Quelques bénéfices attendus de l'enseignement de la réflexivité

Il y a en chacun de nous du caché que seul le regard d'autrui peut nous aider à mettre à jour, de l'étrange que seule l'écoute d'un autre peut nous faire entendre. Nous ne sommes pas en possession de la vérité sur nous-mêmes et quels que soient nos efforts nous ne ferons jamais que l'approcher. A chacun sa part de cécité.

M.Develay cité par S. PELLANDA DIECI et J.-M. TOSI.

Côté élèves

Côté enseignants

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Paroles de profs  :

D'une autre façon, Apports de l'analyse réflexive d'après Lenoir:

"Les enseignants doivent créer un environnement métacognitif qui favorise un meilleur apprentissage en donnant aux élèves « la permission » d'identifier leur perplexité, en leur demandant ce qui fait naître en eux cette perplexité et en reconnaissant leurs difficultés, en intégrant aussi la réflexion dans leurs travaux pratiques, en demandant aux formateurs d'utiliser la réflexion métacognitive dans leur enseignement et en fournissant aux élèves des instructions précises afin qu'ils sachent réfléchir à leur façon d'agir et d'apprendre. " (Luna Scott C., Les apprentissages de demain [...], UNESCO, p.12)

Côté élèves

1. Apprentissage amélioré

L'acquisition d'une « posture seconde » facilite l'apprentissage : réalisation moins couteuse, plus efficace des tâches scolaires (dès 9 ans : Musial) (« "tu peux mieux faire” n'aide pas à savoir comment » (Perrenoud)

La métacognition : un facteur favorable pour réussir les apprentissages et leur transfert sans doute le plus efficace avant le temps passé sur la tâche et le feedback du professeur.

Dès les années 80, la compétence méta est considérée comme un moyen privilégié d'améliorer la performance des élèves et on pense d'ailleurs que les bons élèves sont spontanément ou familialement métacognitifs. Ils peuvent réfléchir sur leur propre activité d'apprentissage et l'ajuster en fonction de contextes variés. La réflexivité apparait donc comme une stratégie efficace pour favoriser le transfert d'une situation à une autre. Nous le savons bien et c'est une remarque qui revient sans cesse (« les élèves ne savent pas transférer »), le transfert des apprentissages à une autre situation est complexe. Pour réussir, il faut que le savoir ait été construit d'une façon active, qu'il soit compris. Sinon, dans un autre contexte, l'élève ne le reconnait pas. L'action ne suffit pas, il faut qu'il y ait aussi une réflexion sur l'action qui va permettre à l'élève de repérer les différences et les ressemblances entre deux situations.

Voici un exemple pour illustrer cette démarche :

À la suite de la lecture d'un texte qui décrit pour différents animaux leur habitat naturel, leur mode de reproduction et leur alimentation et qui donne quelques autres caractéristiques, l'enseignant
1. demande aux élèves de remplir un tableau
2. présente une carte géographique d'une région et pose un problème : « Si vous aviez à installer un minizoo dans cette région avec les animaux décrits dans le texte que vous avez lu, à quel endroit sur la carte l'installeriez-vous ? »
(Morissette, p.105)

Les pratiques métacognitives constituent un progrès extrêmement sensible qui fait évoluer de façon très significative le traitement de l'échec et des difficultés parce que le constat est que si les élèves efficaces sont armés de capacités réflexives, ceux qui éprouvent des difficultés en ont beaucoup moins

« L'inefficacité des efforts des élèves en échec est à mettre au compte d'une déficience de type métacognitif bien plus que cognitif ; ils ont des connaissances et des compétences, mais ne savent pas les utiliser, ni les transférer, cette inefficacité étant tout d'abord attribuée au fait qu'ils ne savent pas qu'ils savent. » A.-M.Doly, citée par Morissette, p. 56)

Enseigner aux élèves la puissance de la métacognition et les aider à utiliser cette fonction, c'est leur donner un pouvoir très grand sur le développement de leur intelligence et un moyen fabuleux d'apprendre.

2. Accroissement de la motivation

La réflexivité est susceptible de renforcer la motivation par le sentiment de maitrise consciente.

« On est motivé à apprendre quand on pense qu'on est capable de le faire, quand on a confiance dans ses habiletés, quand on croit qu'on peut agir sur son intelligence et avec elle, quand on croit qu'on a le droit de se tromper et de continuer à chercher en étant accompagné, quand l'évaluation ne vient pas nuire au processus d'apprentissage, mais qu'elle décrit les étapes et les chemins. » (Morissette, p. 62)

3. Autonomisation et transfert.

La métacognition conduit à davantage d'autonomie, à davantage d'adaptabilité aux situations nouvelles (homme vs robot)

« La métacognition sert à construire des connaissances et des compétences avec plus de chance de réussite et de transférabilité ; elle sert à apprendre des stratégies de résolution de problèmes qui favorisent la réussite et le transfert, dont l'autorégulation. » (A. -M. Doly)

La pratique de la réflexivité permet de découvrir le sens profond des apprentissages cognitifs et, ainsi, ne pas limiter le sens des tâches à celui de l'exécution, du faire.

La réflexivité est nécessaire à l'acquisition de l'autonomie. En se regardant apprendre, « Il se met en je » ; l'élève se positionne face à l'objet à apprendre, il devient plus indépendant des situations cognitives et de l'enseignant et des méthodes qu'il propose. Il va ainsi piloter de manière plus efficace son activité intellectuelle.

Anne-Marie Doly  : « la métacognition sert à être plus autonome dans la gestion des tâches et dans les apprentissages (être autorégulé et savoir se faire aider) ; elle sert à développer une motivation d'apprendre et à construire un concept de soi comme apprenant. » (citée par Morissette, 2002)

L'élève est responsabilisé dans ses apprentissages puisqu'il les prend en charge.

L'élève réflexif est mieux à même de faire face à une situation nouvelle. (transfert) "L'exercice quotidien d'une pratique réflexive facilite la gestion efficiente d'un processus de résolution de problèmes complexes, singuliers, imprévus ou inédits." (Vierset V. et alii, 2016, l.148-150)

4. Restaurer la confiance en soi

La pratique de la réflexivité peut donner confiance en soi à l'élève parce qu'il se dégage de la parole de l'autre ; il acquiert un sentiment de compétence qui permet d'avancer et le sécurise. L'enseignant peut aider l'élève à restaurer l'image qu'il a de lui-même en lui faisant prendre conscience de ses images mentales et de ses procédures d'apprentissage. On sait combien les difficultés cognitives et les échecs multiples qu'elles provoquent entament profondément l'image de soi, y compris l'image corporelle. Il existe des enfants qui ont peur d'apprendre tellement la difficulté est grande, des élèves qui s'empêchent de penser (Cfr Boimare).

Avec ceux-là, en proposant l'exercice de la métacognition, l'enseignant signifie à l'élève qu'il n'est pas là pour penser à sa place, bien au contraire : il s'agit de lui redonner la certitude de sa propre pensée, afin qu'il s'autorise à nouveau à penser. Il peut ainsi retrouver un peu d'estime de soi et « réenclencher » petit à petit les apprentissages.

5. Un facteur de socialisation

« J'ai besoin des autres pour apprendre, pour construire mon savoir. » [...] l'interaction avec autrui est nécessaire si l'on veut obtenir l'information, la transformer, la valider, l'utiliser et la transmettre. Il faut aussi savoir que l'écoute individuelle, silencieuse et passive n'est pas naturelle ; c'est le dialogue, la confrontation des points de vue et le partage qui sont naturels et qui aident les élèves à renouveler constamment leur motivation. » (Morissette, p.24)

La même auteure propose (p. 182) un tableau des habiletés sociales que l'enseignant peut promouvoir :

  Elle constitue un facteur de socialisation dans l'écoute et dans l'échange et améliore les compétences en travail collaboratif, en groupe

Dans une société plurielle comme la nôtre, qui niera l'avantage d'exposer sa démarche, de pouvoir écouter une façon de faire différente et même, dans un échange collaboratif, d'aider l'interlocuteur à expliciter les faces cachées de sa procédure ? Quelle école aussi de respect, de tolérance, de reconnaitre en chacun la "présomption de compétence" et renoncer à "l'ère des décideurs" (M. Serres). Accepter la splendeur des vérités multiples : ne voila-t-il pas un programme alléchant ?

En partageant ses procédures, en écoutant celle des autres, l'élève entre dans un cercle social. « Il redéfinit constamment son rapport au réel, à la culture, à autrui et à lui-même. » (Vanhulle)

Écouter le compte rendu de l'autre et proposer le sien dans une formulation recevable et pertinente, interroger un pair et en même temps l'aider à expliciter sa méthode : voilà autant de moments de partage. Et donc de raisons de s'entrainer à manier les outils du dialogue : respect des faces, progression de l'information, modes de questionnement, écoute active centrée sur la personne (Rogers) encourageante, coopérative, non-jugeante, interventions reflets, reformulations, questions ouvertes pour laisser au partenaire la possibilité de parvenir à sa propre expression sans lui suggérer des réponses. Vaste champ de manoeuvres.

6. Maitrise du langage de scolarité

« À l'opposé de l'idée selon laquelle le langage servirait à exprimer une pensée déjà construite, Vigotsky soutient que les mots font naitre la pensée, contribuent à la construire. » (Morissette, p.157

Les tâches préconisées dans le cadre de l'UAA 0 conduisent aussi à une meilleure maitrise du langage oral et écrit

Stimuler la réflexivité, c'est d'abord une affaire de langage. Mettre en mots ce qui demeure encore confus, irréfléchi. Puisque aussi son enseignement et son évaluation passent nécessairement par des médiations, des textes, l'apprentissage de la justification et de l'explicitation, explore les ressources à activer dans les tâches de production orales ou écrites. Observer, nommer, ajuster seront trois moments du travail sur la langue.

Des bains d'extraits authentiques permettront d'observer différents échantillons. On pourra les soumettre à la discussion, vérifier leur pertinence par rapport aux consignes, nommer les procédés utilisés, donner des outils pour amplifier, fonder les justifications...

Sur les explicitations aussi on pourra mener une réelle analyse. Recherche de la précision, du détail, du mot exact, regard sur l'organisation des textes.

Accroitre le réservoir de termes et de tournures disponibles pour s'exprimer mieux, acquérir un minimum de métalangage, encourager l'élève à parler de son cheminement, ne voilà-t-il pas un objectif intéressant ?

Exercices de style d'un nouveau genre, de nombreuses possibilités d'ajustement se dessinent : assurer la recevabilité par la nuance, respecter les faces, faire varier les tournures, décrire de façon minutieuse, analyser l'action, en restituer le déroulement sans omettre des étapes ce qui rendrait le message inintelligible.

Réfléchir sur la langue est déjà une manière de prendre distance. Le travail linguistique trouve ici toute sa légitimité encore qu'il sera toujours au service de l'expression et jamais certifié pour lui-même.

Lorsqu'on observe les textes authentiques d'élèves, on peut dégager les « bonnes pratiques » et les maladresses, faire apparaitre et nommer les procédés permettant de produire une justification/explicitation suffisamment ample et pertinente. Qu'il s'agisse de la structure du texte, du mode de démonstration (justification) ou de description (explicitation) voire du langage utilisé : il ne manque pas d'éléments que l'on peut travailler en classe. Lorsque la diversité des procédures et des expressions métacognitives est mise en lumière et nommée, le professeur peut créer des exercices d'ajustements pointus en fonction des difficultés rencontrées par les élèves.

7. Réduction des inégalités.

En enseignant explicitement la métacognition et en entrainant l'élève à y avoir recours, on va dans le sens de réduire les inégalités parce que la réflexivité n'est pas donnée à tous par leur environnement familial tout en étant implicitement attendue à l'école. On fait entrer entrer ces élèves dans la langue de scolarité, langue écrite et réflexive, alors que la leur est orale et spontanée.

(Merci à Madame Geneviève Gilbert, Conseillère pédagogique Fesec)

Page mise à jour le 21.02.2019