Voici deux textes d'élèves

Les textes qui suivent respectent intégralement la copie originale des élèves avec leurs qualités mais aussi leurs défauts. La retranscription de ces dissertations n'a qu'un but: servir à la réflexion commune sur la manière d'argumenter un sujet.

SUJET "... J'admets que mettre des civilisations différentes en contact les unes avec les autres est bien; que marier des mondes différents est excellent; qu'une civilisation, quel que soit son génie intime, à se replier sur elle-même, s'étiole..."

(Aimé CESAIRE )

PREMIERE COPIE

Avec le 16e siècle commence un nouveau dialogue des civilisations. L'Europe n'a pas véritablement découvert l'Amérique ou l'Afrique: depuis des siècles les communautés humaines communiquaient les unes avec les autres. La véritable originalité a été de mettre en relation l'ensemble du monde habité. Elle le doit à cet esprit d'entreprise qui l'a conduite à affronter les grands espaces océaniques en construisant des bateaux résistants, capables de parcourir de longues distances. Il ne s'agit pas seulement d'une supériorité technique: il semble qu'au moment où Christophe Colomb traversa l'Atlantique, les indiens d'Amérique ou les pêcheurs des lagons d'Extrême-Orient aient une maîtrise aussi grande de l'élément maritime que les Européens. La source profonde de l'expansion de l'Europe est de nature psychologique: les gens du continent sont saisis brusquement par l'appel du grand large. Césaire, écrivain et homme poli-tique de profession va essayer de se dégager de la culture occidentale pour revenir à ses racines, la Martinique. Dans son discours sur le colonialisme, il écrit ceci: "J'admets que mettre des civilisations différentes en contact les unes avec les autres est bien; que marier des mondes différents est excellent; qu'une civilisation, quel que soit son génie intime, à se replier sur elle-même, s'étiole..." Même si plus d'un demi-siècle s'est écoulé depuis cette affirmation, le problème semble pourtant n'avoir rien perdu de son actualité.

La rencontre entre plusieurs civilisations diamétralement opposées peut paraître donc intéressante. Les colonisateurs emportent dans de nouveaux territoires un certain bagage culturel. Celui-ci va donc faire l'objet d'une nouveauté pour les colonisés. En montrant à ces peuples nos coutumes, nos idées, nos manières, et en leur apprenant notre savoir, notre science, on va donc les in-former pour ensuite les former. Ce savoir transmis à ces peuples leur a permis d'agrandir leur champ de vision, de ne plus vivre en autarcie et de s'ouvrir au monde extérieur. L'Occident a donc permis à ces peuples de dialoguer avec le reste du monde. Ce qui n'est pas à négliger dans ces rapports, c'est le savoir apporté d'une civilisation à une autre. L'Occident a apporté trois types de savoir: le savoir intellectuel, le savoir économique et le savoir culturel. En ce qui concerne le sa-voir intellectuel, on pourrait dire ceci: on a appris à ces peuples à lire, à écrire, à s'informer sur diverses matières intellectuelles. Dans un deuxième temps, en ce qui concerne le savoir économique, on a appris à ces peuples une certaine gestion des terres. Pour cela, on leur a mis au point de nouvelles techniques de production qui leur permettront un meilleur rendement et donc une meilleure distribution de la production. On a aussi vu apparaître de nouvelles techniques de stockage, d'irrigation,... Dans un troisième temps est apparu le sa-voir culturel étant donné que l'on vit avec ces peuples, on ne peut que s'habituer à eux et réciproquement. On leur a donc fait connaître parfois indirectement nos croyances, nos idées, nos manières de faire. Cette relation maître-élève paraît donc assez fructueuse.

Mais, il faut dire qu'ils ont fait entrer des civilisations traditionnelles dans la modernité, et cela en développant une nouvelle civilisation dont les modèles viennent directement de l'occident. Sa principale caractéristique est un enchevê-trement, parfois conflictuel entre les structures traditionnelles du monde rural et les structures modernes du monde urbain. La vie urbaine tend à annuler les différences ethniques par la promiscuité qu'elle suscite: elle permet les mariages intergroupes; pour des raisons économiques, elle encourage la monogamie et détruit la famille étendue traditionnelle; elle renverse les structures sociales en attirant les jeunes gens qui fuient les campagnes et ainsi échappent au contrôle des anciens, enfin, elle fait perdre une grande partie de l'importance accordée aux croyances ancestrales. Donc, l'occidentalisation n'est pas toujours bénéfique.

De plus, en imposant à ces pays de nouvelles techniques de production, ils vont se trouver face à un inconnu. Ayant l'habitude de pratiquer leurs techniques ancestrales, cela va être un changement trop brusque pour eux. Peut-être que si de nouvelles techniques étaient apparues plus lentement, cela aurait réussi. Il faut une certaine adapatation pour finir à une accommodation.

En ce qui concerne un domaine plus social, l'apport de connaissances, par exemple médicales, n'a pas été bénéfique pour ces pays. La mortalité ayant fortement chuté, ces pays se trouvent surpeuplés; tandis qu'avant un équilibre entre la mortalité et la natalité régnait.

La rencontre de plusieurs civilisations peut donc être considérée comme fructueuse dans certains domaines et comme infructueuse dans d'autres do-maines. Comme dit si bien John Kenneth Galbraith: "Ce qui résultera de la rencontre entre plusieurs civilisations ne sait être fixé à l'avance." Cela est donc relatif. Etant donné que l'homme est un animal social qui cherche les rapports avec les individus de sa race, on peut donc l'excuser si en cherchant celle-ci, il com-met parfois plus de méfaits que de bienfaits.

DEUXIEME COPIE SUR LE MEME SUJET

La question est de savoir si, avec le recul de l'histoire, le colonialisme a réellement été bénéfique. Depuis quelques années nous assistons à des rivalités ethniques, à un réveil des nationalités. Ces querelles ne datent pas d'hier. Il est plus que temps d'arrêter de nous cacher le visage et essayons plutôt d'analyser la relation entre le colonialisme et ses séquelles, d'une part, et la pauvreté et le développement économique, d'autre part.

Tout a commencé à la fin du 19e siècle, lorsque les pays industrialisés soit la plupart des pays d'Europe se sont mis dans la tête d'aller chercher de nouveaux marchés pour écouler leurs marchandises et de trouver des matières premières. En dehors des motifs économiques, les pays industrialisés se considéraient su-périeurs; les blancs étaient supérieurs aux autres couleurs et il fallait donc leur apporter nos connaissances. "Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures; parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures (...) (extrait du discours de Jules FERRY, le 28 juillet 1885). L'Europe a réussi à avoir une mainmise d'ordre politique et économique sur les autres continents: l'Asie, l'Afrique et l'Amérique. C'est ainsi que les pays colonisateurs se sont appropriés de terres ne leur appartenant pas et imposant des frontières sans tenir compte de rien. Il est vrai que mettre des civilisations différentes en contact les unes avec les autres est bien mais tous les contacts ne sont pas fructueux. Les rivalités ethniques qui se sont exacerbées, l'année dernière, au Burundi, ont fait au moins quatre cents victimes. L'ambassadeur du Burundi en Belgique a même estimé que "ce bilan est bien au-dessous de la réalité". Des affrontements ont toujours opposé, au Rwanda et surtout au Burundi, les Hutu aux Tutsis. Et cela depuis que les Occidentaux ont décidé de réunir ces deux tribus rivales.

Voici un autre aspect négatif de la colonisation. Le cycle de l'appauvrissement pour les pays du Tiers-Monde a commencé avec l'arrivée de l'homme blanc dans des continents où il n'était pas auparavant, au 16e siècle en Amérique et plus tard en Afrique. Notre développement a débuté par deux génocides: celui des Indiens et celui des Africains. Ensuite, le crime a continué avec les colonies, d'abord organisées pour satisfaire les besoins de l'Occident. Par exemple, la France qui a importé massivement du coton, du jute, de l'arachide, etc. Leur principe était de nous ravitailler d'abord, avant de ravitailler les "indigènes". Résultat: dans le Nord du Sénégal, la moitié des sols sont détruits, à cause des excès de culture d'arachide et de céréales.

Maintenant que la décolonisation est à peu près achevée, l'appauvrissement s'aggrave tout de même. Il y a une explication à ce phénomène. La population des pays décolonisés est fascinée par nos techniques modernes et de ce fait essaie de calquer notre mode de développement. Mais les machines et les méthodes occidentales inadaptées donnent de médiocres résultats. Le problème médical est tout aussi éloquent. Dans toutes les capitales africaines et asiatiques s'édifient des hôpitaux disposant d'un personnel hautement qualifié et d'un équipement très moderne. Mais dans la campagne, ils ne connaissent même pas la médecine la plus élémentaire. Nous leur vendons du matériel ultra-moderne mais nous "omettons" d'y joindre le mode d'emploi.

Cependant, il est vrai que nous leur avons apporté une culture mais strictement une culture occidentale où l'on ne tient pas compte des valeurs des indigènes. les chefs des tribus poussent leurs enfants à aller dans les universités européennes. Leur but est de devenir les administrateurs du pays. En réalité, ils vont apprendre la corruption, l'alcoolisme,... et rapportent chez eux toutes les perversions.

Mais si "une civilisation se replie sur elle-même, elle s'étiole", a dit Césaire. C'est le cas de l'Asie. En effet, l'Asie a toujours eu une avance considérable sur l'Europe et cela jusqu'au 19e siècle. Tandis que l'Europe ouvrait ses horizons, allait chercher de nouvelles techniques, l'Asie se complaisait dans son mode de vie et refusait d'aller voir ce qui se passait ailleurs. Et cela est une des raisons de son retard actuel.

On ne peut pas parler de colonialisme sans mentionner l'esclavage. A cause de l'invasion des Occidentaux en Afrique, beaucoup de noirs ont été exportés en Amérique, destinés à l'esclavage. Et on ne peut oublier la terrible guerre de Sécession et le nombre de victimes aussi bien noirs que blancs. Mis à part ces victimes de la guerre et de l'esclavage, il y a les victimes du racisme de nos jours qui sont toujours considérés comme des êtres inférieurs car ils ne sont pas blancs.

L'idée d'une civilisation universelle part d'un bon sentiment mais est-ce seulement réalisable? La tendance à l'uniformisation est dangereuse, il y a un risque de perte de la richesse des cultures. Cependant cette idée d'une civilisation universelle serait possible si l'on respecte les différences des nations. "Les nations seront comme des arbres qui unissent leurs branches, mais qui sont différents à leur base", affirma Césaire. Mais pourquoi vouloir à tout prix transformer un pays en un territoire dépendant d'une métropole?