Premier prix du concours Bayard Presse
Arnaud FARINELLE
dans le cadre du concours d'écriture organisé par le magazine français Je Bouquine
Sujet : Imaginez la suite de la nouvelle d'Anna Gavalda

2ème Générale - AR Izel - 2003

Professeur de Français : Sabine Vergaelen

 

Arnaud Farinelle

Arnaud Farinelle, élève de 2ème Cc, a remporté le premier prix du Concours "Je Bouquine". Il s'agissait d'imaginer la suite d'une nouvelle d'Anna Gavalda intitulée " Un secret trop secret ". Il est le seul élève de Belgique à avoir remporté la note A et la représentante des Editions Bayard Presse s'est déplacée spécialement pour lui remettre son prix (des livres pour lui et pour les cinq autres participants au concours). Elle a été très impressionnée par l'imagination et le degré de maturité de l'écriture d'Arnaud.
Le début de la nouvelle d'Anna Gavalda : Un secret trop secret

J'ai perdu la notion du temps.
Je ne sais plus depuis combien de temps nous sommes là. Une heure ? Deux ? Trois, peut-être ? J'ai bien une montre, mais je n'arrive pas à distinguer les aiguilles.
Au début, l'obscurité était totale et puis, peu à peu, nos yeux se sont habitués. Maintenant, je peux apercevoir la silhouette de Thomas et le visage de Camille. Non. En réalité, je ne vois pas le visage de ma petite sœur:je le devine.
Elle est très courageuse. Je n'aurais jamais imaginé ça d'elle. Elle tient bien le coup. Elle ne se plaint pas. Elle n'a pas l'air d'avoir peur et suce son pouce comme si de rien n'était. Peut-être qu'elle ne réalise pas dans quelle situation nous sommes ? Peut-être... Tant mieux pour elle.
Thomas non plus ne semble pas trop abattu. Il est assis par terre près de l'escalier. Ses jambes sont relevées et il a posé son menton sur ses genoux. Je me demande bien à quoi il pense. Est?ce qu'il rumine ?Est-ce qu'il est calme ? Est?ce qu'il est en train d'échafauder un plan pour nous sortir de là ? J'ai confiance en lui. Il nous a déjà aidés si souvent...

Je m'appelle Vincent. J'ai douze ans. Bientôt treize. Je ne peux pas vous en dire plus maintenant parce que ce n'est pas vraiment le moment de discuter et de faire les présentations comme si nous étions dans un salon de thé. IL faut que je me concentre sur Les bruits du dehors. IL faut que je comprenne. Il faut que j'essaye d'y voir un peu plus clair. C'est très important. Nous n'avons plus le droit à L'erreur.
J'entends bien des pas et des éclats de voix, mais je n'arrive pas à déterminer Les distances. Je retiens ma respiration et mordille l'ongle de mon pouce. Je suis comme un chasseur, comme un éclaireur, comme un Indien solitaire. Je dois me servir de ma tête et faire preuve d'une immense patience. C'est le seul moyen d'arriver à nos fins et de ne pas nous faire prendre.
Je n'ose imaginer ce qu'il adviendrait de nous si l'on nous trouvait maintenant... D'ailleurs, je me l'interdis. Je dois rester concentré. Concentré et confiant.
Camille se rapproche de moi. Elle me dit qu'elle a faim. Je mets un doigt devant sa bouche pour lui faire signe de se taire. Mes gros yeux lui font peur. Je vois son visage se froisser et se tordre comme si elle allait pleurer.
Je parle Le plus bas possible et tends mes bras vers elle.
- Viens sur mes genoux.
Elle vient sur moi et se cale entre mes bras.
- Vincent, j'ai faim, répète-t-elle.
Je jette un oeil dans ma besace, il nous reste encore des fruits secs, deux boîtes de biscuits et une gourde bien remplie. J'hésite. Je ne veux pas attaquer nos provisions trop vite, mais je voudrais bien qu'elle dorme. Normalement, c'est l'heure de La sieste pour elle, et je sais qu'elle s'endormira
plus facilement si elle a quelque chose dans le ventre.
Est?ce qu'une histoire peut remplacer un gâteau ? Je ne sais pas. Je vais essayer.
- Tu connais l'histoire de la petite fille qui a mangé son lapin ? Elle bouge La tête de droite à gauche et remonte son petit lapin en peluche sous son menton.
- Eh bien, voilà... C'est une petite fille qui est toujours en train de sucer les oreilles de son lapin. Toujours, toujours. Même dans la rue, même en dormant, même en allant jouer au parc. Il faut toujours qu'elle suçote et mordille les oreilles de son lapin. Alors, les gens s'étonnent, ils lui disent : "Mais voyons, petite fille, pourquoi tu mets toujours une oreille de lapin dans ta bouche" Ce n'est pas propre ! C'est dégoûtant ! Il traîne partout ce lapin. IL ramasse tous les microbes du monde e toi, tu les portes à ta bouche. C'est dangereux, petite fille. Ne fais plus jamais ça !" Mais, elle, tu vois, elle s'en fiche de ce que disent les gens parce qu'elle a un secret. Un secret très secret que personne ne connaît. Personne ! Même pas sa maman, même pas son papa et même pas son grand frère...
- Ch'est quoi chon checret ? demande Camille en mâchouillant l'oreille de son lapin.
- Je te le raconterai quand tu auras fait un petit dodo. Allez, mets?toi bien sur moi et prends ton pouce. IL faut dormir un peu maintenant.
Elle s'est endort tout de suite. Je m'en doutais. Elle était morte de fatigue.

- C'est quoi son secret ? demande Thomas.
- Qu'est-ce qu'on va devenir ? je lui réponds.
Il s'étire et change de position.
- Je ne sais pas.
- Tu n'es pas inquiet ?
- Je ne sais pas.
Je n'insiste pas. Je m'adosse contre une poutre, j'étale mon blouson sur les jambes de Camille et je ferme les yeux.

À suivre ...

La suite d'Arnaud Farinelle
Il va falloir trouver une solution. Nous ne pouvons pas rester ainsi. La journée terminée, ce n'est pas pour cela que nos parents rentreront. Il faut vous dire qu'ils sont explorateurs et actuellement, ils recherchent le temple des Okdors en plein cœur de la jungle. Aucun secours à attendre de ce côté.

Nous devions passer la journée dans la forêt voisine, nos grands-parents ne s'inquiéteront pas de si tôt. Nous sommes tous les trois assez intrépides et il n'est pas rare que nous ne rentrions qu'à la nuit tombée. Quand on engendre des casse-cou comme nos parents, on ne s'étonne pas que leurs enfants soient également aventuriers. De plus, ils nous chercheront là-bas et pas sous la cage d'escalier de notre maison !!!

Quelle bêtise d'être passés chez nous pour récupérer ce lapin. Mais Camille ne voulait pas partir sans lui et je n'ai jamais pu lui résister quand elle me regarde en penchant la tête et en disant : " siouplait Vencent". Elle n'a jamais su dire "in" et maintenant, toute la famille m'appelle Vencent. Cependant, dans la maison, nous avons surpris deux cambrioleurs qui tentaient de dérober le masque vaudou ramené par les parents lors de leur dernière expédition. Le masque ne leur suffisait pas, alors ils ont décidé de nous séquestrer pour demander une rançon. Comme si des explorateurs avaient de l'argent !

Soudain, Thomas s'agite dans son coin. Mon frère aîné est très calme et pondéré. Il ne parle pas inutilement et tout le monde l'écoute toujours. Le voilà qui se met à dire, tout bas :
- Le lapin, le lapin de Camille, te rappelles?tu à quelle occasion elle l'a reçu ?
- Ben oui, les parents le lui ont ramené en même temps que le fameux masque vaudou.
- Et, te rappelles?tu ce qu'ils ont dit en lui offrant ?
Là, je cale. Qu'ont-ils bien pu dire ? Je ne me rappelle plus. De toute façon, cela n'a plus d'importance. La faim et la peur feraient-elles divaguer mon super frère ? Mais, déjà, il répond :
- Ils ont dit que c'était un lapin de magie blanche. Si on peut atteindre son cœur, il nous sauvera de toutes les situations.

Mais, cela veut dire quoi : "atteindre son cœur" ? Doucement, je prends la peluche des bras de notre petite sœur. J'ai beau la retourner dans tous les sens, lui frapper la poitrine, son secret est bien gardé. Je commence à m'énerver, mon frère aussi et nous voilà en train d'ausculter ce maudit lapin de haut en bas, de droite à gauche…

Avec tout ce chahut, Camille se réveille. Elle ouvre de grands yeux apeurés et tend les bras vers sa peluche adorée. Nous la lui rendons donc avant qu'elle ne se mette à pleurer. Alors, tout doucement, elle chuchote à l'oreille de son animal : "Lapinou, j'ai peur, sors-nous d'ici, je veux papy, mamy, papoune et manoune."

Et alors, vous ne me croirez pas mais, soudain, les yeux de Lapinou sont devenus brillants. Tellement brillants que l'on pouvait voir dans le cagibi comme si la lampe était allumée ! Ses lèvres se mettent à remuer et une douce voix en sort.

Nous étions plus terrorisés que lors de notre enlèvement. Mais Lapinou nous dit :
- N'ayez pas peur. Que vous arrive-t-il ? Je peux vous aider.
Alors, Camille le prend dans ses bras et lui chuchote à l'oreille notre pénible aventure. Elle ne semble pas avoir peur de cette situation bizarre et lui raconte tout sans hésiter.

Lapinou connaît le masque vaudou et ses pouvoirs. Ils sont de la même région et si le masque réalise de la magie noire (la mauvaise), lui, il pratique la magie blanche (la bonne). Il ferme ses yeux et se concentre. Alors, la porte du cagibi s'ouvre et nous entendons un bruit si terrifiant que nous n'osons même plus bouger : des incantations, des cris de peur et une chute.

Après de longues minutes, Thomas et moi sortons de notre prison. Tout étonnés, nous trouvons nos ravisseurs paralysés, couchés par terre, les yeux écarquillés de terreur et le masque vaudou rendu tout brillant à leurs pieds.

Nous pouvons téléphoner à nos grands-parents qui viennent aussitôt nous chercher et remettre ces bandits à la police. Nous devons nous expliquer. Cependant, quand nous parlons de l'action déterminant de Lapinou, personne ne nous croit. Il faut dire que cette peluche a repris son attitude de peluche. Pas de parole, pas d'yeux brillants. Son secret reste trop secret !