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IXe - XIIe siècle

L’art roman

Le style roman caractérise une production artistique élaborée en Occident jusqu'à la fin du XIIe siècle, et avant tout une architecture religieuse dont les formes s'élaborent de façons diverses dans toute l'Europe, au moment où, vers l'an mille, la chrétienté connaît, après les invasions hongroises, normandes et musulmanes du Xe siècle, une ère nouvelle de prospérité.                    

«Roman» désigna d'abord l'architecture de l'Europe entre le IXe et le XIIe siècle. Le terme, propagé par Arcisse de Caumont, président fondateur de la Société française d'archéologie, sera rapidement adopté pour désigner une manière de construire selon des techniques héritées de l'Antiquité romaine et sera bientôt étendu à tout l'art de cette période, y compris la peinture, l'enluminure, la sculpture, l'orfèvrerie; il permettra de distinguer l'art des XIe et XIIe siècles de l'art carolingien, qui l'avait précédé.

Les arts de la couleur et les arts décoratifs

Si les édifices apparaissent aujourd'hui avec des parois nues, à l'époque romane, la couleur envahit les églises. Toute la surface disponible est peinte ou couverte de mosaïque. Celle-ci, constituée de galets, de marbre polychrome ou de carrelage, recouvre également le sol des sanctuaires importants, dont les fenêtres sont ornées de vitraux. Même les sculptures sont peintes de couleurs vives, afin de produire l'impression la plus forte sur les fidèles.

 

La peinture murale

 

Les couleurs employées sont essentiellement l'ocre jaune ou rouge, le vert, le blanc et le noir. Elles sont utilisées pour renforcer les lignes de l'architecture et de la sculpture, et pour couvrir les murs de scènes historiées souvent organisées par registres horizontaux. À l'inverse de l'architecture et de la sculpture, qui rompent avec les traditions antérieures, la peinture murale paraît s'inscrire dans la continuité de la peinture du haut Moyen Âge, tant du point de vue des techniques que de l'iconographie. On privilégie les scènes bibliques et les figures de saints, accompagnées d'inscriptions également peintes. La peinture ornementale couvre tous les espaces que les scènes historiées sculptées ou peintes n'occupent pas, notamment par des décors peints de faux appareil, fait de joints dessinés à l'ocre rouge sur un crépi cachant une maçonnerie parfois peu soignée. L'abandon progressif de la mosaïque, très chère, laisse la part belle à la peinture murale, moins coûteuse, plus simple, et correspondant probablement mieux au goût de l'époque. La peinture couvre une surface importante à l'intérieur des édifices, mais elle s'étend aussi fréquemment à l'extérieur. En comparaison des milliers de cycles peints, semble-t-il durant la période romane, ceux qui ont été conservés sont bien rares. Les nombreuses transformations architecturales effectuées depuis le Moyen Âge, les changements de décor, les restaurations trop lourdes depuis le XIXe siècle en ont fait disparaître une grande part. Les exemples visibles, à Berzé-la-Ville, à Saint-Savin-sur-Gartempe, à Tavant, notamment, sont des témoignages lacunaires d'un art désormais difficile à comprendre.

Sans atteindre l'habileté des artistes antiques, les peintres romans travaillent plus volontiers la peinture sur enduit frais, c'est-à-dire la fresque, plutôt que celle sur enduit sec. Les pigments appliqués sur un enduit encore humide y pénètrent profondément, rendant les couleurs presque inaltérables. La difficulté de cette technique – la scène doit être achevée avant le séchage de l'enduit, soit en quelques heures à peine – oblige souvent les artistes à compléter à sec certaines parties des scènes: traits du visage, détails de vêtement, dont la conservation est moins bonne.

 

L'enluminure

 

Peu de fresques romanes ayant été correctement conservées, les manuscrits enluminés sont un précieux témoin de la peinture de cette époque. Tandis que les sculpteurs romans couvrent les portails du thème du Jugement dernier, les enlumineurs constituent à travers l'illustration des beatus une impressionnante imagerie de l'Apocalypse. C'est ainsi que le Commentaire sur l'Apocalypse (vers 776) de Beato de Liébana, maintes fois recopié et enluminé par les moines du León et de Castille au Xe siècle, est orné entre 1028 et 1072, à l'abbaye de Saint-Sever-sur-l'Adour, d'enluminures où peut s'observer le passage du style préroman ibérique au style roman. On peut y voir, représentés avec une saisissante précision, des criquets ailés mandés par Satan pour tourmenter le genre humain de leurs queues de scorpion.

Au puissant expressionnisme de telles scènes répond l'élégance des lettrines dont abondent les manuscrits. Tout comme les chapiteaux des églises, elles s'ornent souvent de visages humains, d'animaux familiers, sauvages ou fabuleux. Parfois ces motifs constituent l'initiale elle-même, dont ils prennent la forme, comme c'est le cas dans la copie des Moralia de saint Grégoire le Grand, exécutée à Cîteaux en 1111.

 

Les arts somptuaires

 

Leur épanouissement est considérablement favorisé par la prospérité des monastères. L'orfèvrerie (statue en or, cristal de roche et pierres précieuses du trésor de l'église Sainte-Foy, à Conques, dans l'Aveyron, du Xe siècle), le travail de l'ivoire et du bois, du bronze et du cuivre (buste-reliquaire de saint Baudime de l'église de Saint-Nectaire, Puy-de-Dôme, fin du XIIe siècle), celui de l'émail champlevé, que pratiquent les artistes du Limousin (châsse d'Ambazac, XIIe siècle; reliquaire de Germigny-des-Prés, XIIIe siècle) comme ceux des écoles rhénanes de Trèves ou de Hildesheim, l'art textile (broderie dite «tapisserie de la reine Mathilde», ou «de Bayeux», fin du XIe siècle - début du XIIe siècle; «tapisserie de la Création» de la cathédrale de Gérone, du même type, vers 1100) expriment la diversité et la puissance décorative de l'art roman.

 

Les vitraux

 

Les fragments de vitraux romans conservés sont rares mais éloquents. Bien que la lumière n'ait pas à cette époque l'importance que lui accordera l'art gothique – les arcs-boutants permettront d'alléger les murs, qui s'ouvriront de larges baies –, les vitraux qui la colorent sont particulièrement appréciés. Des témoins en sont conservés dans les pays germaniques et dans l'ouest de la France, notamment une Ascension à la cathédrale du Mans (voir ci contre), dont le style est proche de la peinture ou de la miniature contemporaines, et des verrières de la cathédrale de Poitiers. À Chartres, le vitrail de Notre-Dame-de-la-Belle-Verrière a été sauvé de l'incendie qui ravagea la cathédrale en 1194. Il est donc antérieur à la fin du XIIe siècle. Enchâssé de nouveau dans une baie de l'église gothique, il constitue l'un des meilleurs témoignages de l'art du vitrail de l'époque romane tardive, tout en annonçant, par ses bleus et ses rouges profonds, le type de Chartres.

Les sols

La plupart des églises devaient se contenter d'un sol de terre battue, ou dallé en pierre. Certaines bénéficiaient d'un sol orné d'une mosaïque de pierres polychromes, comme l'abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire et, à Florence, San Miniato al Monte, ou d'un véritable carrelage en terre cuite. Il s'agit alors soit de carreaux carrés monochromes organisés en damier, soit de carreaux de formes géométriques diverses qui, associés, permettent de créer des motifs très variés.

L'architecture religieuse romane se caractérise d'abord au niveau de la nef.
Simple parallélépipède rectangulaire destiné à recevoir une charpente en bois, la nef romane évolue rapidement et gagne en complexité. A partir du 10e siècle, les plafonds, jusque-là inexistants, se couvrent de voûtes en pierres : les voûtes appareillées.
Ce choix architectural s'explique par trois raisons:
- d'abord, contrairement au bois, la pierre ne brûle pas. Ainsi, même en cas d'incendie de la toiture, le risque d'effondrement de la voûte et des murs, reste limité.
- ensuite, le recouvrement des plafonds par des voûtes en pierres, permet d'améliorer et d'amplifier l'acoustique des églises (c'est le principe du plafond tapissé de boîtes d'oeufs). Or, dans la liturgie chrétienne, la place du chant est primordiale.
- enfin, les voûtes offrent une surface idéale pour la peinture, ce qui n'est pas le cas avec ces dentelles de bois que sont les charpentes. Le recouvrement de ces surfaces semi hémisphériques, par des représentations iconographiques divines, permet d'exalter la métaphore de la voûte céleste.
Pour certains historiens, une quatrième raison pourrait être invoquée. Selon eux, l'utilisation de la pierre, matériau sensiblement plus onéreux que le bois, aurait été pour les "grands" de l'époque, un bon (et noble) moyen de faire démonstration et étalage de leur richesses et de leur puissance. La course au prestige apparaîtrait, dès lors, comme le moteur principal du passage du bois à la pierre.

Voir aussi: Les arcs

En relation

L'Art religieux au XIIIème siècle

http://www.insecula.com/article/F0010509.html

CARTE: Les villes d'Art Roman en Europe. 

Illustrations

http://www.insecula.com/salle/MS01012_type4.html#class