Les fondations des écoles catholiques à la fin du 19ème siècle

Dans le pays à forte majorité catholique qu'était la Belgique, au début du XIXe siècle, les tendances laïcisantes des régimes autrichien, français et hollandais n'avait eu pour seul résultat que d'ancrer dans l'esprit des révolutionnaires de 1830 le principe d'une nécessaire liberté d'enseignement.

L'Eglise, privée depuis le XVIIIe siècle de ce qu'elle considérait comme sa mission privilégiée, utilisa très vite la liberté garantie par la constitution du jeune état belge pour tenter de restaurer son monopole en multipliant les écoles confessionnelles.

Or, les libéraux tenaient avant tout aux droits de l'Etat et à la séparation stricte de l'Eglise et de l'Etat.

Vers 1850, la science matérialiste fait d'énormes progrès. Les esprits libéraux se déspiritualisent : positivisme et athéisme progressent dans l'esprit des jeunes. La Franc-Maçonnerie, radicalisée après sa condamnation par l'Eglise, marque profondément les jeunes générations qui ne seront plus seulement anticléricales mais tout à fait antireligieuses.

C'est de ce malentendu que naquit la grave question scolaire qui secoua la Belgique pendant près d'un siècle !

Face à la menace hollandaise, les deux partis belges, catholique et libéral, mènent depuis 1828 une politique dite d'unionisme qui se terminera en 1857.

Les élections de cette années donnent la majorité aux libéraux qui garderont le pouvoir pendant 27 ans (jusqu'en 1884, à l'exception de 1870 et 1878).

Immédiatement leurs projets politiques sectaires rallument les luttes religieuses. En 1864 le gouvernement fait voter une loi attribuant à l'enseignement officiel des bourses d'études créées auparavant pour l'enseignement religieux. Stupeur dans les rangs chrétiens ! Mais cela n'était qu'un début. Le ministre de l'Instruction Publkique, Pierre Van Humbeek, obtient en 1879, une loi que notre histoire baptisera "loi de malheur" (Loi Van Humbeek). Cette loi fait habilement progresser l'enseignement de l'Etat et cherche la mort de l'enseignement confessionnel :

  • chaque commune devra avoir une école officielle;
  • les subsides pour les écoles libres existantes sont supprimées;
  • les écoles normales libres sont supprimées;
  • l'enseignement religieux doit se faire en dehors des heures de classe et sur demande expresse.

La guerre scolaire est déclarée. La réaction ne se fait pas attendre : en moins de deux ans les catholiques créent, de leurs deniers, un enseignement libre qui accueille 190.000 enfant, 60% des élèves, alors qu'en 1878, 13.1% des enfants fréquentent l'école libre.

Les évêques de Belgique prirent de graves mesures canoniques contre les défenseurs de l'école neutre et le pape Léon XIII refusa de les désavouer. La guerre scolaire déborda nos frontières car les relations diplomatiques furent rompues avec le Vatican. Et une autre loi se prépara. En 1881, il fut interdit de subsidier des collèges libres (à Bruxelles, dès 1835, des communautés religieuses avaient créé le Collège Saint-Michel, en 1839 l'Institut Saint-Louis et pour les filles l'Institut du Berlaimont, l'Institut des Sœurs de Notre-Dame et celui des Dames de Marie).

La force armée fut même employée pour vider les instituts libres établis dans des immeubles communaux. A Heule, deux hommes et une femme furent tués : ils défendaient le bâtiment de l'école catholique.

Mais les libéraux oubliaient une chose, les Chambres où ils étaient majoritaires, ne représentaient pas plus de 2% de la population et les nombreux impôts nécessités par la création de nouvelles écoles officielles mécontentaient fortement les Belges.

Léopold II était resté au-dessus de la mêlée et lorsque les libéraux laissèrent la place à une majorité catholique en 1884, le Roi confia le gouvernement à Jules Malou en lui conseillant la modération. Mais le fanatisme l'emporta. En 1884, pour contrer la "loi du malheur" les catholiques proposent une nouvelle loi :

  • toute commune doit avoir une école officielle;
  • elle peut adopter une école libre qui peut remplacer l'école officielle à moins que 20 chefs de famille n'en demandent le maintien - enseignement religieux obligatoire sauf dispense;
  • les écoles normales libres sont rétablies.

Du jour au lendemain, des centaines d'instituteurs furent privés de leur emploi. Des empoignades eurent lieu dans les rues : la guerre scolaire continuait.

Les débuts du règne d'Albert Ier furent assez mouvementées. En 1911, on crut résoudre la question. L'enseignement primaire obligatoire fut instauré et, pour établir une égalité entre les écoles libres et officielles, le gouvernement imagina le système des bons scolaires : chaque père de famille reçoit autant de bons que d'enfants en âge de scolarité. Ces bons sont donnés au chef d'école choisi par le père. Chaque école sera subsidiée au prorata des élèves. Mais la gauche refusa, voyant dans ce système un moyen détourné d'avantager les écoles libres dans les provinces et les communes dirigées par des socialistes ou des libéraux.

Meetings et violences dans les rues recommençaient.

Après plus d'un siècle d'affrontement, un pacte scolaire fut proposé par Pierre Harmel, ministre de l'Instruction Publique en 1951. Le parlement vota une loi accordant d'importantes subventions aux établissements libres. Mais l'opposition libérale et socialiste s'éleva bruyamment contre ce soutien financier de l'Etat à l'enseignement catholique.

Le 11 avril 1952, retour au pouvoir des socialistes. Léo Collard devient ministre de l'Instruction publique. Aussitôt les subventions sont réduites; des désignations de professeurs dans l'enseignement de l'Etat, faites sous le gouvernement précédent, furent cassées.

La hache de guerre est déterrée. Le 1er février 1955, nouveau vote : les subsides seront accordés en fonction de besoins économiques et sociaux réels. Les diplômés des écoles normales libres ne pourront enseigner qu'après avoir réussi un éxamen devant un jury composé pour moitié d'enseignants de l'Etat. L'ensemble des structures chrétiennes riposta allant jusqu'à retirer leurs avoirs à l'Office des Chèques postaux, pour mettre en difficulté les finances de l'Etat. Le 26 mars 1955 une gigantesque manifestation a lieu à Bruxelles aux cris de "Weg met Collard" et "A bas Collard".

A l'issue des élections de 1958, enfin, le Roi Baudouin confie le gouvernement au social-chrétien Gaston Eyskens, homme remarquable par son sens du bien public et son patriotisme non cocardier. Son ministre de l'Instruction publique, Maurice Van Hemelrijck, réussit à faire signer le 5 novembre 1958 un pacte scolaire par les trois partis nationaux.

Ce pacte assure la liberté du chef de famille par la gratuité des études dans les deux réseaux de l'enseignement. L'Etat assure le paiement des traitement de tous les professeurs ayant les titres requis. Il garantit une expansion de l'enseignement officiel.

Le vieux clivage confessionnel qui empoisonnait la vie politique depuis 1840 fut ainsi atténué sans être pour autant effacé. L'histoire nous le redira.

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