Orhan Pamuk trad. Munevver Andac, La vie nouvelle , Paris, Gallimard, 1999 (Istanbul, 1994), Folio n° 3428, 444 pages

Résumé

A vingt-deux ans, Osman termine des études d’ingénieur à Istanbul lorsqu’un livre, qu’il aperçoit entre les mains d'une étudiante en architecture, attire son attention. Il l’achète le jour même, ignorant à cet instant que sa lecture va chambouler son existence, comme celle de Djanan d’ailleurs dont il tombe éperdument amoureux. Mais son amour n’est pas payé en retour, car elle aime Mehmet qui à son tour est envoûté par le mystérieux ouvrage.
Lorsque les deux amants disparaissent sans prévenir, Osman abandonne tout, ses études et sa famille, et se met à leur recherche. Commence alors un long voyage aux quatre coins du pays à bord de cars déglingués à la poursuite de ce couple d’amis. Le livre, qu’il a emporté avec lui, contient en fin de compte les seuls indices susceptibles de le mettre sur leur piste. Rapidement, la solitude le plonge dans un profond découragement. A mesure qu’il est gagné par la déprime, sa quête devient de plus en plus erratique. Il est chaque jour davantage obsédé par la lecture du livre qui a sur lui d’étranges effets dont le plus prégnant est celui de le couper des réalités du monde. Il doute – et le lecteur avec lui - des choses qu’il voit, de sa propre identité ainsi que des personnes qu’il rencontre. Ainsi l’énigmatique docteur Lefin existe-t-il vraiment, lui qui engage des tueurs à gages aux noms de fabricants de montres (Serkissof, Zénith, Oméga ou Seiko) pour venger la mort de son fils ? Il est persuadé que le livre est la cause de sa disparition et il décide d’en éliminer le dangereux auteur…

Commentaire

« Un jour, j’ai lu un livre, et toute ma vie en a été changée. » D’emblée, Orhan Pamuk met en scène le véritable héros du roman, un livre dont la puissance de séduction et l’emprise sur ses lecteurs sont totales. La thématique de la force de la lecture, de son action subversive, du pouvoir des mots est un leitmotiv ressassé de la littérature. En soi rien d’original, mais ici l’imaginaire prend le pas sur le réel et la mystérieuse alchimie des mots emporte irrésistiblement les personnages. Impossible pour eux d’y échapper, comme de se soustraire à la puissance des rêves.
Le trouble et le dérangement qui s’emparent de leur existence les renvoient sans cesse à « la géométrie incalculable qui est la vie ». Le lecteur ne manque pas de s’interroger sur la toute-puissance onirique qui happe les personnages et il est lui-même conduit à méditer sur les frontières parfois ténues qui séparent rêve et réalité, sur l’action du passé sur le présent, sur l’amour et sur tant d’autres questions existentielles. Orhan Pamuk nous soumet des vies à questionner pour questionner les nôtres sans jamais y apporter la moindre solution, fût-elle hypothétique. Sans doute comprend-on mieux ainsi la célèbre assertion de Claude Lévi-Strauss qui conseillait à l’homme (et au savant en particulier), plutôt que de fournir de vraies réponses, de se poser les vraies questions.

Wendy Dropsy, Emeline Schmitt, Léonie Guerlot, Gaëlle Allard, Françoise Boland

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