porter un jugement sur le fait C à partir de certains critères.

 

Exploiter le dictionnaire

Se servir d'une langue, c'est toujours faire référence à un code commun. Le dictionnaire recense chaque année les mots et les sens en usage. Même si nous, les locuteurs, disposons toujours, collectivement, du pouvoir suprême sur notre langue; même si nous avons la possibilité de créer des nouveaux mots ou de donner à ceux qui existent des sens nouveaux (néologismes); lui seul fait autorité, il joue le rôle d'arbitre du langage. Mais il peut convenir à d'autres usages, ce qui en fait l'outil le plus familier de celui qui veut connaître et bien utiliser sa langue.

Pour en obtenir le plus de services, il est souhaitable de consulter de préférence "Le Petit Robert ". C'est le dictionnaire de langue le plus riche et donc le plus indiqué pour le cours de français. (Le "Micro Robert " s'avérera souvent trop sommaire pour le type d'informations métalinguistiques dont vous avez besoin au cycle supérieur). Le Grand Robert de la langue française, d'accès plus difficile sera consulté pour des recherches approfondies.

Le Trésor de la langue française peut être consulté en ligne (gratuitement jusqu'à présent !)

Le sens

Le dictionnaire le plus complet ne peut faire de miracles, c'est à vous que revient le rôle de choisir, dans les diverses définitions, le sens qui convient (propre, figuré ou tel qu'il apparaît dans certaines expressions idiomatiques). Il est donc évident, mais tout de même bon à rappeler, qu'il vaut mieux lire soigneusement tout l'article avant de sélectionner le sens qui convient. Parfois même plusieurs articles lorsque un même énoncé est repris sous différentes rubriques consécutives ou non; ainsi empreinte peut être une forme du verbe empreindre cependant l'article empreinte n'y renvoie pas !

Puisque le sens varie selon les époques, méfiez-vous des anachronismes : les ondes ne recouvrent pas le même concept au temps de Lamartine qu'au 20e siècle. Un même mot peut aussi avoir plusieurs significations dans des disciplines différentes (pensons aux variations sémantiques du terme travail selon qu'il sera utilisé par un médecin, un économiste, un physicien, ou un maréchal-ferrant) c'est ce qu'on appelle le champ sémantique d'un mot (à distinguer de son champ lexical : ensemble des mots qui, dans un texte, expriment la même idée, constituent le même domaine conceptuel).

L'étymologie

L'étymologie, c'est-à-dire les informations sur l'origine du mot, réserve bien des surprises. Souvent elle met en lumière la composition du mot (préfixe, racine, suffixe) et, pour cette raison, il serait dommage de l'ignorer.
D'autant plus qu'elle justifie souvent (pas toujours ! ) des bizarreries orthographiques.

Par exemple :

(petit Robert)

se lit :

ce mot dont l'emploi est attesté dès le XIIIe siècle vient du mot latin populaire non attesté (°) canicula qui signifie petite chienne.

 

Mise à jour : 02.01.2013