L’art de cultiver le monde |
Un krach boursier à cause d’une
tulipe ? ! L’affaire ressemble fort à une fable. Et pourtant, en 1634, la
passion des Flamands pour cette fleur est telle que le marché boursier
s’effondre complètement, entraînant l’infortune de nombreux marchands pour
lesquels la tulipe était devenue monnaie d’échange !
JARDINS MÉDIÉVAUX DES CINQ SENS RENAISSANCE ET JARDINS HUMANISTES LA BOTANIQUE, SCIENCE DES PLANTES VERSAILLES, SPLENDEUR À LA FRANÇAISE VILLES ET JARDINS CONTEMPORAINS
En Occident, l’histoire des
jardins prend racine dans la Rome antique. Les Romains, inspirés par les
civilisations grecque, perse et égyptienne, par leurs voyages en Orient,
créent une esthétique des jardins qui marquera durablement l’Europe. Les
jardins, sophistiqués, font partie intégrante des villas romaines, offrant
à la fois un lieu de promenade, d’hommage aux dieux et de culture
vivrière. La chute de l’Empire romain, les invasions barbares et les
guerres qui se succèdent durant tout le Moyen Âge jettent un voile de
ténèbres en Occident. La société féodale est aux mains de clans rivaux qui
s’affrontent : les villes se renferment derrière leurs remparts, les
châteaux deviennent des forteresses. Seules les cultures utiles, légumes,
fruits, céréales, constituent encore quelques champs au pied des
murailles. Les jardins réapparaissent autour du VIe siècle dans
les abbayes et les monastères : les religieux, reclus et protégés des
troubles du monde extérieur, vivent en autarcie sur leurs cultures
vivrières mais entretiennent aussi arbres, fleurs ou herbes médicinales.
Le jardin s’impose comme un lieu clos (gardo,
origine latine du mot jardin, signifie
d’ailleurs clôture), doté à la fois d’une
fonction productive et religieuse, comme en témoignent au XIe siècle
les écrits du moine suisse Walahfrid Strabus. Dans les plans de son
monastère idéal de Saint-Gall, le jardin s’organise autour de trois
espaces distincts : tout d’abord, le jardin d’herbes,
herbalius, où poussent fenouil, sauge,
romarin, livèche, marrube ou encore aneth pour concocter les remèdes.
Régulièrement alignées dans des carrés de terre et paillées contre les
mauvaises herbes, les plantes sont protégées des animaux de la basse-cour
par de petites palissades en châtaignier. Puis vient le potager-verger,
hortus, installé près des cuisines, qui
fournit moult fruits et légumes selon la saison : courges, betteraves,
concombres, citrouilles, oignons, salades, poireaux, poires, pêches,
prunes, cerises, pommes... Enfin, caché dans l’enceinte du cloître, le
jardin de Marie abrite fleurs, treillis et arbustes agencés selon
l’inspiration des religieux. La rose rouge, symbole de la passion et des
martyrs, le lys blanc, incarnant la pureté et la virginité, le puits placé
en son centre, tel le Christ source de vie : tout dans ce jardin
ornemental doit inviter à la méditation, au repos du corps et de l’esprit.
Image de l’ordonnancement du monde selon Dieu, le jardin offre à la fois
le souvenir du jardin d’Éden perdu et l’espoir du paradis céleste tant
attendu. En cultivant sa terre, le moine fait un pas vers son salut.
À cette époque, l’Église se
lance à la conquête de l’Occident pour le convertir au christianisme. Avec
son appui, Charlemagne parvient à ramener l’unité du royaume puis les
croisés partent pour Jérusalem. Au contact de l’Orient, les Européens
découvrent le charme des jardins islamiques, promenades sensuelles,
contemplatives et poétiques, un avant-goût du paradis promis par Allah.
Peu à peu, les jardins européens s’enrichissent de plantes nouvelles et
s’ouvrent au monde. Une paix relative s’installe en Occident. La culture
de fruits et de légumes se développe, notamment en France et aux Pays-Bas.
L’agriculture marchande naît et s’organise. Les techniques d’irrigation,
de récolte, de taille s’améliorent, et celle de la greffe se répand. Dans
les châteaux, qui ne disposaient jusqu’alors que de simples cours et d’un
préau, les pelouses, les arbustes, les treillis, les fleurs font peu à peu
leur apparition. Les rois et les seigneurs, qui s’enorgueillissent de
leurs grands parcs et bois de chasse, font désormais réaliser ces jardins
laïcs autour de leur demeure, où les dames aiment à flâner et se reposer.
S’il reste délimité par un mur, pour en garantir la tranquillité plutôt
qu’une réelle sécurité, le jardin médiéval devient lieu de plaisirs. Au
XIIe siècle, moins ordonné que le jardin des monastères, ce
« jardin des cinq sens » exhale la beauté de la nature : le bruit de l’eau
et le chant des oiseaux bercent doucement l’oreille ; roses, violettes,
chèvrefeuilles et lilas caressent délicatement l’odorat ; passant du bleu
au rose selon la saison, les plantes ravissent l’œil de leurs couleurs ;
les fraises, cassis et framboises comblent les papilles, tandis que les
feuilles brillantes, les épines et l’écorce invitent au toucher. C’est
bientôt le rendez-vous des dames et des chevaliers, on y lit de la poésie,
on y joue quelques refrains. La mode de l’amour courtois, mêlée aux
couleurs chatoyantes et aux formes géométriques de l’Orient, donne
naissance aux « vergers d’amour », à l’abri des regards indiscrets.
Fontaines, arbres verts, roses rouges (qui couronnent la tête de Cupidon
dans les représentations antiques), allées ombragées, fruits sucrés et
plantes exotiques (citronnier, olivier, oranger) y créent une atmosphère
raffinée, comme dans le Roman de la Rose
(1440).
Si le Moyen Âge a su protéger
les jardins comme de fragiles boutons de rose, c’est la Renaissance qui va
véritablement les faire éclore. Aux XVe et XVIe siècles,
les grandes découvertes et expéditions maritimes (Colomb, Vasco de Gama),
les avancées des sciences (Galilée, Copernic), les inventions techniques
(imprimerie, machines de Léonard de Vinci) bouleversent la vision de
l’univers. Entourés de philosophes influencés par le courant de pensée
humaniste qui se développe, les seigneurs italiens sont les premiers à
donner un nouveau visage à leurs jardins. Renouant avec les traditions de
la Rome antique, ils se font construire de magnifiques villas prolongées
de jardins en terrasses, dans lesquels ils expérimentent les formes
géométriques, installent des statues antiques, des fontaines, des plantes
exotiques et remettent au goût du jour l’art topiaire des sculptures
végétales. Peu à peu, le jardin devient même le centre de la demeure qui
retrouve une position sociale de choix dans la ville. L’ensemble
architectural doit présenter une harmonie évidente, exprimer le goût pour
la nature et éblouir l’œil. Le jardin est aussi un lieu où s’exprime le
pouvoir de l’homme : les princes qui commandent sa réalisation veulent
avoir l’impression de façonner un monde à leur manière et, pour cela,
intègrent au jardin de multiples décors artificiels et symboliques. Dans
son Hypnerotomachia Poliphili publié en
1499, qui inspira les jardiniers de la Renaissance durant plus d’un
siècle, l’Italien Francesco Colonna décrit ainsi des jardins agrémentés de
statues mythologiques, de grottes, de labyrinthes de verdure, de fontaines
de marbre. Ces allégories, qui s’inscrivent dans le courant de pensée
humaniste de la Renaissance, sont pour la plupart tirées de l’Antiquité :
les grottes de Vulcain, recouvertes de coraux ou de mosaïques, symbolisent
les premiers temps de l’humanité. Témoin de cette transformation du jardin
en véritable théâtre de verdure, la villa d’Este construite dans les
environs de Rome au milieu du XVIe siècle. Cinq terrasses la
composent, animées par l’eau qui jaillit des fontaines, coule en cascades
et en bassins. Géométrique et régulier, le décor du jardin mêle les verts
des ifs, du lierre, des cyprès et des buis à la pierre des escaliers,
statues et grottes qui le jalonnent.
S’il reflète de multiples
références au passé, le jardin de la Renaissance est aussi le témoin d’une
époque de bouillonnement intellectuel, culturel et scientifique. Les
automates et les jeux d’eau de plus en plus sophistiqués envahissent les
jardins comme symbole du génie humain. La mode des orangeries fait
fureur : le roi de France, Charles VIII, fait venir des jardiniers de
Sicile pour disposer à Amboise de ces « pommes d’or » dont on apprécie le
feuillage lustré, les fleurs odorantes et bien sûr les fruits acides et
sucrés. Les plantes exotiques, rapportées par les explorateurs de leurs
longs voyages aux quatre coins du monde, font l’objet de véritables
collections. C’est à cette époque qu’apparaît la distinction entre
apothicaire, herboriste et botaniste : la science des plantes se
développe, les traités de culture font leur apparition et se diffusent
aisément grâce à l’imprimerie. Les premiers herbiers séchés se
constituent, dépassant l’intérêt pour les seules plantes environnantes. En
1545, la faculté de médecine de Padoue crée le premier jardin botanique :
citronnier, maïs, tomate, jasmin, melon constituent quelques-unes des
plantes rares qui y sont alors cultivées et précieusement conservées. Le
café est mentionné pour la première fois en 1574, la pomme de terre
introduite sur l’Ancien Continent en 1588. Aubergines, grenadiers,
cotonniers, arbousiers et bien d’autres font ainsi les beaux jours des
amateurs éclairés et des botanistes. Au nord de l’Europe, ce sont les
fleurs venues de tous les pays qui suscitent l’engouement, notamment les
plantes à bulbes et à oignons. Glaïeuls, narcisses et surtout tulipes font
perdre la tête aux Flamands. Dans le même temps, les avancées en
astronomie ébranlent les certitudes d’alors : la Terre n’est pas au centre
de l’univers et pire encore, elle tourne ! Certains jardiniers se
réfugient alors dans l’illusion et la contemplation plutôt que dans le
naturel et la réalité, habillant leurs jardins d’art baroque : statues,
amphithéâtres, temples y offrent un mélange de perspectives propice à
l’imagination.
Au XVIIe siècle, il
se construit en France plus de deux mille châteaux, c’est-à-dire autant de
jardins à imaginer, planter et entretenir ! Architecte et jardinier
travaillent main dans la main, ainsi que l’ont initié les règles de la
Renaissance, pour créer des ensembles uniformes réunissant demeure, jardin
d’agrément, verger et même potager. Cette volonté est telle qu’un nouveau
style de « jardin à la française » émerge bientôt, poussant l’équilibre et
l’unité jusqu’à la perfection. Le premier du genre est le jardin du
château de Vaux-le-Vicomte, propriété de Nicolas Fouquet, alors
surintendant des finances de Louis XIV. Fouquet veut un domaine d’une
beauté et d’une ampleur inégalées et s’entoure pour le créer de
l’architecte Louis Le Vau, du peintre André Le Brun et d’un jeune
jardinier, André Le Nôtre. Ce dernier compose un chef-d’œuvre de broderies
végétales basses, soulignées par de hautes palissades encadrant les allées
rectilignes et symétriques, admiré par toute la Cour lors de son
inauguration en août 1661. Trois semaines plus tard, Fouquet est jeté en
prison où il finira sa vie : Louis XIV ne lui pardonnera pas d’avoir
surclassé en magnificence les possessions du Roi. Il décide, dans la
foulée, de construire le plus beau palais jamais édifié : ce sera
Versailles. Le Nôtre, qui se voit confier la conception et la réalisation
des jardins, signe là l’œuvre de sa vie dans le plus pur style des jardins
à la française. Dans les jardins de Versailles, l’ordre naturel n’existe
plus, c’est l’esprit de l’homme qui triomphe. L’art impose sa loi, sous
l’emblème du roi, le soleil. Les jardins sont alignés dans une parfaite
unité avec les perspectives du château, un coup d’œil sur la terrasse
suffit à embrasser les parterres et les allées qui se déploient en
contrebas. Les rapports de symétrie, les lignes géométriques confèrent à
l’ensemble son équilibre. Les broderies végétales constituent l’essence
même du jardin : constituées de fleurs ou d’arbustes bas savamment
découpés en motifs, elles sont soulignées de buis nains taillés. Aux
parterres végétaux s’ajoutent ensuite les canaux, fontaines, bassins,
statues de bronze et de marbre (d’Apollon notamment, la divinité solaire)
comme autant d’allégories antiques. Les allées, bosquets, palissades de
hautes futaies, arcades et berceaux de verdure achèvent la perspective de
l’ensemble. Rien n’est laissé au hasard, la taille des ifs en cône,
sphère, cube ou pyramide est parfaitement maîtrisée. Seuls les bois et
forêts qui bordent le jardin rappellent le mystère de la vie sauvage. Même
le potager n’échappe pas à la règle, Louis XIV exigeant que la culture des
fruits et légumes obéisse à la même perfection que n’importe quel « métier
d’art » mis en œuvre dans son palais. Ainsi, poireaux, salades, fraises,
courges ou petits pois se parent d’une dimension esthétique jusqu’alors
inexistante par les bons soins de Jean-Baptiste de La Quintinie. Ce
dernier n’aura d’ailleurs de cesse d’éblouir la Cour en servant à belle
année oranges, framboises ou tomates tout droit sorties de ses grandes
serres, symboles de prospérité. Rien n’est jamais trop beau et Louis XIV
n’hésite pas à financer des expéditions lointaines pour enrichir ses
jardins des plantes les plus rares et les plus exotiques : poivre, mangue,
gingembre, papaye, café, chocolat et thé se retrouvent bientôt à la table
du roi et dans le potager et les serres, où les jardiniers tentent de les
acclimater. Lorsque les travaux s’achèvent à la fin du XVIIe siècle,
Versailles et ses jardins brillent comme le symbole de la monarchie
absolue, célèbrent la grandeur du roi sur la nation et la nature. Parce
qu’il parfait le monde selon sa volonté, Louis XIV se positionne comme
égal de Dieu. Symbole du pouvoir de la monarchie sur la vie politique,
culturelle et sociale, Versailles fait l’admiration de toutes les cours
européennes. Chaque prince veut alors disposer de « son Versailles » : le
style « à la française » s’exporte puis s’acclimate en douceur au pays qui
l’adopte et à sa culture. Ainsi, le tsar Pierre le Grand engage Le Blond
pour dessiner son château et ses jardins de Saint-Pétersbourg au bord de
la mer Baltique ; en Espagne, le roi Philippe V crée le palais de La
Granja, avec ses jardins d’eau. En Hollande, les fleurs abondent dans les
parterres à la française des jardins du palais royal de Het Loo.
L’utilisation, en revanche, de géométries mal équilibrées, de curieuses
sculptures végétales mêlées à des représentations antiques donne naissance
à des jardins pittoresques, baroques, qui achèvent de tourner la page, au
début du XVIIIe siècle, de l’âge d’or des jardins à la
française.
Dès le milieu des années 1730,
la réaction au classicisme se fait de plus en plus vive. Rejet d’un carcan
social oppressant, besoin de retour à la nature, de liberté, le mouvement
des Lumières transforme les esprits et agite les philosophes. L’Angleterre
s’est violemment opposée au modèle du jardin à la française : les jardins
des grands propriétaires terriens se fondent peu à peu dans la campagne,
s’ouvrent sur les champs, les prairies et les bois qu’ils contribuent à
mettre en valeur. Lancelot Capability Brown (1715-1783), un jardinier
d’origine modeste, recompose les paysages naturels : il remue la terre,
crée des lacs, élargit des rivières, plante des centaines de milliers
d’arbres et détruit ce qu’il reste des jardins à la française. La nature
reprend ses droits, seule sa beauté doit s’exprimer. Symbole de ce
renouveau, les fossés ou « ha-ha » qui remplacent désormais les murs. Les
jardins, respectant à peu près la géographie des lieux, trouvent toutefois
leur « harmonie naturelle » dans le savant dosage de vallons artificiels,
de bouquets d’arbres choisis, de fleurs aux couleurs chatoyantes, de
ruisseaux serpentant entre les herbes et, ici où là, de petites
constructions rustiques, pont de bois ou moulin à vent. Les arbres gagnent
une place de premier choix dans le décor : aux côtés des chênes et cyprès,
cèdres du Liban et acacias nouvellement introduits en Europe soulignent le
côté majestueux du cadre naturel. Quelques îlots de fleurs, souvent
exotiques, glycine de Chine, camélia, pivoine, magnolia, freesia
illuminent ce paysage verdoyant. De l’autre côté de la Manche,
Jean-Jacques Rousseau devient le plus ardent défenseur de ce nouveau goût
européen et quasi religieux pour la nature. Empreint des valeurs des
Lumières, il la place au cœur de la nouvelle liberté de pensée et de
conscience menant au bonheur de l’homme. Il se prend de passion pour ces
jardins paysagers à l’anglaise qui commencent à fleurir en France, et
trouve à Ermenonville, dans l’Oise, le jardin qui abritera ses rêveries de
promeneur solitaire. Créé par le marquis de Girardin en 1760, ce jardin
anglais s’organise autour d’une rivière, d’un lac et d’une petite île ;
une promenade circulaire se déroule doucement, découvrant tour à tour une
grotte, un temple, un autel et une cabane.
En pleine mutation, portée par
les progrès techniques et économiques, l’Europe entame, au XIXe siècle,
la démocratisation de sa vie politique et culturelle. L’industrialisation
bat son plein. Dans les villes où les usines tournent à plein régime,
s’entasse une main-d’œuvre grandissante qui rêve de loisirs et de verdure.
À Londres, Hyde Park ouvre ses portes à tous les citadins en 1820 et
s’embellit. En France, les promenades publiques, qui existaient déjà dans
de nombreuses villes, comme Paris, Nîmes ou Montpellier, s’enrichissent de
nouveaux espaces après la confiscation des biens du clergé. Mais les
véritables projets d’urbanisation qui changent le visage des villes en les
dotant de poumons verts démarrent dans les années 1850. À Paris, Napoléon III
confie son projet de restructuration de la capitale au baron Haussmann,
préfet de la Seine. Ce dernier fait canaliser les égouts de la ville,
concentre les flux de circulation sur de longues et larges artères
plantées d’arbres et crée des espaces verts. Les parcs et jardins
définissent même la nouvelle géographie parisienne : le bois de Boulogne à
l’ouest, celui de Vincennes à l’est, les parcs des Buttes-Chaumont et de
Montsouris au nord et au sud. Pour Napoléon III, ces jardins ne
constituent pas seulement un cadeau fait au peuple, comme la forêt royale
du bois de Boulogne qu’il donne à la ville de Paris en 1852 : ils offrent
au peuple citadin et ouvrier le moyen de maintenir une harmonie sociale,
de renouer avec des origines souvent campagnardes. Dans les allées du parc
de la Tête-d’Or à Lyon ou du bois de Vincennes à Paris, la masse populaire
goûte aux joies de ces « outils contre-révolutionnaires » nouvellement mis
à sa disposition : la promenade au milieu des plantes de toutes espèces,
le repos sous les arbres, les jeux pour les enfants, l’exotisme des
animaux du zoo.
Les jardins ouvriers qui se
développent massivement à la périphérie des villes françaises au début du
XXe siècle en sont le plus beau symbole : depuis une centaine
d’années, le jardin se démocratise, s’individualise. Si les ouvriers de
l’époque savourent les fruits et légumes de ce petit lopin de terre qu’ils
rejoignent tous les dimanches, les citadins d’aujourd’hui expriment au
quotidien leur besoin de se mettre au vert. Les balcons se parent de
géraniums et pétunias, les terrasses s’enorgueillissent de rosiers,
arbustes nains, lierres en pots, et les plantes d’intérieur s’installent
au salon. Les boutiques de jardinage se multiplient, la littérature
abonde, les cours affichent complet ; chacun crée, selon ses moyens, ses
envies, sa culture, son propre jardin, havre de paix dans le stress de la
ville.
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