A
propos des règles en poésie
Mais,
peu à peu, et de par l’autorité de très grands
hommes, l’idée d’une sorte de légalité
s’est introduite et substituée aux recommandations d’origine
empirique du début. On raisonna, et la rigueur de la règle
se fit. Elle s’exprima en formules précises ; la critique
en fut armée ; et cette conséquence paradoxale s’ensuivit,
qu’une discipline des arts, qui opposait aux impulsions de l’artiste
des difficultés raisonnées, connut une grande et durable
faveur à cause de l’extrême facilité qu’elle
donnait de juger et de classer les ouvrages, par simple référence
à un code ou à un canon bien défini.
Une
autre facilité résultait de ces règles formelles,
pour ceux qui songeaient à produire. Des conditions très
étroites, et même des conditions très sévères,
dispensent l’artiste d’une quantité de décisions
des plus délicates et le déchargent de bien des responsabilités
en matière de forme, en même temps qu’elles l’excitent
quelquefois à des inventions auxquelles une entière liberté
ne l’aurait jamais éconduit.
Paul Valéry
, Première leçon du cours de poétique (1937).
Leçon inaugurale du cours de poétique du Collège
de France, in Variété V, Nrf, Gallimard, 1944.
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Mise à
jour
05.05.2010
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