La maison du sommeil
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Ashdown (Angleterre), 1983. Cinq amis fréquentent la même résidence universitaire. Dans ce logement communautaire, Sarah Tudor entretient une relation avec Gregory Dudden qui s'intéresse particulièrement aux troubles du sommeil dont souffre sa compagne. Leur idylle tourne cependant rapidement court : Gregory se plonge à corps perdu dans ses études sur le sommeil et Sarah multiplie les déboires sentimentaux. Elle délaisse son plus proche ami, Robert, entreprend une liaison homosexuelle avec Veronica qu'elle quitte pour Terry, le meilleur ami de Robert. Les études se terminent et les "amis" se perdent de vue.

Juin 96. La résidence est devenue un hôpital privé dont le directeur omnipotent n'est autre que Gregory Dudden qui a poursuivi, avec une passion obsessionnelle, ses recherches sur le sommeil. Le hasard et quelques complots machiavéliques vont à nouveau réunir là les cinq comparses, réveillant de vieux fantômes du passé et soulevant des secrets surprenants.

Résumé
Commentaire
D'emblée, l'auteur nous prévient de l'organisation particulière du livre. Les parties coïncident avec différents stades du sommeil (Etat de veille, Sommeil paradoxal,…) et les chapitres font alterner deux périodes de la vie des personnages, parfois subtilement reliés par une seule phrase ou un contexte sémantique correspondant. Ce choix pour une structure originale, déjà présent dans Testament à l'anglaise, peut déstabiliser dans un premier temps mais ajoute ensuite un intérêt supplémentaire à la lecture.
Même si c'est de manière furtive, aux détours des conversations des protagonistes, on retrouve également ici, comme dans le précédent roman, le même dégoût pour la politique  de Madame Thatcher dont l'inquiétant médecin schizophrène se fait l'ardent défenseur, regrettant avec nostalgie ces années où tout était permis pour des maniaques mégalomanes dans son genre. Le portrait sans concession de Gregory Dudden est paradigmatique d'un certain cynisme scientifique et du scientisme borné. Sous le couvert d'un rationalisme dévoyé et d'arguments pseudo-humanistes, ce spécialiste du sommeil cherche en réalité à assouvir sa soif de gloire et de pouvoir. C'est l'occasion pour Jonathan Coe de dénoncer les rapports malsains entre recherche scientifique et argent, de décrire les conséquences dramatiques de la libéralisation de la sécurité sociale et d'un système médical à l'américaine qui s'intéresse presque exclusivement aux patients les plus fortunés. La haine tenace du médecin pour le sommeil ainsi que son admiration et sa fascination pour Napoléon ou Madame Thatcher - qui se sont toujours vantés de dormir très peu - correspondent à une attitude politique ou idéologique. Le sommeil est un ennemi pour le pouvoir, pour celui qui veut conserver une emprise sur la réalité. Il faut donc vaincre cette maladie. Le dictateur est en danger lorsqu'il dort parce qu'il laisse la maîtrise du réel aux autres.
A cette veine satirique s'ajoutent les inéluctables romances et le suspense, agrémentés par la densité des analyses psychologiques, les réflexions subtiles sur le langage et un humour bien dosé qui font de ce roman autre chose qu'un "poche" de plus à lire sur la plage.
 
Richard Constant, Sarah Roussel, Virginie Toche, Elsa Collard, Quentin Goffinet, Jérémy Lejeune (6G)
Jonathan COE trad. Pavans J., La maison du sommeil, Paris, Editions Gallimard, 1998 (sl, 1997), Folio 3384, 464 pages