LES ROIS MAGES

Les Très Riches Heures du duc de Berry

 

Deux, trois ou douze rois mages ?
Les Évangiles n’indiquent pas le nombre de rois mages. Les traditions divergent, évoquant tous les chiffres entre deux et douze. Finalement, c’est le chiffre trois que l’on a retenu (
Saint Léon au Ve siècle). Vraisemblablement  pour deux raisons : d’une part parce que l’Évangile de saint Matthieu évoquait trois présents offerts à l’Enfant Dieu et qu'il renvoi à la Trinité.

Plus tard (XIIème siècle) parce que les reliques des mages, conservées d’abord à Saint-Eustorge de Milan puis à Cologne, étaient celles de trois corps. Dans toute la suite du Moyen Age on les a  appelés les "trois rois de Cologne"où ils sont depuis proposés à la vénération des fidèles dans une châsse en or dite châsse des rois mages (attribuée à Nicolas de Verdun) exposée dans le choeur de la cathédrale.

Pour les Églises de Syrie et d’Arménie il y aurait eu douze mages, nombre tout aussi symbolique qui fut notamment celui des tribus d’Israël et des apôtres de Jésus.

Le fait de conférer à ces mages les titres de rois remonte au IIIe siècle avec un écrit du commentateur chrétien Tertullien, probablement soucieux d’insister sur le rapprochement avec faut cependant attendre le VIIIe siècle pour que le moine chroniqueur anglo-saxon Bodo, dit Bède le Vénérable, reprenant en cela une tradition que l'on faisait remonter à l'apôtre Thomas, confère pour la première fois aux mages désormais promus rois les noms de Gaspard, Melchior et Balthasar. Un évangile apocryphe, arménien, révèle les noms des Mages "Melkior, Baltazar et Gaspard" mais ces noms, oubliés puis retrouvés, ne s'imposeront qu'à partir du XIIe siècle.


Des présents à valeur hautement symbolique
À la fin du XIIIe siècle, Jacques de Voragine, futur évêque de Gênes, rassemble toutes les traditions éparses et notamment celles qui concernent les Rois mages dans un livre qu’il intitule "La Légende dorée".
 Il y aborde aussi longuement les trois présents offerts (l’or, l’encens qui servait depuis les temps les plus anciens dans les temples et les églises, et la myrrhe, une gomme aromatique utilisée entre autres pour embaumer les morts) et il donne leur sens symbolique :

"Le premier des Mages s’appelait Melchior, c’était un vieillard à cheveux blancs, à la longue barbe. Il offrit l’or au Seigneur comme à son roi, l’or signifiant la Royauté du Christ.
Le second, nommé Gaspard, jeune, sans barbe, rouge de couleur, offrit à Jésus, dans l’encens, l’hommage à sa Divinité.
Le troisième, au visage noir, portant toute sa barbe, s’appelait Balthazar ; la myrrhe qui était entre ses mains rappelait que le Fils devait mourir".

Des portraits fluctuants
Les tableaux, mosaïques ou dessins les plus anciens représentent les Rois mages en costume persan, avec des pantalons serrés à la cheville et des bonnets phrygiens (ci-contre Sant'Apollinare Nuovo à Ravenne); ils offrent leurs présents selon le rite de la Perse, en tenant les offrandes dans des mains recouvertes par leurs manteaux. Ce n’est qu’à partir du IXe siècle qu’on prend l’habitude de les désigner comme des rois, avec des couronnes sur la tête.

À partir du XIIe siècle, nouvelle évolution qui montre à travers eux les trois âges de la vie : Gaspard est un adolescent jeune et imberbe, Balthazar un homme mûr portant la barbe et Melchior un vieillard chauve à barbe blanche. Enfin, à partir du XVe siècle, les Rois mages évoquent l’humanité tout entière : un asiatique, un blanc, un noir.

Ces trois personnages seront sensés symboliser les trois races humaines alors connues, issues selon la Genèse des trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet (Chem, "le nom", 'Ham, "le chaud", Yaphet, "le beau").Balthazar serait de Chaldée, Melchior d'Arabie et Gaspard d'Éthiopie.  Ils apparaîtront ensuite représentés avec des traits respectivement européens, asiatiques et africains, et ce dès la fin du Moyen Age : ainsi, un roi maure est-il notamment figuré près du portail nord (portail St. Laurent) de la cathédrale de Strasbourg (à gauche), ainsi que sur le portail ouest de la collégiale Saint-Thiébaut de Thann orné de 150 scènes riches d'environ 500 personnages. Avec ses 3 tympans datant de la 2ème moitié du 14ème siècle, ce chef d'oeuvre de l'art gothique flamboyant est composé d'une multitude de scènes. Le tympan principal relate  la vie de la Vierge, le petit tympan de droite, la nativité et les rois mages, celui de gauche, la crucifixion. La tradition perdure jusqu’aux figurines des crèches contemporaines.

 

 

 

Les artistes n’ont pas ajouté de quatrième Mage pour les Indiens après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Il n’y avait que dans la cathédrale de Viseu au Portugal qu’on voyait un chef indien du Brésil apporter ses présents au nouveau-né de Bethléem (ce tableau est actuellement au musée de Grão Vasco( voir ci-dessous).

Adoração dos Magos

Vasco Fernandes

1501-6

óleo sobre madeira
130,2 x 79 cm

 

 Museu de Grão Vasco
Viseu, Portugal


En peignant un Indien censé représenter Balthasar venant se prosterner, avec les autres Rois Mages, devant l’Enfant Jésus nouveau-né, Vasco Fernandes, actif à Viseu entre 1500 et 1540, choisissait peut-être de célébrer ainsi l’arrivée des Portugais au Brésil quelques années auparavant.

 

La galette des Rois

Afficher l'image en taille réelleLa fameuse galette des Rois, mangée le 6 janvier, date choisie comme jour anniversaire du passage des Mages dans la crèche,  paraît être née vers la Renaissance au sein des milieux corporatifs rhénans, à une époque où les guildes urbaines assuraient un encadrement à la fois économique, social, religieux et même récréatif de la vie des compagnons de métiers. Les corporations ne manquaient pas de célébrer par des banquets les principales fêtes religieuses. Dans les locaux de réunion ou le vin et la bière ne manquaient pas, leurs membres pouvaient, loin de leurs foyers, se livrer à divers rituels de confraternité virile, par exemple élire bruyamment un roi de la fête ; et cet usage s’est tout naturellement cristallisé sur la fête si bien nommée des rois.

On nomme roi d’un jour celui qui trouve la fève dans sa part. Le partage de la galette se faisait en autant de parts que d'invités plus une, la part à Dieu, ou la part de l'absent. Une fois la galette coupée, le plus jeune enfant de la maison se cache sous la table. C'est à lui de décider de l'attribution des parts. Celui qui trouve la fève est désigné roi ou reine, et choisit son roi ou sa reine. Une coutume voulait qu'on le désigne en jetant la fève dans le verre de celui ou celle qui avait été choisi. Personne ne doit boire avant le roi, et tous alors de s'écrier : Le roi boit, le roi boit. Gare à celui qui oubliait de pousser le cri traditionnel, il était condamné à avoir le visage et les mains barbouillés de suie...

Autrefois, il s’agissait de fèves véritables, ou bien de haricots blancs ou de pois chiches. Les premières fèves en porcelaine ne sont apparues que vers 1875 et ont longtemps gardé des formes symboliques évoquant la chance (trèfle, fer à cheval), la richesse (voiture), l’amour (roi ou dame de cœur), le pouvoir (reine, couronne ou château) ou la vertu (Enfant Jésus). Enfin, à travers sa forme ronde comme le Soleil, la galette des Rois évoque tout à la fois l’univers et la divinité.

La fête des Rois, plus importante que Noël ?
Dans les temps les plus anciens, notamment chez les Chrétiens d’Orient, l’Épiphanie était une date plus importante que celle de Noël. Non pas parce que les Rois mages étaient jugés plus importants, mais parce que l’anniversaire de la présentation de l’Enfant Dieu au monde des hommes semblait plus essentielle que celui de sa naissance physique. Aujourd’hui, le 25 décembre s’est imposé, mais l’Épiphanie clôt toujours dans la fête le cycle de Noël.

L'Épiphanie a lieu douze jours après Noël. Ces douze jours représentent aussi le décalage entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire. Une année fait douze mois lunaires (à l'origine le mois représentait la période entre deux nouvelles lunes, soit 29,5 jours). Cela fait un total de 354 jours. Il faut ajouter presque douze jours (comme les douze mois de l'année) pour atteindre l'année solaire. Six jours après Noël et six jours avant l'Épiphanie, se déroule le passage à la nouvelle année. Autrefois on fêtait, le jour de l'An, la circoncision de Jésus. Comme tout enfant juif, elle se déroulait 7 jours après la naissance.