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La mémoire du passé

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 La couleur des larmes.

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  Les peintres devant la Première Guerre mondiale

Quatre exemples :

Félix Valloton

Otto Dix

Frans Masereel

Eric Heckel

 

 

 

Félix Vallotton

 

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Félix Vallotton, Les barbelés, 1916, xylographie, 25,2 x 33,5 cm, Galerie Paul Vallotton, Lausanne.

Vallotton tire de la gravure sur bois une image  schématique, un symbole plus qu'une description, deux morts dans un réseau de fils de fer. Leurs formes se distinguent à peine des entrelacs de fil, leurs membres ressemblent aux poteaux de bois, leurs corps s'effacent déjà. Au-dessus d'eux, non point le ciel insolemment bleu d'Orpen, mais une admirable nuit étoilée - la nature demeure indifférente au carnage.  

 

 

 " Il y avait partout des galeries de charbonnage sous nos positions, et les Français en profitaient. Il ne se passait pas de jour sans qu'un secteur de tranchée saute, après quoi c'était l'assaut sur le trou encore fumant, alors qu'on était encore dans la saleté jusqu'au cou. Le premier au fond avait gagné. (...) Nous restions en poste jour et nuit aux aguets dans ces galeries, des explosifs à portée de main. Souvent nous entendions les pics de l'ennemi tout près de nous, c'était alors, à la minute près, la course à qui serait broyé d'eux ou de nous. Combien de fois ne suis-je pas resté accroupi dans le trou, un écouteur à l'oreille, à guetter l'instant où ils cesseraient de piocher et traîneraient les caisses de dynamite. "

Ernst Jünger, Lieutenant Sturm, traduit par Philippe Giraudon, Paris, Viviane Hamy, 1991.  

 

Frans Masereel 

 

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Frans Masereel, Debout les morts, Résurrection infernale, 1917, xylographie, 14 x 11 cm, Musée d'histoire contemporaine - BDIC, Paris.

 
Masereel (1889-1972) se trouve à Genève durant la Grande Guerre - et s'y engage dans la lutte contre la guerre, lutte sans efficacité face au déchaînement général. Dessins à l'encre et gravures sur bois sont ses instruments, les gravures étant réunies dans des recueils, Debout les morts, Les Morts parlent, qui sont autant de dénonciation sans équivoque du carnage. Masereel simplifie, brutalise, oppose le noir au blanc. Il traite des scènes prises aux journaux et à leurs clichés et, par un traitement graphique singulier, pousse jusqu'à l'insupportable la souffrance. Ou il use d'un fantastique macabre: deux corps acéphales portent sur une civière leurs têtes, l'une coiffée du képi français, l'autre du casque allemand. C'est folie de toute part, une folie contre laquelle Masereel se sait impuissant.

 

 

« Après tout, pourquoi fait-on la guerre ? Pourquoi on n’en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire. On sera bien forcé de voir que si chaque nation apporte à l’idole de la guerre la chair fraîche de quinze cent jeunes gens à déchirer chaque jour, c’est pour le plaisir de quelques meneurs qu’on pourrait compter ; que les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d’armées, pour qu’une caste galonnée d’or écrive ses noms de princes dans l’Histoire ; pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d’affaires – pour des questions de personnes et des questions de boutiques. Et on verra, dès qu’on ouvrira les yeux que les séparations qui se trouvent entre les hommes ne sont pas celles qu’on croit, et que celles qu’on croit ne sont pas. » « Le feu » 1916

Henri Barbusse.

 

 

 

Otto Dix

 

 

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Otto Dix, Triptychon "Der Krieg" (Triptyque "La Guerre"), 1929-32, tempera sur bois, panneau central 204 x 204 cm, panneaux latéraux 204 x 102 cm chacun, Gemäldegalerie Neue Meister, Dresde.

  
De 1920 à 1923, Dix peint Der Schützengraben (La Tranchée), qui est achetée par le musée de Cologne, lequel doit y renoncer en raison des protestations publiques, avant que la toile, saisie en 1933 par les nazis, ne soit probablement détruite. L'année précédente, Dix a exécuté ce qui demeure l'oeuvre la plus importante qu'ait suscitée la Grande Guerre, un triptyque composé sur le modèle des maîtres anciens. Le panneau central reprend la composition de La tranchée, une vision d'épouvante où un soldat, le visage recouvert d'un masque à gaz, demeure seul vivant dans une tranchée effondrée, près d'un abri renversé. Des cadavres achèvent de pourrir alors qu'un squelette est demeuré accroché à la branche d'un arbre. Les panneaux latéraux figurent le départ vers le front et le retour de deux blessés. Sur la prédelle, des dormeurs - ou des cadavres ? - allongés sous une toile de tente.
Dix introduit des références picturales à Grünewald, Altdorfer et Holbein. Le triptyque, peint sur bois, est exécuté dans leur style, avec une minutie réaliste extrême. Alors que les dessins préparatoires décident seulement des silhouettes et de la construction, la peinture cultive l'illusionnisme jusqu'au morbide insupportable des chairs putréfiées, des vers et de la gangrène. Les jambes d'un mort sont constellées de pustules ou de blessures purulentes, comme les membres du Christ dans le retable d'Isenheim. L'espace est saturé de corps, de débris, de formes déchirées. Il est traversé par des verticales hérissées. Jusqu'aux cieux qui inquiètent : des nuées, des tourbillons rougeâtres y circulent, souvenirs de la Bataille d'Alexandre d'Altdorfer et signes de la catastrophe qui étend son empire à la nature entière.

 

 

" Il se mit à crassiner. Je parvins à puiser dans mon casque un peu d'eau bourbeuse. J'avais perdu tout sens de l'orientation et n'arrivais pas à me faire du tracé du front une image nette. Les entonnoirs se succédaient ici à la file, tous plus grands les uns que les autres, et, du fond de ces fosses creuses, on ne pouvait voir que des parois d'argile et le ciel gris. Un orage montait : ses coups de tonnerre furent dominés par le bruit d'une reprise de feux roulants. Je me pressai contre la paroi du cratère. Une motte de glaise m'atteignit à l'épaule : de lourds éclats volaient au-dessus de ma tête. Peu à peu je perdis aussi le sens du temps ; je ne savais plus si c'était le matin ou le soir. ". 

Ernst Jünger, « Orages d'acier. »

 

 

 

Eric Heckel

 

 

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Eric Heckel, Zwei Verwundete (Deux soldats blessés), 1915, xylographie sur papier, Musée Folkwang, Essen.

  

De Chagall à Heckel (1883-1970), la distance est alors réduite. Or Heckel appartient au mouvement expressionniste allemand du groupe Die Brücke et privilégie la technique de la gravure sur bois, à laquelle les autres membres du groupe - Kirchner, Schmidt-Rottluff - se montrent autant que lui attachés. Le dessin au ciseau, à la pointe, au canif parfois dans la planche ne permet pas des subtilités de clair-obscur, mais sa brutalité primitiviste convient à la brutalité du motif, un soldat à la tête enveloppée de bandes et un deuxième à l'arrière-plan, endormi ou agonisant sur une chaise-longue ou un lit. Les coups de lame découpent les rides, les cicatrices, les lignes et il semble que la gravure soit balafrée comme le corps de l'un de ces hommes livrés aux éclats d'obus et aux balles.

    

 

" Nous sommes des morts insensibles qui, par un stratagème et un ensorcellement dangereux, sont encore capables de courir et de tuer. Un jeune Français reste en arrière ; il est rejoint et lève les mains ; dans l'une d'elles il a encore son revolver ; on ne sait pas s'il veut tirer ou se rendre. Un coup de pelle lui fend en deux le visage. Un second voit cela et essaie de s'enfuir, mais une baïonnette lui entre en sifflant dans le dos. Il bondit et, les bras largement écartés, la bouche grande ouverte et criant, il chancelle, tandis que la baïonnette oscille dans son échine. " 

Erich Maria Remarque, « A l'Ouest rien de nouveau. »