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Poèmes à dire

(série 5)

Poètes de Belgique.

Charles VAN LERBERGHE.
Ma soeur la Pluie
Achille CHAVÉE
La vermine dans les mots
Max ELSKAMP
La femme.

Maurice MÆTERLINCK

Chanson.
Géo NORGE
Fers, aciers

Marcel THIRY

Toi qui pâlis au nom de Vancouver
Émile VERHAEREN
Les Horloges

 

 


Charles VAN LERBERGHE.

Ma soeur la Pluie.

Ma soeur la Pluie,
La belle et tiède pluie d'été,
Doucement vole, doucement fuit,
A travers les airs mouillés.
Tout son collier de blanches perles
Dans le ciel bleu s'est délié.
Chantez les merles,
Dansez les pies !
Parmi les branches qu'elle plie,
Dansez les fleurs, chantez les nids
Tout ce qui vient du ciel est béni.
De ma bouche elle approche
Ses lèvres humides de fraises des bois ;
Rit, et me touche,
Partout à la fois,
De ses milliers de petits doigts.
Sur des tapis de fleurs sonores,
De l'aurore jusqu'au soir,
Et du soir jusqu'à l'aurore,
Elle pleut et pleut encore,
Autant qu'elle peut pleuvoir.
Puis, vient le soleil qui essuie,
De ses cheveux d'or,
Les pieds de la Pluie..

Achille CHAVÉE (1906-1969).

La vermine dans les mots .

 

Je me vermine
je me métaphysique
je me termite
je m'albumine
je me métamorphose
je me métempsychose
me dilapide
je n'en aurai jamais fini
Je me reprends
je me dévore
je me sournoise
je me cloaque et m'analyse
je me de de
je m'altruise
je deviens mon alter ego
je me cache sous les couvertures
je transpire l'angoisse
je vais crever madame la marquise.

Max ELSKAMP (1862-1931).

La femme.

 

Mais maintenant vient une femme,
Et lors voici qu’on va aimer,
Mais maintenant vient une femme
Et lors voici qu’on va pleurer,

Et puis qu’on va tout lui donner
De sa maison et de son âme,
Et puis qu’on va tout lui donner
Et lors après qu’on va pleurer

Car à présent vient une femme,
Avec ses lèvres pour aimer,
Car à présent vient une femme
Avec sa chair tout en beauté,

Et des robes pour la montrer
Sur des balcons, sur des terrasses,
Et des robes pour la montrer
A ceux qui vont, à ceux qui passent,

Car maintenant vient une femme
Suivant sa vie pour des baisers,
Car maintenant vient une femme,
Pour s’y complaire et s’en aller.

Maurice MÆTERLINCK (1862-1949) Prix Nobel de Littérature 1911.

Chanson.

 

Et s’il revenait un jour
Que faut-il lui dire ?
— Dites-lui qu’on l’attendit
Jusqu’à s’en mourir…

Et s’il m’interroge encore
sans me reconnaître ?
— Parlez-lui comme une sœur,
Il souffre peut-être…

Et s’il demande où vous êtes
Que faut-il répondre ?
— Donnez-lui mon anneau d’or
Sans rien lui répondre…

Et s’il veut savoir pourquoi
La salle est déserte ?
— Montrez-lui la lampe éteinte
Et la porte ouverte…

Et s’il interroge alors
Sur la dernière heure ?
— Dites-lui que j’ai souri
De peur qu’il ne pleure…

Géo NORGE (1898-1990).

Fers, aciers, métaux

S'aimèrent dur sous la lune
- Fers, aciers, métaux - .

Pas de roses, pas de prunes
En ce pays sans défaut.
S'aimèrent dur, belle houille
Avec tes grains dans la peau.
Pas de lys, pas de citrouille:
Fers, aciers, métaux.

C'était riche et c'était beau,
Cette lune sur l'usine,
Le gamin et la gamine,
Les seins contre la poitrine
- Fers, aciers, métaux. -

Tout allait bien. Dieu sommeille
Et la guerre est en repos.
Belle amour encor plus belle,
O saisons industrielles,
Parmi vos grands végétaux:
Charbons aux fortes prunelles,
Fers, aciers, métaux,
Poutrelles

Marcel THIRY (1897-1977).

Toi qui pâlis au nom de Vancouver.

 

Toi qui pâlis au nom de Vancouver,
Tu n'as pourtant fait qu'un banal voyage;
Tu n’as pas vu la Croix du Sud, le vert
Des perroquets ni le soleil sauvage.

Tu t’embarquas à bord de maints steamers.
Nul sous-marin ne t'a voulu naufrage;
Sans grand éclat tu servis sous Sturmer,
Pour déserter tu fus toujours trop sage.

Mais qu'il suffise à ton retour chagrin
D'avoir été ce soldat pérégrin
Sur le trottoir des villes inconnues,

Et, seul, un soir, dans un bar de Broadway,
D'avoir aimé les grâces Greenaway
D'une Allemande aux mains savamment nues.

Émile VERHAEREN (1855-1916).

Les Horloges.

 

La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas;
Montant et dévalant les escaliers des heures,
Les horloges, avec leurs pas;
Émaux naïfs derrière un verre, emblèmes
Et fleurs d’antan, chiffres maigres et vieux;
Lunes des corridors vides et blêmes,
Les horloges, avec leurs yeux;
Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes,
Boutique en bois de mots sournois,
Et le babil des secondes minimes,
Les horloges, avec leurs voix;
Gaines de chêne et bornes d’ombre,
Cercueils scellés dans le mur froid,
Vieux os du temps que grignote le nombre,
Les horloges et leur effroi;
Les horloges,
Volontaires et vigilantes,
Pareilles aux vieilles servantes
Boitant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas.
Les horloges que j’interroge.

Mise à jour : 16.02.2010