Paul
Gauguin,
Lettres à André Fontainas.
Note limilaire de Patrice Contensin.
© L'Échoppe, 1994.
En 1897, lors de son deuxième séjour à Tahiti, Gauguin entreprend de
peindre un grand tableau qu'il envisageait comme son testament pictural.
"Alors j'ai voulu avant de mourir peindre une grande toile que j'avais
en tête, et durant tout le mois j'ai travaillé jour et nuit dans une fièvre
inouïe. Dame, ce n'est pas une toile faite comme un Puvis de
Chavannes, étude
d'après nature, puis carton préparatoire", etc..., écrivait-il à
son grand ami Daniel de Monfreid, poursuivant en ces termes : "Tout
cela est fait de chic, du bout de la brosse, sur une toile à sac pleine de
noeuds et de rugosités, aussi l'aspect en est terriblement fruste".
En haut, à gauche du tableau, dans un large aplat de couleur jaune vif, il
inscrivait : " D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous?
" , signant ainsi l'un de ses plus grands chefs-d'oeuvre.
A cette même époque, le poète symboliste André Fontainas (1865-1948)
collabore depuis près de neuf ans au Mercure de France où il assure,
entre autres, la chronique des expositions. Gauguin est toujours à Tahiti,
mais ils se sont rencontrés dans le salon de Mallarmé, à Paris. Après
avoir vu à Paris, à la galerie Vollard, l'exposition Paul Gauguin (17
novembre - 10 décembre 1898), Fontainas lui consacre quatre pages dans sa
chronique Art moderne de janvier 1899, où il émet un avis
critique. Loin de lui en vouloir, Gauguin qui est abonné au Mercure de
France et a reçu avec un certain retard la revue, est touché et lui écrit
une longue lettre. Un échange se poursuit entre le poète critique d'art
et le peintre. Les lettres envoyées par Fontainas malheureusement
n'existent plus, mais celles de
Gauguin, peu nombreuses, écrites peu avant
sa mort et portant sur ce qui était essentiel à ses yeux, ont fait
l'objet d'un petit ouvrage délicat, à la couverture vert d'eau, publié
il y a une dizaine d'années aux éditions de l'Echoppe.
En plus de ces quatre lettres, écrites entre mars 1899 et septembre 1902,
- correspondance pathétique, alors que Gauguin espère vainement voir ses
textes paraître dans le Mercure de France, qu'il lui confie finalement la
responsabilité de faire éditer son manuscrit d'Avant et Après à compte
d'auteur, qu'il meurt trois mois plus tard -, l'Echoppe publie aussi la
chronique de Fontainas sur l'exposition Gauguin, ainsi qu'une note de lui
sur Victor Segalen (Segalen, l'écrivain, le voyageur qui était médecin
de la marine, arrive en août 1903 aux Marquises et visite les lieux où a
vécu Gauguin quatre mois seulement après sa mort. Plus tard, à Papeete,
dans une vente publique où sont dispersés tous les effets de Gauguin, il
achètera un ensemble de toiles, bois sculptés, dessins, gravures et
albums du peintre)...
Corinne Amar
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