Un sonnet classique

un sonnet plus audacieux

un sonnet réalisé par un élève 
et l'opinion du professeur.

 

 

 

 

Voici un sonnet "académique" qui respecte parfaitement toutes les règles:

Les Conquérants

J.-M. de HEREDIA 1842-1905
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.
 
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
 
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré;
 
Ou, penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.

 

Ce sonnet est composé de façon nettement plus libre :

Le dormeur du val

Arthur RIMBAUD 1854-1891
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
 
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
 
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
 
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 

Donjuanisme.

J'aurais souhaité qu'il y eût plus de pays
Pour y étendre mes conquêtes amoureuses.
Je veux tellement les rendre toutes heureuses,
Que j'ai fait de la constance un grand ennemi.
 
Je suis un grand libertin et j'en suis ravi.
Lorsque j'aperçois une beauté ravageuse
J'exalte en moi une attitude très charmeuse.
Mais après, je n'éprouve que du répit.
 
Maître de mon cœur, je leur déclare mes flammes
Au risque d'être transpercé par une lame,
Car je ne sais point m'empêcher de les aimer.
 
Je suis un être fier d'avoir beaucoup de zèle
Et continuerai à quérir ces beautés
Qui désirent être aimées d'un amour fidèle.

Ce sonnet a été proposé en mars 2000 par un élève de 6e Transition à l'IND (Fleurus).

 

 

L'opinion du prof.

Quelques points peuvent être améliorés:

- plusieurs mots répétés : beauté, grand, aimer.

- la plupart des césures sont asymétriques donc inconfortables à la lecture à voix haute.

Le mot répit (v. 8) surprend :"dépit" semble convenir davantage pour souligner l'opposition entre la passion avant la conquête et la lassitude ensuite. Cependant "répit" illustre la continuité de la quête.

Les éléments constitutifs du sonnet sont apparents : nombre de vers, structure et alternance des rimes, mesure des vers.

C'est une réécriture cohérente du mythe de Don Juan victorieux et cynique.

Ce texte a reçu la cote 17.

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