Accueil |
Résumé de FRAGONARD, 1981 et de Hélène POTELET, 1990.
Autre ouvrage de synthèse accessible : de Ligny & Rousselot, 1992.
"Les textes littéraires appartiennent à tout le monde; or, tout le monde n'est pas aujourd'hui en mesure de percevoir les significations, les enjeux, les attraits des faits culturels. Cela exige une information de base, et une maîtrise suffisante de la perspective historique." Marie-Madeleine FRAGONARD
Temps Modernes 19e siècle 20e siècle
|
|
|
|
|
|
|
La Littérature du XXe siècle donne l'impression d'être abondante et inclassable. Cette complexité vient certes du nombre de livres édités, mais surtout des bouleversements historiques et sociologiques qui ont marqué le siècle et posé des questions auxquelles aucune réponse univoque n'a été donnée.
Le renouvellement est assuré par des groupes restreints, les "avant-gardes" coupées du grand public. Cela ne doit pas faire illusion, la plupart des auteurs continuent à écrire selon l'esthétique du roman réaliste du XIXe siècle.
On peut supposer que tous les Français sont un public potentiel mais ce public n'est plus homogène: l'impression d'abondance que donne la littérature n'est donc que la multiplication du nombre des auteurs destinés à satisfaire les goûts de ce public diversifié, et non le symptôme d'une richesse d'invention. Ce qui s'accroît surtout, c'est une littérature de divertissement pour un public de culture moyenne, littérature dont l'importance sociologique est peut-être plus grande que les préoccupations esthétiques.
La littérature est de plus en plus un commerce. La pauvreté créatrice est souvent dissimulée par la fabrication d'"événements littéraires": publicité, vedettariat, multiplication des Prix, exploitation rapide des succès, etc.
La notion de culture apparaît comme relative aux goûts et aux définitions de la classe dominante qui tend à en faire un dogme figé; l'enseignement la propage comme une vérité immuable (tradition, inutilité, humanisme), alors que le monde social évolue et manifeste des goûts et des désirs différents. L'écrivain prend une conscience plus aiguë de son isolement et de sa compromission avec la société bourgeoise, il devra choisir une attitude:
La littérature, elle aussi, est l'objet d'une profonde interrogation pour plusieurs raisons:
Il est désormais matériellement impossible de citer tous les auteurs et il est très difficile de leur trouver assez de points communs justifiant qu'on les réunisse sans quelque arbitraire. La difficulté s'accroît d'ailleurs du fait que les historiens sont trop proches de ces phénomènes culturels et littéraires, pour en dégager avec certitude l'importance réelle.
La société française est bouleversée en profondeur par la guerre de 1914-18. Mais les tendances du XIXe siècle continuent à marquer un grand nombre d'oeuvres. Beaucoup d'écrivains en effet, ne sont séduits ni par les expériences d'avant-garde, ni par l'engagement politique explicite. Ils ne forment pas une école ou un mouvement précis, mais à travers la diversité de leurs attitudes, quelques préoccupations communes les unissent solidement. Tous tombent d'accord pour affirmer la grandeur de la création littéraire. Tous font aussi de la psychologie du sujet le centre de leur analyse. Cette célébration de la littérature et de l'individu est en fait une défense contre un sentiment de malaise, plus ou moins avoué, dans une société où la guerre et ses suites font naître des interrogations multiples. A partir des années '30, la plupart de ces écrivains devront opter pour une attitude socio-politique explicite, ou se cantonner dans un refus hautain de s'engager.
1913 |
Alain-Fournier |
Le Grand Meaulnes |
1913-27 |
M. Proust |
A la recherche du temps perdu |
1922 |
P. Valéry |
Charmes |
1924 |
P. Claudel |
Le Soulier de satin |
1925 |
A. Gide |
Les Faux-monnayeurs |
1927 |
F. Mauriac |
Thérèse Desqueyroux |
1930 |
Colette |
Sido |
1930 |
J. Giono |
Regain |
1932-46 |
J. Romains |
Les Hommes de bonne volonté |
1934 |
M. Aymé |
Contes du Chat perché |
1935 |
J. Giraudoux |
La Guerre de Troie n'aura pas lieu |
1936 |
G. Bernanos |
Journal d'un curé de campagne |
H. De Montherlant |
La Reine Morte |
|
1938 |
J.-P. Sartre |
La Nausée |
1939 |
A. de Saint-Exupéry |
Terre des hommes |
1942 |
A. Camus |
L'Etranger |
Deux grands éditeurs dominent le marché : Gallimard et Grasset. Plusieurs revues se créent notamment la Nouvelle Revue Française. Nombre d'écrivains, sans prendre explicitement de positions politiques, entendent dénoncer la médiocrité de la société et de la morale officielle. Certaines visions idéalistes du monde (J. Romains) et le recours aux "grandes valeurs" sont un antidote contre l'idéologie de la classe au pouvoir, mais aussi contre la poussée de la pensée révolutionnaire
Un classement: les écrivains de la guerre (Barbusse, Céline); l' écrivain du divertissement des années folles : J. Cocteau; les écrivains de la critique sociale et morale : J. Romains, F. Mauriac, G. Bernanos; les écrivains voués à la création littéraire : M. Jacob, J. Giono, Supervielle, R. Roussel, Alain-Fournier, Colette; les écrivains voués à l'action : A. Malraux, A. de Saint-Exupéry.
Les poètes, héritiers de Rimbaud et de Mallarmé, pratiquent une poésie affranchie des conventions classiques (vers libres). Le roman prolifère. La biographie et l'essai sont plus fréquents. Dans le théâtre, le texte a plus d'importance que la mise en scène (P. Claudel, H. de Montherlant, J. Giraudoux). A citer, toutefois, parmi les metteurs en scène : Copeau, Dullin et Jouvet.
De la première guerre mondiale naît un refus devant l'ancien monde, l'idéologie et la culture anciennes qui ont cautionné les massacres. Émergence du mouvement Dada (1916-20) puis du Surréalisme, qui partagent le goût d'expérimenter l'inconnu, de découvrir une manière d'écrire et surtout de vivre poétiques. Sur lui, rayonne et pèse la personnalité d'André Breton. Groupe fermé, volontiers sectaire, il a exploré avec passion les voies de la révolution, de l'amour, du rêve et de la poésie, pour bouleverser les modes de la pensée et de l'écriture, et fonder une nouvelle conception de l'homme.
1918 |
T. Tzara |
Manifeste Dada |
1924 |
A. Breton |
Manifeste du Surréalisme |
1926 |
L. Aragon |
Le Paysan de Paris |
P. Eluard |
Capitale de la douleur |
|
1930 |
R. Desnos |
Corps et biens |
1932 |
A. Artaud |
Le Théâtre et son double |
1934 |
R. Char |
Le Marteau sans maître |
Les auteurs, issus de la bourgeoisie s'adresseront à un public d'artistes et d'intellectuels sensibles à leur désir révolutionnaire.
Ils pratiquent la relecture d'auteurs connus, inconnus, marginaux, sans exclure l'"infra-littérature". Ils sont influencés par les penseurs socialistes du XIXe siècle et par la psychanalyse freudienne. Ils sont séduits par la Révolution Bolchevique (1917) et se situent à un carrefour entre socialisme utopique, socialisme marxiste et anarchisme. Ils s'opposent au fascisme et aux religions bourgeoises.
Ils contestent radicalement l'art et ses langages. Ainsi, la poésie sera considérée comme mode de connaissance du surréel, magie de l'Univers inaccessible par la seule raison. La peinture (Ernst, Dali, Magritte), la photo (Man Ray), le cinéma (Buñuel) se montreront très proches de ce courant.
Les techniques utilisées sont nouvelles : collage, écriture automatique, jeux de langage... Le mouvement affirme la primauté de l'image, produit de rencontres aussi imprévisibles que possible pour placer le lecteur ou le spectateur dans un état d'émerveillement et de découverte (Picasso, Magritte, Dali). Ces théories sont toutefois exprimées dans des textes très rationnels.
|
Les guerres accumulées (14-18, Guerre d'Espagne, 40-45, guerres coloniales), les marques de la crise mondiale de 1929, le Front Populaire, le développement des fascismes et du communisme, les profondes mutations sociologiques de la France après la Grande Guerre, tout cela semble interdire aux écrivains de rester neutres : certains jugeant qu'un message social généreux ne suffit plus, placent alors leur oeuvre dans la voie d'un engagement politique et d'une remise en cause des fonctions de la littérature.
Les voies en sont multiples : Dada et le Surréalisme sont un cas particulier; d'autres s'engagent physiquement dans l'action, et deviennent militants des partis; d'autres enfin produisent des uvres où se mêlent littérature, philosophie et politique, pratiquant ainsi une "littérature engagée".
1932 |
L.-F. Céline |
Voyage au bout de la nuit |
1934 |
L. Aragon |
Hourrah l'Oural |
1937 |
A. Malraux |
L'Espoir |
1938 |
G. Bernanos |
Les grands cimetières sous la lune |
1943 |
Vercors |
Le Silence de la mer |
J. Anouilh |
Antigone |
|
1947 |
A. Camus |
La Peste |
1948 |
J.-P. Sartre |
Les Mains sales |
1951 |
A. Camus |
L'Homme révolté |
L'origine sociale compte désormais moins que l'appartenance politique. Le texte est mis au service d'une idéologie. Certains tentent de créer une "littérature prolétarienne" (C. Malva).
J. Vilar veut ouvrir le théâtre au public populaire (1951 : T. N. P.). Continuateur du théâtre de tradition, J. Anouilh développe le thème de la pureté juvénile se heurtant au néant et à la corruption.
Il s'agit de la dernière génération d'écrivains maîtres à penser. En écriture, réalisme et conception marxiste du style (R. Barthes) : la préoccupation esthétique est taxée de "bourgeoisie". Succès de l'existentialisme
Le genre dominant est le roman à thèse (Sartre, Malraux).
Engagement : à partir des années 1930, l'écrivain ne conçoit pas de rester indifférent aux événements de son temps; il se doit de prendre des positions politiques ou idéologiques. Sartre met à l'honneur le terme, estimant qu'aucune écriture ne peut être innocente : l'écrivain "sait que les mots, comme dit Brice Parain, sont des pistolets chargés". (Qu'est-ce que la littérature ?, 1947). Il ajoute que tout homme, qu'il le veuille ou non, se trouve engagé, car ne pas choisir est encore une manière de choisir. POTELET |
La culture est désormais produite en masse et consommée par les masses mais non créées par elles et elle ne vise pas à leur émancipation éthique ou politique.
L'accès à la culture se fait par la presse à grand tirage, le music-hall, le cinéma parlant (1928), la radio prennent de plus en plus d'importance au détriment de l'école et de la lecture. Quelques vedettes sont très populaires : Fernandel, Gabin, Piaf, Mistinguett, M. Chevalier, T. Rossi, Carné, Renoir.
Au théâtre du boulevard, on applaudit Sacha Guitry. La comédie de moeurs est illustrée par M. Pagnol maître de l'exotisme provincial. La bande dessinée américaine se répand à côté des productions européennes : Tintin, les Pieds Nickelés, Bibi Fricotin, Bécassine.
Les médias se développent de façon extraordinaire (disque microsillon) la culture s'américanise : jazz, comics, western, polars, espionnage, "Série Noire" (1945), A. Christie.
La production française est assurée par : Trenet, Mouloudji, Montand, Prévert, Brassens, Simenon. La presse du coeur se développe : roman-photo (Del Duca, Nous Deux). En BD où la censure est très active, Spirou (Franquin, Morris, Goscinny), Pif, Pilote...
La Guerre Froide et la menace atomique provoquent inquiétude et désillusion, redistribution des valeurs, production éclectique, peu renouvelée.
1942 |
F. Ponge |
Le parti-pris des choses |
1947 |
B. Vian |
L'écume des jours |
J. Genet |
Les Bonnes |
|
R. Queneau |
Exercices de style |
|
1948 |
H. Bazin |
Vipère au poing |
J. Prévert |
Paroles |
|
1949 |
S. de Beauvoir |
Le deuxième sexe |
1950 |
E. Ionesco |
La cantatrice chauve, le Roi se meurt |
1953 |
S. Beckett |
En attendant Godot |
1957 |
M. Butor |
La Modification |
A. Robbe-Grillet |
La Jalousie |
Certaines innovations sont intégrées
Né de la philosophie sartrienne, l'existentialisme joue dans l'immédiat après-guerre un rôle considérable dans le développement des lettres françaises. Novateur dans sa vision du monde, ce mouvement ne suscite pourtant pas de poétique originale. Il est, de plus, divers dans les options personnelles des auteurs qui y participent. Sympathies marxistes et engagement politique chez Jean-Paul Sartre, engagement plus modéré et humanisme moderne pour Albert Camus. Simone de Beauvoir ouvre la voie à une réflexion sur la recherche de l'identité et de la liberté féminine. Un peu en marge des affrontements d'idées entre existentialistes, marxistes et humanistes chrétiens, Boris Vian, superficiellement influencé par la pensée de Sartre et des éléments du surréalisme, résume l'état d'esprit d'une fraction de la jeunesse (Saint-Germain des Prés); en outre, il popularise en France la bande dessinée américaine, la science-fiction, le jazz.
|
Nouveau Roman : Butor, Sarraute, Robbe-Grillet,C. Simon, M. Duras
Nouveau Roman : nouvelle forme de création romanesque qui prévaut dans les années 1950 et qui se caractérise par l'absence d'intrigue, le refus de tout support chronologique, la dissolution des personnages et la présence obsédante des objets. Le nouveau roman substitue à la notion de "style" la notion d' "écriture", conçue comme la pure transcription du monde. Selon la formule de Ricardou, théoricien du nouveau roman, il est "l'aventure d'une écriture", plutôt que "l'écriture d'une aventure". POTELET |
Nouveau théâtre ou théâtre de l'absurde: S. Beckett, E. Ionesco, R. de Obaldia, J. Genet.
Interrogation poétique : Ponge, Queneau, Michaux
Permanence du réalisme au sein d'une énorme production surtout romanesque dont il faut distinguer H. Bazin, B. Cendrars
Le foisonnement extraordinaire de la littérature laisse apparaître des clivages:
Entre les deux premières catégories qui se veulent Littérature et les deux dernières réellement consommées par le grand public, les liens sont presque nuls.
Les grandes idéologies laissent un vide, la poursuite d'idéaux généreux est souvent suivie de rudes désillusions.
Le public change, une classe d'adolescents adopte la culture anglo-saxonne, surtout musicale. L'enseignement des lettres et des sciences humaines a perdu une part de son prestige, celui des arts reste proche de zéro. Dans le monde, la langue française recule tandis que l'anglais, déformé, s'étend.
Le marché du livre constitue l'enjeu d'intérêts importants et les médias accentuent la transformation du livre en objet de consommation.
R. Queneau (OULIPO) se consacre à la recherche poétique avec G. Pérec. Autres poètes : Guillevic, Cayrol, Norge
Les romanciers ont toujours la cote : Lanoux, Sabatier, B. Clavel, H. Troyat, R. Merle, M. Tournier, R. Gary, M. Yourcenar. La littérature de masse vit de l'exploitation systématique de procédés éculés (Delly, G. des Cars, S.A.S., Harlequin,...)
Quelques auteurs utilisent les canaux populaires pour offrir:
La littérature s'ouvre aux problèmes du temps: C. Etcherelli, C. Rochefort, S. de Beauvoir, M. Duras, R. Barthes, G. Perrault.
Les sciences humaines fournissent quelques maîtres à penser (Lacan, Lévi-Strauss, Foucault, Baudrillard.) tandis que la recherche se développe grâce aux apports du structuralisme, de la psychanalyse, de la sociologie, de la linguistique, de la sémiologie (R. Barthes, J. Kristeva, Revue Tel Quel).
Structuralisme : à l'origine, terme de linguistique, puis méthode d'analyse attachée à l'étude des structures formelles d'un système et à la recherche de réseaux et de lois de fonctionnement qui le régissent. Claude Lévi-Strauss en est le représentant le plus connu. POTELET |
Le théâtre connaît une intense activité (Mnouchkine, Chereau, Vitez, Planchon)