C'est en
Angleterre vers le milieu du XVIIIe siècle que la mode des bains de mer
prend véritablement naissance. Cette activité est tout d'abord vue
uniquement sous un angle thérapeutique. En effet, de nombreuses
publications médicales de l'époque vantent déjà les bienfaits de
l'immersion dans l'eau de mer, et donnent des indications précises
quant à l'application du traitement. Contrairement à l'eau de la Méditerranée,
dont la tiédeur suspecte rappelle les risques de malaria encourus en
Italie, l'eau froide de la Manche et de la mer du Nord est déjà connue
pour vivifier et assainir l'organisme. Sur les plages de Brighton, où
le Prince de Galles a fait construire le Pavillon royal, les jeunes
nobles s'élancent sans crainte dans les flots dès la fin du siècle.
Importée sur le continent par les Français émigrés en Angleterre
pendant les troubles de la Révolution ainsi que par les touristes
anglais, cette mode prendra un essor considérable au cours du XIXe siècle.
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Veules-Les-Roses, Sur la
plage
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Presque
toutes les stations balnéaires anglaises et françaises ont pu bénéficier
au départ de la présence d'un membre de la famille royale, comme c'est
le cas à Dieppe dès 1824 grâce à la duchesse de Berry, autour de
laquelle gravite tout un cercle de nobles et de personnalités à la
mode. Sous le Second Empire, l'essor économique du pays favorise le développement
des liaisons ferroviaires. Dès les années 1860, la Compagnie des
chemins de fer de l'ouest ouvre des lignes entre la capitale et la côte
normande, permettant ainsi à un public de plus en plus nombreux de
profiter des plaisirs de la mer. La transformation de villages de pêcheurs
comme Trouville en centres de villégiature en est dès lors accélérée.
Hôtels, villas, casinos et champs de course ornent petit à petit le
front de mer et permettent aux estivants de recréer un mode de vie
semblable à celui de la capitale. La vie quotidienne est rythmée par
la visite du port, la déambulation et la conversation le long de la
plage, la baignade, les exercices après le bain et les bals.
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Affiche pour les Bains
de mer de Trouville, vers 1880
lithographie, 100 x 150 cm Paris,
Musée de la Publicité |
La baignade
elle-même, et la tenue des dames en particulier, fait l'objet de réglementations
strictes. Ainsi à Trouville en 1857 la plage est séparée en trois
secteurs: un pour les hommes, une pour les femmes, et une zone mixte
accessible aux baigneurs des deux sexes, pour autant qu'ils soient
couverts du cou jusqu'aux genoux.
Il est déjà possible de louer pour la journée des cabines de toile,
des chaises, des serviettes ainsi que des cabines de bain tirées par
des chevaux, qui permettent de se déshabiller à l'abri des regards et
d'entrer directement dans l'eau à mi-corps.
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Saint-Valéry-en-Caux,
Les cabines et les falaises
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A l'exception
de certains autochtones, les amateurs de bains de mer de l'époque ne
savent pas nager. Les dames ont donc souvent recours aux services de
baigneurs, qui doivent empoigner leur cliente à bras le corps pour
l'immerger dans les flots. La technique de la brasse se perfectionne peu
à peu et commence à s'enseigner à Paris vers le milieu du siècle.
Dans ses dessins humoristiques des années 1840 et 1850, destinés au
journal Le Charivari, Honoré Daumier n'a pas manqué de décrire
avec verve cette activité à la mode, pratiquée à la fois à Paris
dans la Seine et sur les plages normandes et bretonnes.
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J'ai peur qu'on ne nous fasse déguerpir…, 1853
planche de la série Croquis aquatiques
lithographie sur papier journal, 24 x 32 cm
Collection Neumann, Gingins
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