Gustave Doré (1832-1883)

Doré fait ses débuts d’illustrateur dès l’âge de quinze ans dans la presse caricaturiste. Il vient au livre en 1854, où il impose rapidement son style. En une trentaine d’années, il exécute près de dix mille illustrations pour l’édition. Dessinant directement sur le bloc à l’encre de Chine ou au lavis, il renouvelle la gravure sur bois par le bois de teinte qui rend à merveille les nuances et jeux de contrastes. En 1855, il conçoit avec l’éditeur Hetzel le projet d’une collection de grandes éditions in-folio des chefs-d’œuvre de la littérature dont L’Enfer de Dante constitue le premier titre et les Contes de Perrault le second. Composé de quarante "tableaux", ce "très grand livre, très cher" paraît en 1862. Alors âgé de trente ans, Doré s’offre pour ce livre une grande liberté d’illustration : onze planches pour le seul Petit Poucet, trois pour le si court Chaperon rouge.

 

 

Les contes sont encore illustrés de vignettes quand Hetzel demande au jeune Doré un frontispice et quarante grandes compositions pour son édition de grand luxe. Gros plans, contre - plongées et dramatisation des scènes suscitent un regard neuf sur le conte de fées.

 

Pour la scène de dévoration comme pour celle de la rencontre, Gustave Doré dessine le loup vu de dos. L’action est saisie juste au moment où la bête, dressée, saute sur le lit. La scène gagne en dramatisation par le jeu de détails (chat se précipitant sous le lit, chute de la tabatière et des lunettes).

 

Cheveux dénoués, symbole traditionnellement érotique, bras nu et regard intrigué, le Petit Chaperon rouge semble plus mûre dans la scène du lit, troisième et dernière planche du conte. Elle tire bien timidement le drap que le loup tient pourtant dans ses griffes. La divergence des regards crée l’attente d’un dénouement brutal.