Les Très Riches Heures

du duc de Berry

 

Exécuté de 1410 [1413 ?] à 1489, pour le duc Jean de Berry, le calendrier des Très Riches Heures reflète un monde rural où la richesse repose sur la terre, une société dominée par les propriétaires fonciers qui détiennent le pouvoir économique et politique. La puissance d’un seigneur s’y mesure au nombre de ses vassaux, à l’étendue de ses terres, à la taille et au nombre de ses châteaux.
Le calendrier célèbre la puissance du grand seigneur qu’est le duc Jean de Berry en mettant en scène ses châteaux, ses vassaux, ses terres et les différentes catégories de paysans qui travaillent à accroître ses revenus. En 1416 à sa mort : comté de Poitiers, duché de Berry et d’Auvergne, comté d’Étampes et de Boulogne : un vaste ensemble territorial de plus de        450 000 km2, un huitième du royaume acquis peu à peu au fil du temps.

C’est aussi une œuvre à la gloire de la paix qui propose une image du bon gouvernement et reflète une idée neuve de la monarchie, celle d’une royauté nationale et territoriale dans un royaume indivisible. Les Très Riches Heures sont exécutées pendant la guerre de Cent ans contre les anglais, en pleine guerre civile entre les français (Armagnacs menés par Jean de Berry et Bourguignons menés par son neveu Jean sans peur).

Le paysage mis en scène est un paysage enchanté, domestiqué par les hommes, fait de labours, de prairies, de jardins et de vergers, de forêts, harmonieusement entrecoupés d’eaux vives et d’eaux dormantes, de villages et de châteaux. Nulle trace des années de peste, de famine, de guerre et d’anarchie. Nous sommes sur des terres où règnent la sécurité, où l’ordre public a été restauré par Jean de Berry et le roi de France. Les châteaux, tout en lignes verticales, en tourelles, en hautes tours coiffées de toits coniques où flottent des bannières colorées sont comme des châteaux de conte de fées. L’œuvre des frères de Limbourg célèbre ce que Jean de Berry, inlassable bâtisseur, a voulu inscrire dans le paysage en faisant transformer ou construire tous ces châteaux, rendre visible la présence protectrice et réjouissante du prince, du roi et de leur justice.

L'ouvrage contient 206 feuillets, dont plus de la moitié sont des illustrations pleine page, d'un format de 21 cm de largeur sur 29 cm de hauteur ; il s'agit d'un vélin très fin.

La palette de couleurs utilisée par les auteurs est très riche : les frères de Limbourg ont employé des matières minérales ou chimiques, mais aussi des plantes, ainsi que de la gomme arabique qui servait de liant. Le vert était obtenu à partir de malachite broyée; quant au bleu azur, il provenait de lapis lazuli. Ces matières étaient importées du Proche-Orient, broyées et pilées, ce qui donne une idée du prix de l'œuvre à l'époque.

Le calendrier déroule les plaisirs que les saisons offriront aux princes, si la paix se concrétise. Il parle d’une époque où les villageois pourront vaquer sereinement à leurs travaux et prendre le temps de se détendre au coin du feu ou au bord de l’eau, sous la protection des puissants châteaux des princes.
Mais cette foi en un idéal de paix auquel Jean de Berry oeuvra jusqu’ à la fin de sa vie et que les artistes glorifient dans les
Très Riches Heures, va s’enliser dans la boue d’Azincourt, le 25 octobre 1415.

 

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