Des postures appropriées...

L'enseignant

  • explicite régulièrement ses propres stratégies cognitives et métacognitives aux élèves (« modelage»)
  • évite de se positionner comme modèle unique (écouter Isaac Stern)
  • favorise la coopération en classe
  • va vers l'élève là où il se trouve (et non où il voudrait l'emmener...)
  • déploie une approche globale (Caroline Coudé)
  • questionne les élèves sur leurs stratégies cognitives par rapport à telle ou telle tâche où ils ont été préalablement invités à s’auto-observer.
  • porte un regard réflexif sur ses propres pratiques.

L' élève

  • accepte de s’auto-observer pendant qu’il apprend, de réfléchir sur ses stratégies et de chercher comment les compléter avec l’aide du questionnement de l’enseignant, accompagnateur.
  • accepte de partager ses stratégies dans un contexte de sécurité et de bienveillance
  • accepte de modifier éventuellement ses représentations sur l'apprentissage,
  • ...et parfois même ses représentations de soi

Les pairs

  • dans un esprit de coopération constructive, les élèves sont invités à se questionner collectivement et à confronter leurs stratégies. 

Précisons...

L'enseignant praticien réflexif :

« Igor, je suis désolé, tu me fais penser à ce professeur de natation que j'avais au lycée de Cologne. Il nous apprenait en lisant le manuel, lui ne savait pas nager. »
J.-M. Guenassia, Le club des Incorrigibles Optimistes.

L'enseignant devrait lui-même s'engager dans une démarche réflexive.

"L’enseignant est un chercheur comme les autres !" (Romero-Muñoz, 2017)

Boutet, 2004 citant Haberman, rappelle sa liste des caractéristiques des bonnes enseignantes ou des bons enseignants.
"Elles ou ils : ont tendance à ne pas porter de jugement sur leurs élèves mais plutôt à chercher à comprendre, ne sont pas moralisateurs, réagissent professionnellement et ne sont pas facilement ébranlés dans les situations difficiles, écoutent attentivement ce que les élèves et les collègues leur disent, savent reconnaître et compenser pour leurs faiblesses, ne se prennent pas pour des sauveurs du système scolaire mais plutôt comme des sauveurs de quelques élèves à la fois, ne travaillent pas isolément, puisent leur énergie et leur bien-être dans leurs interactions avec leurs élèves, se définissent à la fois comme enseignants en relation avec des élèves et enseignants en rapport avec des contenus, sont eux-mêmes des apprenants exemplaires, ne recherchent pas la reconnaissance sociale, reconnaissent le caractère impératif de la réussite scolaire, n'acceptent pas se voir imposer une méthode ni même un programme s'ils estiment qu'il ne correspond pas aux intérêts et besoins de leurs élèves." (p.6)

Porter un regard réflexif sur ses pratiques
"Ce guide propose des pistes aux futurs enseignants pour les aider à « porter un regard réflexif sur leurs pratiques » en répondant à trois questions principales : (1) Comment je réfléchis ? Quels processus réflexifs je mets en oeuvre ? (2) A quoi je réfléchis ? Sur quels objets (gestes professionnels et effets) porte ma réflexion ? A partir de quels modèles de référence ? (3) A partir de quelles données je réfléchis ? A partir de mes impressions et si possible de données objectives ?
" (M. Bocquillon, A. Derobertmasure, M. Demeuse,2016)

A titre d'illustration, Clauzard,2017, décrit une expérience d'autoconfrontation, méthode de P. Vermersch, au cours de laquelle une enseignante prend conscience de la richesse de son activité.

Un article d'Amandine Maes, 2018, propose des Balises pour un enseignement réflexif de l'écriture , de quoi se positionner devant des choix pédagogiques.

Il est essentiel aussi que l'enseignant explicite régulièrement ses propres stratégies cognitives et métacognitives aux élèves, qu'il leur montre comment il fait lorsqu'il lit (par ex, adulte quand il ne comprend plus le roman : stratégies) ; c'est ce qu'au Québec, on appelle le modelage : montrer comment on résout le problème pour rendre explicite les stratégies utilisées et permettre ainsi d'enrichir la palette des possibilités.

Lire, par exemple : Randolet & Watthez (2013). Écrire (sur) ses pratiques
Voici comment les auteurs concluent leur article : "Il nous parait donc pertinent de proposer, en formation initiale, des formations ou bien un cours destinés à initier les futurs enseignants à l'écriture réflexive de manière à ce qu'ils disposent des outils nécessaires pour mettre par écrit leurs pratiques pédagogiques lorsqu'ils seront des acteurs de terrain."

Le moddeling / modelage

"Mettre un "haut-parleur" sur leur propre processus de réflexion lors des présentations et démonstrations faites aux élèves, c'est-à-dire penser à voix haute et inciter les élèves à faire de même." (Bissonnette S., Gauthier C. et Péladeau N., 2010.)

"Le moddeling consiste pour l’enseignant à se donner en modèle pour ses élèves, en pensant et agissant à haute voix lors de la réalisation d’une tâche et de l’application des stratégies. L’enseignant active ses connaissances antérieures, planifie, contrôle et évalue sa démarche à haute voix de manière à ce que les élèves la comparent à leur propre méthode et s’ajustent au modèle. " M. Favre, 2017, p.21.

"Quelle posture la démarche réflexive requiert-elle de l'enseignant ?

La spécificité de nos habitudes intellectuelles ne peut nous apparaitre que si nous sommes mis en présence d'autres stratégies qui divergent des nôtres, les interrogent et les enrichissent. La comparaison des procédures entre élèves permet que chacune devienne le miroir du fonctionnement mental de l'autre. L'enseignant peut également lui-même s'engager dans une démarche réflexive:
- S'obliger, quand faire se peut, à réaliser soi-même les tâches proposées aux élèves, c'est accepter de mesurer leur degré de complexité, de penser les ressources nécessaires et donc adopter une posture d'enseignant réflexif.
- Réaliser la tâche ou certaines de ses étapes devant ses élèves en rendant explicites les démarches utilisées, le processus de la pensée, c'est donner l'exemple d'un praticien réflexif. par exemple, dans une tâche d'écriture, modéliser les opérations en écrivant réellement devant les élèves tout en évoquant à haute voix les questions que l'enseignant se pose pour rechercher des idées, les organiser, rédiger, évaluer le contenu de son texte, la qualité de la langue...
- Questionner ses propres démarches et les relativiser en comparaison avec celles d'autrui (autres enseignants ou adultes, élèves...) permet d'éviter de se positionner comme modèle unique." (Programme Fesec, p. 34)

La classe réflexive

Un des rôles de l'enseignant, c'est de prévoir des moments d'échanges structurés pour favoriser la métacognition et permettre aux élèves d'entrer en conflit sociocognitif pour qu'ils puissent partager leurs stratégies, les confronter, les comparer à celles des autres, différentes sans doute, et d'apprendre ainsi, de pouvoir modifier le cas échéant leurs propres conceptions. Il va donner les outils pour construire l'outil mental.

Laurent Lescouarch demande par exemple « comment faites-vous pour additionner 8+5 ? » Chacun explique à voix haute la façon dont il procède mentalement. Chacun arrive au bon résultat par des chemins multiples.
Il poursuit alors en proposant un autre calcul : 85+28. On voit à ce moment que les stratégies qui valaient dans le premier cas ne sont plus opérationnelles dans le second. Le « conflit cognitif » révèle que certaines méthodes sont plus avantageuses...

Il ne suffit pas que l'enseignant fasse émerger par l'élève des réflexions méta, il faut que ces réflexions soient traitées par l'enseignant, réfléchies, confrontées par les élèves de façon explicite, qu'elles soient conceptualisées pour que l'élève ait à sa disposition des modèles valides auxquels il peut se fier et qu'il puisse les intégrer

Exemple : L'enseignant vérifie durant quelques jours et constate que l'étude ne tient pas chez certains à long terme. En vue de déterminer une stratégie plus solide, il va provoquer le questionnement :
— Est-ce que toutes les démarches sont justes ?
— Est-ce qu'elles sont équivalentes?
— Est-ce qu'elles se valent toutes en ce qui concerne l'efficacité ?

On voit bien que l'enseignant a un rôle essentiel, car tout méta spontané ne produit pas nécessairement un savoir méta valide (rappel : les élèves qui ont des difficultés scolaires évaluent mal l'efficacité des méthodes qu'ils utilisent).

C'est ainsi accepter de se mettre du côté de l'élève, de se mettre à sa place pour imaginer ce qu'il pense, de quitter son statut d'expert.

« L'habileté à gérer ses processus cognitifs n'est pas innée. [...] C'est une habileté qui se développe par un enseignement explicite où l'enseignant sert de modèle. » (Morissette, 2002, p63.)

Une approche globale de l'apprentissage de la métacognition

Caroline Gouiffès-Coudé, 2005, recommande aussi à l'enseignant d'envisager plusieurs aspects de cet enseignement:

Comment aider l'élève à développer ses compétences métacognitives ?

N. Lauzon, 2014, rappelle les grands principes à intégrer dans son enseignement dans son billet : Je réfléchis à ce que je fais. Elle y reprend une série d'étapes proposées par les concepteurs du langage LOGO. Ces étapes guident également le professionnel de l'enseignement dans sa démarche pour soutenir le développement des compétences métacognitives de l'élève pendant ces étapes.

"[...] il est particulièrement important de développer des stratégies métacognitives et des stratégies d'apprentissage. Ces stratégies doivent être enseignées d'une manière explicite; c'est-à-dire, le professionnel de l'enseignement doit rendre l'élève conscient de son propre processus cognitif et lui permettre de développer sa capacité de gérer de manière autonome les différentes fonctions métacognitives nécessaires pour accomplir diverses tâches scolaires quotidiennes telles que résoudre des problèmes, planifier, et contrôler ses émotions."

Une autre relation ? C'est ce que préconise le violoniste virtuose Isaac Stern dans cet enregistrement.
Christine GYSELINGS, Portrait du violoniste Isaac Stern, RTBF MUSIQ3, Grands interprètes, 07 mai 2019.

2. L'élève réflexif

« Un dispositif pédagogique basé sur la réflexivité doit être signifiant pour le sujet car il demande un esprit ouvert et l'engagement authentique de l'apprenant. Dans le cas contraire, il peut être un obstacle à l'apprentissage. » (Zund, 2016, p.33)

Il a un rôle actif dans l'apprentissage pour que ce dernier soit efficace.

Il doit accepter de partager ses stratégies, accepter d'évaluer l'efficacité de ses stratégies, d'essayer d'autres stratégies

Il doit aussi accepter de modifier ses représentations sur l'apprentissage, et parfois même ses représentations de soi, tout apprentissage impliquant une transformation profonde, il faut changer pour apprendre et on change en apprenant.

« L'élève est un acteur pleinement engagé dans sa démarche d'apprentissage, il

  • Cherche à comprendre la tâche à réaliser.
  • Prévoit les applications futures.
  • Repère ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas.
  • Rend explicite les liens qu'il fait.
  • Accepte de réfléchir sur ses actions et sur sa démarche.
  • Accepte de prendre des risques, de faire des erreurs et de travailler à partir de ses erreurs.
  • Nomme les apprentissages qu'il fait et raconte comment il les fait.
  • Accepte le déséquilibre cognitif.
  • S'autoévalue, c'est-à-dire qu'il compare ce qu'il fait et ce qu'il a fait à ce qu'il devait faire.
  • Valide ses démarches, ses stratégies d'apprentissage.

L'élève est un coopérateur en ce sens qu'il participe comme individu à l'apprentissage des autres élèves du groupe :

  • tantôt comme modèle explicite pour ses partenaires de travail en donnant son point de vue et en rendant explicites sa pensée ainsi que le raisonnement sur lequel il se fonde ;
  • tantôt comme questionneur auprès de ses pairs pour s'assurer de leur propre compréhension des informations et de la pertinence des liens qu'ils sont en train d'établir à ce moment-là, aussi pour les aider à clarifier leur pensée et à la faire évoluer selon le cas. » (Morissette, p.52)

Autre présentation:

Adopter des procédures d'apprentissage réflexif

  • adopter des stratégies cognitives (généralisation, association, classification, transfert des connaissances, inférence...) et des techniques d'apprentissage (prise de notes, mémorisation, résumé, traduction) selon la situation et les objectifs d'apprentissage.
    Chaque individu a une manière d'apprendre qui lui est propre. Ce style d'apprentissage constitue une ressource de base sur laquelle développer délibérement des stratégies et des techniques explicites.
  • tirer profit des expériences d'apprentissages précédentes.
    L'apprenant bénéficie des expériences d'apprentissage précédentes pour anticiper des difficultés et organiser son travail.Par ailleurs la démarche intercompréhensive suppose aussi un certain déconditionnement par rapport aux méthodologies d'apprentissage /enseignement focalisées sur une seule langue.
  • autoréguler son processus d'apprentissage : modifier ses objectifs et ses choix en fonction de la situation, de la démarche intercompréhensive, des réussites et des difficultés éventuelles.

    Il est important de savoir modifier sa façon d'agir au fil de la formation face à d'éventuelles difficultés, imprévus, changements d'objectifs, pour continuer son parcours et ne pas laisser décourager. Ceci implique de faire des bilans périodiques au cours de la formation.

  • évaluer ses apprentissages (efficacité de sa démarche, difficulté de la tâche, progrès réalisés, niveaux atteints).

    Apprendre en autonomie signifie savoir faire un bilan final, le formateur guidera l'apprenant à s'orienter vers un type de bilan en accord avec les objectifs fixés en début de parcours.

Eric (?), Adopter des procédures d'apprentissage réflexif, 2016

3. Les pairs

Les pairs, nous l'avons vu, parce qu'ils ont le même âge, les mêmes réactions, sont dans la même phase de développement psychologique ont un rôle essentiel à jouer dans la prise de conscience de chacun de la spécificité de ses stratégies.

Si la pause pédagogique est à instaurer par l'enseignant, il est important de favoriser la coopération en classe dans les activités pour amener les élèves à se questionner collectivement et à confronter leurs stratégies. 

(Merci à Mesdames Geneviève Gilbert et Virginie Matthews)

Page mise à jour le 08.03.2023