Les colombiers

Les Très Riches Heures du duc de Berry

 

COLOMBE ET PIGEON

L'élevage du pigeon remonterait au néolithique.

On trouve des représentations de pigeons sur les bas-reliefs en Mésopotamie dès 4 500 av. J.C., également sur des bas-reliefs assyriens , minoens et mycéniens.

Les grecs et les égyptiens élevaient des pigeons en volière.

A Rome, le pigeon était très apprécié dans les banquets. Oiseau mythique, de son premier nom connu COULON ou COULOMBS, associé aux croyances religieuses. La colombe, symbole de l'amour et de la paix est à l'origine élevée dans les abords des temples. Elle servait aux sacrifices. Plus près de nous, le christianisme a repris dans son iconographie la colombe pour symboliser les dons de l'esprit saint. Dans la représentation de la Sainte Trinité, elle symbolise le Saint Esprit.

Au début du XIII's., PIGEON s'écrivait PIJON. C'était le jeune oiseau qui seul était mangé – les adultes ayant une chair très ferme - . Le mot PIPIARE qui signifie piailler en latin, a fourni PIPIO jeune pigeon, ensuite PIGEONNEAU et PIVIO – puis PIJON et, pour finir, PIGEON.

En 1549, le mot PIGEONNIER a été créé. 11 a remplacé celui de COLOMBIER. On peut dire indifféremment l'un ou l'autre, bien que l'on ait souvent tendance à désigner sous le nom de colombier les constructions sur plan circulaire.

ÉLEVAGE

Sous l'ancien régime, seuls les seigneurs et les communautés religieuses avaient le droit d'élever des pigeons. L'élevage du pigeon était d'un bon rapport. La chair du pigeon était d'une part un complément en chair fraîche apprécié en venant s'ajouter à la viande bovine, ovine ou porcine qui était salée, d'autre part la fiente, -COLOMBINE ou POULNEE - était un engrais recherché pour les cultures (lin, chanvre, tabac, asperges). En Normandie, on la mélangeait avec du crottin de cheval.

Ceux qui avaient le privilège de posséder des colombiers mettaient tout en oeuvre pour en obtenir une source de revenus la plus importante possible. Tous les châteaux possédaient un ou plusieurs colombiers. Les manoirs habités par des chevaliers, les petits châteaux sans tours ni donjons pouvaient également posséder des colombiers. Les abbés qui étaient tous des seigneurs féodaux, possédaient les exploitations agricoles les plus performantes. Ils avaient des colombiers dans les cours des abbayes (FONTENAY - 21 -) et dans les fermes et prieurés qui en dépendaient.

L'importance des colombiers était proportionnelle à l'importance des propriétés, donc des seigneurs eux-mêmes. Une tolérance fut accordée aux paysans, à condition que l'élevage soit modeste, placé au-dessus d'une annexe (cave, cellier, poulailler, soue à cochon), accessible par une échelle de l'intérieur ou de l'extérieur, quelques trous apparaissant en façade (mur pignon ou autres). Il prend alors le nom de FUME ou VOLET.

Les particuliers non seigneurs pouvaient posséder 200 à 300 pigeons s'ils détenaient au moins 50 arpents de terre.

Viollet-le-Duc dit d'une manière plus générale « les propriétaires de 34 arpents avaient le droit de joindre à leur habitation, non un colombier construit en maçonnerie, mais un pigeonnier en bois de 16 pieds de hauteur et pouvant contenir seulement de 60 à 120 boulins. On entend par boulin les trous pratiqués dans les colombiers et destinés à la ponte des œufs de pigeons. De là on en est venu à donner le nom de boulin aux trous réservés dans la maçonnerie pour recevoir les pièces de bois horizontales des échafaudages et par suite, à ces pièces de bois elles-mêmes ».

Il est certain que le nombre d'arpents donnant le droit à posséder un colombier était variable d'une région à une autre quand ce n'est pas d'une juridiction à une autre. Tout comme la surface de l'arpent qui était elle-même variable. En Bourgogne, l'arpent (ou grand journal) équivaut à 34,28 ares ; mais dans l'Auxois, le Nivernais, l'Aube, les équivalences sont différentes. L'arpent de Paris vaut 34,19 ares cependant que l'arpent commun (ou de Roi) est de 42,21 ares.

Le décret du 4 août 1789, dans son article 2 stipule : « le droit exclusif des fuies et des colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés, et dans ce temps, ils seront regardés comme gibier et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain » - ce qui est encore admis par notre droit rural.

LES COLOMBIERS - PIGEONNIERS - FUME (FUIE)* VOLET**

Leur implantation est liée aux possibilités de se nourrir pour les pigeons. L'alimentation de cet oiseau étant essentiellement composée de blé . Les pigeonniers sont rares ou absents dans les régions non productrices ou qui avaient une culture très réduite alors qu'actuellement les engrais et des variétés nouvelles ont permis son extension. Ceci explique que des régions aux plateaux granitiques importants telles que la Bretagne, certaines contrées d'Auvergne, les Pyrénées, les massifs montagneux : Jura, Vosges et Alpes, en soient pratiquement dépourvus.

Par contre, on s'étonne d'en voir en Camargue où il y en a de très beaux, alors que cette région nous est connue comme marécageuse. Mais au XVII's. il n'en était pas de même et le rendement du blé était de 16 pour 1, excellent rendement pour l'époque. De même, les basse et haute Normandie possèdent un grand nombre de colombiers car le froment était très répandu, et bien sûr la Beauce et la Brie, terres à blé par excellence.

Les pigeonniers parvenus jusqu'à nous sont rarement datés et pratiquement jamais antérieurs au XIII's, mais nombreux dans les gentilhommières du XV° au XVIII's.

COLOMBIER – TOUR DE FORTIFICATION

Les colombiers pouvaient faire partie des fortifications d'un château : tour d'angle, c'est le cas de RULLY (71) du XV's. avec 1200 boulins, de CORABEUF (21) du XVI's., de GRIGNON (21) du XII's., avec 2250 boulins

COLOMBIER ISOLÉ

Les colombiers étaient construits suivant des règles assez strictes pour répondre aux besoins des pigeons et les inciter à y venir et y rester. Les auteurs anciens recommandaient de les établir à l'écart des maisons sur des lieux élevés, avec ouvertures de préférence à l'est, au soleil levant (les pigeons aiment bien voir se lever le soleil), ou au midi. D'une manière générale, éviter les vents dominants, éviter la proximité des grands arbres qui abritent des rapaces.

Mais ces recommandations sont la plupart du temps contredites par des implantations dans des cours de domaines à proximité de bâtiments. Les portes d'accès doivent être hermétiques. On doit pouvoir également condamner les ouvertures pour empêcher les pigeons de sortir à certains moments (récoltes notamment) ou pour les capturer. Il faut prévoir des dispositifs qui empêchent les prédateurs de grimper sur les façades pour accéder aux ouvertures, d'où la présence de bandeaux de pierre en saillie avec la face intérieure profilée en larmier. Ces bandeaux ou radiaires  servent également de promenoirs aux oiseaux. On note la présence de plans d'envol très en saillie au droit des ouvertures sur les murs. On préfère le plâtre ou le mortier de chaux très lisses à l'intérieur comme à l'extérieur. Souvent on trouve des bandes de carreaux vernissés sur les façades. Tous ces dispositifs on le même but : empêcher les fouines, belettes, rats, de venir s'attaquer aux pigeons.

A l'intérieur, les murs sont entièrement occupés par des BOULINS.. Ce sont des NICHOIRS. Ils peuvent être constitués de différentes façons : alvéoles moulées en plâtre, niches maçonnées, assises de pierres placées en quinconce séparées par des bandeaux de pierres plates et même de paille tressée dans le sud. Leur nombre peut aller jusqu'à 3300 boulins pour les plus grands.

L'aménagement intérieur est complété par des trémies à grains, abreuvoirs et récipients servant de baignoires aux oiseaux. Le sol intérieur est dallé pour recueillir facilement la fiente (colombine). Une échelle tournante est placée au centre du pigeonnier. Elle est composée d'un arbre vertical pivotant sur un coussinet. Sur cet arbre est fixée une potence sur laquelle s'accroche une échelle en bois. CREANCEY (21)

COLOMBIER A PIED.

C'est un colombier qui comporte des boulins du haut en bas du volume, sans pièce basse réservée à un autre usage. Ils n'appartenaient qu'aux seigneurs haut-justiciers ou possédant le droit de censive (redevance payée par les roturiers à leur seigneur). – à noter que les nids étaient placés à pas moins d'un mètre trente du sol pour être au sec et à l'abri des rongeurs. Il comporte une ouverture en bas. La charpente devait être assez robuste pour recevoir la tête de l'arbre supportant l'échelle.

*Une fuie (ou fuye) est un pigeonnier qui a été aménagée dans un espace déjà existant et non prévue à l'origine pour cet usage, grenier, poulailler, entrepôt.... Il arrive que les fuies soient incorporées à l'ensemble des bâtiments de ferme.

**Petits refuges établis en étage ou en toiture quelquefois en pignon de façade ou simplement sous auvent de toiture, le plus souvent équipés de fermetures amovibles.

 

 

Février