Bienvenue au club
Formulez votre avis en ligne sur
En principe, le King William's College accueille les enfants de la bourgeoisie de Birmingham et des environs. Rien d'étonnant donc à ce que Bill Anderton essuie les reproches de ses collègues pour y avoir inscrit son fils, Douglas, qui a l'ambition d'y préparer une carrière de journaliste. A l'école, Doug, comme tout le monde l'appelle, a finalement peu de difficultés à se faire une place parmi ces "gosses de riches" au contraire de Steve Richards à qui on reproche, sans toujours le dire ouvertement, ses origines modestes et son ascendance jamaïcaine. Quant à Benjamin Trotter, dont le père est un cadre de la British Leyland, il partage avec Doug, en ce début des années septante, une passion pour la musique progressive (Genesis, Pink Floyd ou Yes) et pour les films des Monthy Python ainsi que... les premiers émois de l'adolescence. D'une timidité maladive, Benjamin n'arrive pas à établir de relations sérieuses avec les filles. Il s'enferme dans un mutisme de plus en plus inquiétant et se plonge dans la composition d'une symphonie rock jusqu'en 1976. Il fonde alors avec quelques copains le Gandalf's Pikestaff, un groupe qui doit jouer ses oeuvres. L'échec est retentissant. Le groupe est dissout après le premier concert. La mode n'est plus à la musique planante. Les punks sont arrivés, le monde a changé.
Résumé
Commentaire

En attendant madame Thatcher… Tel aurait pu s'intituler le dernier roman de Jonathan Coe. En peignant l'Angleterre des années septante, l'écrivain montre un monde en pleine mutation qui prépare sans le savoir le règne du thatchérisme et du néolibéralisme triomphant de la décennie suivante. La perte d'influence des syndicats, qui ne peuvent rien contre les "restructurations" et les autres "lois" du marché, la montée du nationalisme anglais, qui engage de plus en plus une lutte frontale contre les revendications irlandaises, sont autant de signes clairs que la société est en train de changer. La fin des utopies sociales et de l'espoir d'un monde meilleur s'exprime aussi dans les goûts musicaux de la jeunesse qui abandonne la musique planante, avec ses symphonies rock censées proposer une interprétation globale de la société, pour la violence et le simplisme de la musique punk. La famille Trotter semble ainsi archétypale de la petite bourgeoisie anglaise. Elle compte dans ses rangs l'idéaliste refoulé, Benjamin (auquel l'auteur a sans doute prêté nombre de ses traits), dont la timidité est un frein à l'expression réelle de ses sentiments et de ses idées généreuses. Paul, quant à lui, est le petit frère insupportable, qui petit à petit impose avec force et souvent avec violence son goût pour les classes dominantes ou son mépris pour les difficultés des plus faibles. En multipliant les voix et les points de vue narratifs, Jonathan Coe propose ainsi ses souvenirs de jeunesse romancés d'un monde disparu, d'une époque révolue, sans mélancolie excessive, mais avec le regret non dissimulé de n'avoir pu éviter le carnage néolibéral qui s'annonce. On attend la suite, Le cercle fermé, dont le titre lui-même laisse peu de place au suspense…

 
Aurélie Thérer (6G)
Jonathan COE trad. J. et S. Chauvin, Bienvenue au club, Paris, Editions Gallimard, 2003 (sl, 2001), 523 pages