Orhan Pamuk (Prix Nobel de Littérature 2006)

En septembre 2005, le tribunal de Sisli (Istanbul) annonce l’inculpation de l’écrivain Orhan Pamuk, accusé de "dénigrement public de l’identité turque". Il lui reproche des propos tenus dans un journal radio suisse dans lequel il avait déclaré qu’ "un million d’Arméniens et 30000 kurdes ont été tués au cours du XXe siècle en Turquie". Depuis plusieurs années maintenant, mais singulièrement depuis la publication de son dernier roman (Neige - İletşim Yayincilik, 2002 - Gallimard, 2005), Orhan Pamuk est la cible de critiques virulentes, voire d’intimidation et de menaces de la part des milieux nationalistes comme de groupements islamistes.

Jusque-là discrètes dans son œuvre romanesque, les problématiques sociale et politique sont au centre de ce dernier livre. Dans la petite ville de Kars, isolée aux confins du pays, à la frontière de l’Arménie, les personnages créés par l'écrivain stambouliote sont à l’image de la Turquie, complexes et inquiets pour l’avenir. Tous sont tiraillés entre le respect des traditions et l’aspiration à la "modernité", fascinés par l’Occident et profondément attachés à l’Orient, confrontés à l’intégrisme religieux et aux intransigeances de l’Etat laïc, dépités par la pauvreté, consternés par violence, affligés par le manque de liberté. La description et la peinture de Kars, microcosme de la Turquie contemporaine, est remarquable de nuances et d’humanité. Elle est toutefois sans concession, elle n’épargne personne, renvoie chacun à ses contradictions et condamne implicitement le refus de dialogue de la plupart. Si le roman met le doigt sur les difficultés du pays d’associer les différentes cultures, les différentes langues, les différentes religions comme de juguler les extrémismes politiques ou religieux (ce qui n’est malheureusement pas une spécificité de la Turquie), le plaidoyer est loin d’être à charge, d’autant que l’écrivain se garde bien de prendre parti pour l’un ou pour l’autre « camp ». En soi, cela est suffisant pour s’attirer la haine des fanatiques en tous genres. On imagine dès lors ce qu’il en cuit à Orhan Pamuk d’avoir affirmé publiquement que l’Etat turc doit reconnaître le génocide arménien et qu’il faut accorder les droits fondamentaux aux minorités, aux Kurdes notamment. Il passe maintenant pour traître à la patrie et a été poursuivi par la justice pour outrage envers la Constitution. L'écrivain a bénéficié d’une mobilisation exemplaire en France et en Europe. Ajourné dans un premier temps, son procès a été annulé, avec le risque d’occulter le sort de nombreux journalistes et écrivains « anonymes » qui attendent toujours, pour les mêmes raisons, le verdict des tribunaux.

Orhan Pamuk, Pamuk, Orhan, Izel, Athénée, La maison du silence, silence, La vie nouvelle, maison, vie, Le château blanc, Neige, Rouge, Mon nom est rouge

 

Athénée royal d'IZEL | e-fr@nçais | Un auteur, une oeuvre | David Lodge | Jonathan Coe | Ahmadou Kourouma | Eduardo Mendoza | Ecrivez-nous |© Benoît Robin & 6G - 2006