Le roman de Fauvel

http://expositions.bnf.fr/bdavbd/feuil/index1.htm

patience...Le Roman de Fauvel est un exemple rare de critique politique contemporaine d’événements dénoncés en 3000 vers par un haut fonctionnaire de la cour, un notaire de la chancellerie royale, Gervais de Bus. Cette histoire satirique, composée entre 1310 et 1314, visait le roi de France Philippe IV et, surtout, Enguerrand de Marigny, son principal conseiller, qui finit d’ailleurs sur le gibet. Pour déguiser sa cible, l’auteur adopte la formule du héros zoomorphe, procédé déjà employé dans l’Egypte ancienne et que Walt Disney utilisera abondamment. Mais l’identification était transparente aux yeux des nobles à qui s’adressait cette histoire, dont l’auteur se plaît à dire (est-ce bien vrai ?) qu’elle n’avait pour fonction que d’expliquer le sens de peintures qui ornaient souvent les murs. Vraisemblablement, l’auteur espérait peut-être ainsi se " couvrir " vis-à-vis de la cour. Il n’a pas signé nommément son histoire, mais une énigme finale livre son nom.

Fauvel est un équidé, âne ou cheval, dont le nom est l’acronyme d’une série de six vices reprochés au souverain et à son ministre :

F comme Flatterie

A comme Avarice,

U comme Vilenie

V comme Variété (velléité)

E comme Envie

L comme Lâcheté

(La lettre U correspond au Moyen Âge à la lettre V).

Son poil est roux ; or, Philippe IV et Enguerrand de Marigny étaient l’un blond et l’autre roux, couleur néfaste et à laquelle s’attache l’idée de la vanité, mais aussi de la traîtrise, du mensonge et de la fausseté (Fau-vel). Sa nature équine renvoie à une sentence devenue proverbiale depuis le pédagogue Jean de Salisbury, au XIIe siècle : " un roi sans culture est comme un âne couronné ". Or, Fauvel chausse la couronne...

Cette vilaine bête de Fauvel s’est élevée dans la hiérarchie sociale en sortant du rang, crime inexpiable. Il a acquis un grand pouvoir et chacun, princes, chevaliers, bourgeois et vilains, le " torchent " pour le flatter et obtenir des bénéfices. Les clercs d’Eglise, moins habiles aux manoeuvres politiques, ne parviennent qu’à se rapprocher de sa queue. L’auteur du Roman de Fauvel ne se contente pas de critiquer le roi et son conseil. Les ordres mendiants, souvent sujets à la critique, sont les amis du vil équidé. Les nobles se comportent avec orgueil et oublient qu’ils ne sont, pas plus que les paysans qui les servent, sortis à cheval du ventre de leur mère ! Les femmes ne savent pas non plus rester à leur place : elles critiquent leurs maris. Bref, tout va mal sous le gouvernement de Philippe IV le Bel : " les rois mentent, les riches flattent, le clergé se livre au vice, les marchands mentent, les juges sont sans pitié, même les enfants sont déloyaux... " !

Bien que chacun en prenne pour son grade, l’histoire paraît avoir connu un grand succès : il en subsiste 12 manuscrits, ce qui suffit à attester son caractère de best-seller, et d’autres histoires, cousines, sont directement dérivées du poème de Gervais du Bus. Le manuscrit présenté ici est une de ces variantes du Roman de Fauvel, où l’image l’emporte sur le texte jusqu’à constituer un véritable album. Intitulé L’Histoire de Fauveau, le manuscrit est peint de 40 dessins au trait, légendés par un auteur originaire d’Arras, Raoul Le Petit, qui avait pris connaissance du poème de Gervais du Bus. Il adopte la forme de l’" histoire en images ", un procédé narratif que vont redécouvrir deux artistes, l’un de la fin du XIX e siècle, considéré comme l’inventeur de la bande dessinée, Töpffer, l’autre du XXe siècle, auteur du célèbre Professeur Nimbus et du Savant Cosinus, Christophe.

 

Bibliographie du Roman de Fauvel
Arthur Langfors (éd.), Le Roman de Fauvel par Gervais du Bus, Paris, Firmin Didot, 1914-1919 (New York, Johnson Reprint, 1968).
Arthur Langfors (éd.), L’Histoire de Fauvain, Paris, Paul Geuthner, 1914.
Colette Beaune, Le Miroir du pouvoir, introduction de F. Avril, Paris, BNP et Hervas, 1989

Feuilleter

 

Il existe du Roman une édition luxueuse datant de 1316, laquelle comprend plus d’une centaine d’insertions musicales.  La musique regroupe toutes sortes de compositions en usage à l’époque : chants grégoriens, chansons courtoises, lais narratifs, chansons de rue obscènes, sans oublier de très beaux exemples de polyphonie dans le style avant-gardiste de l’Ars nova.