Le signe

La science qui étudie les signes de la communication s'appelle la sémiologie. Elle présuppose qu'il est impossible de communiquer sans utiliser des signes (des gestes, des mots, des images...). La sémiologie considère le signe comme étant un objet à deux faces.

La première face du signe est celle que l'on perçoit presque physiquement en regardant ou en écoutant le signe. Cette face s'appelle le signifiant.

Mais le "récepteur" qui perçoit un signe pense immédiatement à ce que ce signe signifie, c'est-à-dire à la seconde face du signe: le signifié. Nous ne regardons pas véritablement les mots d'un texte que nous lisons. Immédiatement, ces mots nous parlent et ce qu'ils signifient s'éveille dans notre pensée, pour autant que nous connaissions le code utilisé. Le signifiant est présent durant la communication. Le signifié est cette chose absente qui vient à l'esprit lorsque l'on perçoit un signifiant.

Dans son roman intitulé "Le Propre de l'Homme" Robert Merle raconte l'histoire de deux personnes qui enseignent le langage des sourds-muets à une guenon nommée Chloé. Une étape fondamentale de cet apprentissage est franchie le jour où Chloé se trouve devant un miroir et découvre qu'une image n'est pas l'objet qu'elle représente. Il y a une vraie Chloé, et une fausse Chloé dans le miroir. Pour le lui faire comprendre, son maître lui montre une pomme et une figurine représentant une pomme. On demande au singe: "Qu'est-ce que c'est?" en désignant la figurine. La guenon répond: "Une pomme" et le maître commence à manger la figurine. Chloé l'arrête en faisant signe: "Fausse pomme". Elle avait compris, elle aussi, que le signifié "pomme" est absent, même lorsque le signifiant est présent.

La sémiologie affirme qu'il existe plusieurs sortes de signes. On distingue ainsi les signes analogiques et les signes digitaux.

Un signe analogique ressemble à son signifié. Il y a quelque chose dans la forme du signifiant qui est semblable au signifié: une analogie.

Un signe digital, au contraire, ne ressemble pas à son signifié: la forme du mot "pomme" ne ressemble pas à une pomme. C'est la convention, c'est-à-dire une règle sociale, qui nous force à admettre que les lettres P.O.M.M.E. désignent le signifié: "Le fruit comestible du pommier, dont on connaît plus de 10.000 variétés, que l'on consomme fraîches ou en compotes, gelées, beignets, et dont le jus fermenté fournit le cidre" (Larousse).

Comme rien de naturel ne vient prouver la relation signifié-signifiant d'un signe digital, cette relation est très fragile. Les sociétés humaines déploient des efforts constants pour que les signes digitaux soient correctement employés à l'aide de dictionnaires, de précis d'orthographe, etc. En revanche, les signes analogiques ne doivent pratiquement pas être appris. Ils s'installent en douceur et sans effort dans la mémoire et on les comprend aisément.

Il y a d'autres différences entre ces deux sortes de signes: les signes analogiques ont une valeur plus interculturelle - quoique pas vraiment universelle - que les signes digitaux. Ils (les analogiques) sont plus souvent appris par expérience que par enseignement. Le code des signes analogiques est dit "faible", c'est-à-dire peu contraignant. Celui des signes digitaux est dit "fort" car il doit compenser le caractère arbitraire qui unit le signe digital à ce qu'il signifie. On peut aussi affirmer qu'un signe analogique signifie d'abord "vers le bas", vers le concret: il désigne plus facilement un objet perceptible et singulier (ce chien, cette pomme, cette maison). Il ne désigne des objets généraux et abstraits que par une seconde opération, comme la symbolisation (la fidélité, le péché originel, la famille). A l'opposé, un signe digital signifie "vers le haut", vers l'abstrait: le mot "mère" ne désigne pas d'abord une maman en particulier (comme le fait la photo -sorte de signe très ressemblant à son signifié - de notre propre mère), mais la catégorie générale et abstraite des femmes qui ont enfanté. Les concepts sont véhiculés, dans notre culture, par des signes digitaux, même si chacun d'entre nous y associe immédiatement des images mentales d'objets concrets qui les illustrent.

Enfin, une dernière différence oppose les deux types de signes: il y a une continuité entre deux signes analogiques. S'ils se ressemblent entre eux, leurs signifiés sont identiques ou se ressemblent. Le dessin d'une cerise ressemble à celui d'une petite pomme et une petite pomme ressemble un peu à une cerise. Par contre, un maire ne ressemble pas à une mère, même si leur signifiant sonore (le mot prononcé) est identique.

A quelle sorte de signe appartiennent les signes que l'on voit et que l'on entend dans un document audiovisuel?

D'après la sémiologie, un vidéogramme (un programme vidéo fait d'images et de sons), n'est qu'un mélange complexe de signes de différentes sortes. On y trouve d'une part des signes analogiques: des images (prises de vues) et des sons (musique et bruitage), et d'autre part des signes digitaux, comme les dialogues, les commentaires, les titres et les sous-titres. Nous percevons tous ces signes comme un tout. Nous les percevons d'ailleurs, non comme des signes, mais immédiatement comme ce qu'ils signifient. Ils n'en opèrent pas moins dans notre pensée chacun à leur manière. suivant leur façon particulière de signifier. 

 

in A. Dhavré et coll.