JEAN PHILIPPE RAMEAU

Dijon 1683-Paris 1764

 *Biographie  Chronologie  extrait(s)

Biographie

Son père, Jean Rameau, organiste de la cathédrale de Dijon, fut peut-être son premier maître, mais rien n'est établi avec certitude, car nous ne savons que très peu de choses de l'enfance et de la jeunesse du compositeur.

Après un voyage en Italie qui tourne court, il occupe divers postes d'organiste (Avignon, Clermont-Ferrand...), avant de monter à Paris, où, malgré la publication de son premier livre de clavecin (1706), il ne parvient pas à s'établir.

De nouveau organiste à Dijon, où il succède à son père (1708-1714), puis encore à Clermont-Ferrand, il faut attendre 1722 pour qu'il se fixe définitivement à Paris ; âgé de près de quarante ans, il n'a encore presque rien écrit et est quasi inconnu, si ce n'est par la publication de son Traité de l'harmonie (1722), dont la parution, très remarquée, attire l'attention sur lui.

Organiste des Jésuites, il publie son 2e Livre de clavecin (1724), mais est toujours considéré surtout comme un théoricien et un pédagogue.

La consécration ne viendra pour lui que plus tard, avec la rencontre du riche mécène et fermier général La Pouplinière qui le prend sous sa protection, lui fait connaître Voltaire (qui lui donnera quatre livrets d'opéra), et lui ouvre les portes de l'Opéra : la représentation d'Hippolyte et Aricie en 1733 est un succès, malgré la polémique déclenchée par la nouveauté de l'oeuvre et sa remise en cause de la tradition lulliste.

Nommé en 1745 compositeur de la chambre du Roi, il écrit alors ses plus grands chefs-d'oeuvre, Les Indes Galantes, Castor et Pollux, Dardanus (1735-39). Mais, alors qu'il est au faîte de la gloire, il est précipité dans la « querelle des Bouffons », qui éclate à l'occasion des représentations, à Paris, de La Serva padrona de Pergolèse : Rameau est alors l'objet des attaques furieuses des partisans de l'opéra italien, Rousseau et les Encyclopédistes en tête.

Répondant à la Lettre sur la musique française de Rousseau (1754), il rédige Les erreurs sur la musique dans l'Encyclopédie (1755), mais sa dénonciation des erreurs et des niaiseries de Rousseau et de ses amis sur la musique ne fait que renforcer l'hostilité de ses adversaires, qui feront tant et si bien que, quinze ans après sa mort, plus aucun opéra de Rameau ne figurait au répertoire de l'Opéra.

Rameau fut pourtant bien un novateur, et ses opéras constituent un renouveau total de l'opéra classique français, dans un style beaucoup plus audacieux et varié que celui de Lully, en particulier dans l'importance donnée à l'orchestre, avec l'introduction de véritables pièces de musique descriptive (comme, par exemple, le tremblement de terre des Indes Galantes).

Si sa musique religieuse, encore que d'une grande beauté, peut paraître un peu plus conventionnelle, sa musique instrumentale est tout aussi intéressante : les pièces de clavecin en concert, par le caractère virtuose donné à l'instrument soliste, annoncent le traitement qu'en feront Haydn et Mozart.

Enfin, l'influence de Rameau théoricien de la musique, fut considérable, notamment dans le domaine de l'harmonie, dont il a fondé les bases de l'enseignement.

CHRONOLOGIE

http://jp.rameau.free.fr/Chronologie.htm

 

Rameau - Sa vie, son oeuvre
Publications et essais.
Oeuvres musicales.

Repères historiques

1683

Naissance de Jean-Philippe Rameau, à Dijon. Il est baptisé le 25 septembre 1683 en l'église Saint-Etienne.

Ses parents sont Jean Rameau et Claudine de Martinécourt, fille d'un notaire, issue d'une famille de la petite noblesse. Jean-Philippe est le septième des onze enfants. Les quatre premiers ayant été des filles, le cinquième un garçon, puis une autre fille, et les cinq autres, des garçons. L'avant-dernier étant Claude, l'organiste, futur père du célèbre "Neveu de Rameau".
Le père, Jean Rameau, est organiste de deux églises de Dijon. C'est lui qui donne à ses enfants leur formation musicale et fait d'eux des musiciens accomplis. Outre Claude, l'organiste, et Jean-Philippe, un autre des enfants, Catherine Rameau, fait de la musique son métier ; excellente claveciniste elle l'enseigne à Dijon.
On dit de Jean-Philippe qu'il savait son solfège avant même de savoir lire et écrire.

Louis XIV s'installe à Versailles. Lully, Phaéton.

1684

 

Naissance de Watteau. Mort de Corneille.

Lully, Amadis.

1685

 

Révocation de l'Édit de Nantes. Lully, Roland.

Naissance de Bach, Händel et Domenico Scarlatti.
Première sonates en trio de Corelli.

1687

 

Mort de Lully. Charpentier, Te Deum.

1697

Rameau étudie au Collège des Godrans tenu par les Jésuites (actuelle Bibliothèque Municipale).. Ses parents espèrent le voir faire carrière dans la magistrature. "Il se distinguait par une vivacité peu commune, mais pendant les classes il chantait ou écrivait de la musique. Il ne passa pas la quatrième", témoigne le Père Gauthier, condisciple de Rameau au collège. En fait, les résultats de Jean-Philippe sont si déplorables que les Pères demandent à son père de le retirer.

Campra, L'Europe Galante.

1701

Jean-Philippe a décidé de devenir musicien. Il séjourne environ trois mois à Milan. Par la suite, il dit regretter de n'avoir pas prolongé son séjour en Italie, où il aurait pu perfectionner son goût. A son retour on le retrouve violoniste d'un orchestre itinérant Milanais (Marseille, Lyon, Nîmes, Albi, Montpellier).

A Montpellier, un certain Lacroix lui aurait enseigné la règle de l'octave pour réaliser la basse figurée. Selon Maret, Rameau n'aurait jamais eu de leçons de composition en dehors de celles  données par de son père.

Destouches, Omphale.

Marais, Premier livre de viole.

Début de la guerre de succession d'Espagne (jusqu'en 1713).

1702

De janvier à avril, Rameau est organiste à Notre - Dame des Doms à Avignon, en attendant l'arrivée du titulaire, Gilles.
En mai, il est à Clermont où il signe un contrat de six ans avec le chapitre de la cathédrale pour le poste d'organiste.
Rameau écrit ses première cantates.

Raguenet publie le Parallèle des Italiens et des Français en ce qui regarde la Musique et les Opéras.
Campra, Tancrède.

Louis Marchand, deux Livres de Clavecin.

1704

 

Galland, traduit les Mille et une Nuits.
Clérambault, Livre de clavecin.

1705

 

Le Cerf de la Viéville, Comparaison de la musique italienne et de la Musique française

1706

Apparemment, le contrat de Rameau à Clermont n'a pas été rempli jusqu'à son terme car on retrouve Rameau à Paris.
Jean-Philippe obtient le poste d'organiste chez les Jésuites, au collège Louis-le-Grand, rue Saint-Jacques, et chez les Pères de la Merci, rue du Chaume.
Jean-Philippe se lie avec Louis Marchand, l'organiste le plus réputé de l'époque.

En septembre, Jean-Philippe concourt pour l'orgue de la Madeleine. Il est retenu, mais ne prendra jamais la fonction, probablement pour n'avoir pas à abandonner ses deux autres postes.
Premier Livre de Pièces de clavecin.
Rameau repart assez rapidement pour la province ; en 1708 probablement, pour Dijon. On n'a guère de renseignements concernant ces années.

Marin Marais, Alcyone.
Mort de Pachelbel.

Premier voyage de Händel en Italie.

1707

Un duo paysan de Rameau est publié dans Les Airs sérieux et à boire, chez Ballard.

Hotteterre, Principes de la flûte traversière.
E. Jacquet de la Guerre, Suites.

1709

Le 27 mars 1709, Rameau signe avec le chapitre de Notre - Dame à Dijon*, où il succède à son père comme organiste. Le contrat était de six ans, mais il part avant le terme, et se rend à Lyon en 1713.

 

1712

 

Naissance de Jean-Jacques Rousseau.

1713

Rameau est maître organiste à Lyon, chez les Jacobins (Dominicains).

Plusieurs grands motets datent probablement de ce séjour à Lyon : Deus Noster Refugium, Quam dilecta., ainsi qu'un Exultet Coelum laudibus disparu. Et vraisemblablement les cantates Médée et L'Absence (perdues).

Naissance de Diderot.
Mort de Corelli.
François Couperin, Premier livre de Pièces de Clavecin.
Bach, Suites françaises (1713-1717).
Découverte des ruines d'Herculanum.

1714

Mort de Jean Rameau, le père. Rameau se rend à Dijon où il reste jusqu'au mariage de son frère.

Grandes Nuits de Sceaux.
Naissance de Gluck.

1715

Janvier : Mariage de Claude Rameau, le frère cadet de Jean-Philippe.

Le 1er avril, Rameau est à nouveau engagé comme organiste à la cathédrale de Clermont. Il y demeure jusqu'à son départ pour Paris en 1722.

Il avait signé un contrat de 29 ans qu'une fois encore il ne mena pas à son terme. C'est à Clermont que Maret place cet anecdote amusante sur la manière dont Rameau aurait conquis sa liberté. Rameau voulait partir, mais le Chapitre s'y opposait, alors, à l'occasion d'une messe, le compositeur mit tout son art à produire la plus mauvaise musique qu'il lui fut possible, dans un style heurté et usant des pires désaccords. C'était si insupportable qu'on lui demanda d'arrêter. Le chapitre le blâma, mais il répondit qu'il ne jouerait plus qu'ainsi aussi longtemps que sa liberté lui serait refusée. Que put faire le chapitre, sinon accepter.
Cette anecdote est également attribuée à son frère Claude.

De cette période dateraient les cantates Aquilon et Orithie, Téthis et L'Impatience.
C'est pendant cette période Clermontoise que Rameau approfondit ses connaissances théoriques et ses réflexions sur la musique et élabore les théories qu'il publie dès son arrivée à Paris quelques années plus tard.

Mort de Louis XIV. Régence du Duc d'Orléans.

Couperin, Les Goûts réunis.

1716

Motet Deus Noster Refugium.

Couperin, Second livre de clavecin.

Händel, La Passion selon Brocke.

1717

 

Couperin, L'Art de toucher au  clavecin.
Marais, Quatrième livre de viole.
Naissance de d'Alembert.
Watteau, l'Embarquement pour Cythère.

1718

Motet In Convertendo.

Defoe, Robinson Crusoe.
Watteau, Gilles.
Dandrieu, Principes de l'accompagnement du clavecin.

1720

Quam dilectat, motet.

Benedetto Marcello, Il Teatro alla Moda.

1721

Cantates Les Amants trahis et Orphée.

Pierre le Grand devient Tsar de Russie.

Mort de Watteau.

Montesquieu, Lettres Persanes.
Les Éléments, Destouches & Lalande.

1722

Rameau quitte Clermont et part s'installer définitivement à Paris. Il arrive à Paris à la fin de 1722 ou au tout début 1723. Il donne des leçons de clavecin et de composition. Il travaille également pour le Théâtre de la Foire, fournissant des musiques pour les pièces de Piron, un autre Dijonnais.

Publication du Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels. Cet écrit contient la partition du Laboravi, mouvement certainement extrait d'un grand motet. Cette oeuvre lui vaut sa réputation de théoricien et de savant.

 Jean-Sébastien Bach, Le Clavier bien tempéré.
Couperin, Troisième livre de clavecin.
  Händel, Ottone.

1723

L'Endriague, sur un livret de Piron, est donnée le 8 Février, avec un "morceau mis en haute musique".

Campra est nommé sous-maître de la Chapelle Royale. Mort du Régent. Colin de Blamont, Les Fêtes Grecques et romaines.

1724

Deuxième livre de pièces pour clavecin, introduit par la Méthode de la Mécanique des doigts.

 

1725

A la Foire, on présente un spectacle d'Indiens de Louisiane intitulé Les Sauvages. Rameau en écrit la musique.

Louis XV épouse Marie Leczinska.
Philidor fonde Le Concert Spirituel.
Mort d'Alessandro Scarlatti.

1726

Le 25 février, en l'église de Saint-Germain l'Auxerrois, à Paris, Rameau épouse Marie-Louise Mangot, fille d'un "Symphoniste du Roi" et d'une danseuse de ballet. Elle a 19 ans et est elle-même musicienne et chanteuse.
Le ménage s'installe rue des Petits-Champs.
Rameau publie son Nouveau Système de Musique théorique., Il compose L'Enrôlement d'Arlequin, et La Robe de Dissension, pour le théâtre de la Foire, sur des livrets de Piron. Rameau aurait été présenté (probablement par Piron) à son futur mécène, La Pouplinière, durant ces années. Avant 1727, en tous cas.

Mort de Delalande.
Rebel & Francoeur, Pyrame et Thisbé.
Vivaldi, Les Quatre Saisons.

Swift, Les Voyages de Gulliver.

 

1727

Naissance du premier enfant des Rameau, Claude-François, baptisé le 8 août en l'église de Saint-Germain l'Auxerrois.
Rameau est organiste à l'église Ste-Croix de la Bretonnerie. Il occupe ce poste jusqu'en 1738, au moins.
Il se présente pour l'orgue de Saint Paul, mais on lui préfère Daquin.
25 octobre, Rameau, qui veut se lancer dans la composition d'opéra écrit à Houdar de la Motte, le librettiste du moment, pour lui demander un livret (
Lettre à Houdar de la Motte). On ignore ce que La Motte répondit, toujours est-il qu'il n'a pas fourni le livret.

Aquilon et Orithie, Thétis, Le Berger fidèle,  cantates.

Nouvelles Suites de Pièces pour Clavecin.

Tobias Westbladh, de l'Université d'Upsal, publie la première  thèse à s'intéresser aux théories de Rameau.

Avènement de Georges II en Angleterre.
Händel compose l'Hymne du Couronnement - Coronation Anthem.

En Russie, Pierre II succède à la Grande Catherine.

1728

Cantate Le Berger fidèle.

Thèse d'Antonius Löfgrön, de l'Université d'Upsal qui s'intéresse lui aussi aux écrits théoriques de Rameau.

1730

 

Couperin, Quatrième livre de Pièces de Clavecin.
Marivaux, Le Jeu de l'Amour et du hasard.
Goldoni, Don Juan.

1731

Rameau obtient la direction de l'orchestre privé de La Pouplinière.

Abbé Prévost, Manon Lescault.

1732

Rameau rencontre l'Abbé Joseph-Simon Pellegrin, futur librettiste d'Hippolyte et Aricie, chez La Pouplinière.
Dissertation sur les différentes méthodes d'accompagnement.
Rameau obtient l'orgue de la Bretonnerie.
Naissance du deuxième enfant, Marie-Louise, baptisée le 15 novembre. La famille Rameau habite maintenant rue du Chantre.

Première apparition de Rameau dans un dictionnaire, le Musicalisches Lexicon oder Musicalische Bibliothec von Johann Gottfried Walther, Leipzig

Mort de Louis Marchand.

Naissance de Haydn.

Evrard Titon du Tillet publie Le Parnasse françois, en hommage aux musiciens du règne de Louis XIV. Deux suppléments seront publiés en 1743 et 1755.

1733

Hippolyte et Aricie, livret de Pellegrin, est joué en privé par l'orchestre et les chanteur de La Pouplinière, en mars ou avril, à son domicile de la Rue-Neuve des Petits-Champs. En Juillet, commencent les répétitions à l'Opéra. La première exécution en public a lieu le 1er  octobre.

Cette oeuvre initie la querelle entre les Lullistes et les Ramistes (ou querelle entre les Anciens et les Modernes). Les Lullystes fustigent l'oeuvre de Rameau pour ses audaces.

Vers la fin de l'année, en collaboration avec Voltaire, Rameau travaille à la composition de Samson .

Guerre de Succession de Pologne.
Mort de François Couperin.
Pergolèse, La Serva Padrona.
Bach, Messe en Si Mineur.
Voltaire, Lettres Philosophiques, Lettres anglaises.

1734

Les Courses de Tempé, pour le théâtre de la Foire, livret de Piron. Hippolyte et Aricie est donné à Dijon.

Tartini, Sonates pour violon, op. 1.
Bach, Oratorio de Noël.

1735

Les Indes Galantes, ballet héroïque sur un livret de Fuzelier. Rameau s'installe au 21 de  la rue des Bons Enfans (près du Palais Royal) où il reste jusqu'en 1744.

Aubert, Premier livre français de concertos pour violon. Pergolèse, Olimpiade.

Dom Calmet, Histoire naturelle.

1736

Samson, oeuvre de Rameau sur un livret de Voltaire est interdite par la censure (livret).
Castor et Pollux, tragédie lyrique, sur un livret de Bernard, donnée à Versailles.
"Rameau, fameux musicien, qui a déjà fait trois opéras, vient de donner le quatrième, qui est Castor et Pollux. Cet opéra n'a point réussi, et a donné même occasion aux vers ci-joints, qui n'ont point été faits par un poète, mais par un homme du monde:
Contre la moderne musique
Voici ma dernière réplique :
Si le difficile est le beau,
C'est un grand homme que Rameau ;
Mais si le beau, par aventure,
Etait la simple nature,
Dont il doit être le tableau,
C'est un sot homme que Rameau
.
Mémoires du duc de Luynes, 25 novembre 1736.


Rameau ouvre son École de Composition

  Cartaud de la Vilate, Essai historique et philosophique sur le goust, Amsterdam.
Mort de Pergolèse.
Mort de Caldara.

1737

Castor et Pollux, tragédie lyrique.
Publication de La Génération Harmonique.

L'abbé Desfontaines publie Observations sur les Ecrit modernes dans lequel il condamne La Génération Harmonique.

En réponse à Desfontaines, Thérèse des Hayes (madame La Pouplinière), élève de Rameau, publie une "étude sur la Génération Harmonique de Rameau", dans Le Pour et le Contre, revue dirigée par l'abbé Prévost.
(voir texte).


Construction du Théâtre San Carlo à Naples.
Campra, Deuxième livre de motets à grand choeur.
Linné publie sa Classification des végétaux.

1738

Rameau abandonne l'orgue de la Bretonnerie.

Fin de la guerre de succession de Pologne.

1739

Les Fêtes d'Hébé, ballet en 3 actes.  Dardanus, tragédie lyrique.

Dupré est nommé maître de ballet de l'Opéra.
De Brosses, Lettres d'Italie.

1740

Naissance du troisième enfant de Rameau, Alexandre, mort en bas âge.

Ouverture de la succession d'Autriche. Rupture de la France avec l'Angleterre.

Händel, Deidamia, son dernier opéra.

1741

Pièces de clavecin en concert.

Mort de Vivaldi.

1742

 

Händel, Le Messie.
Bach, Variations Goldberg.
30 janvier 1742 - Reprise des Amours de Ragonde de Jean-Joseph Mouret, par l'Académie Royale de Musique, près de trente ans après sa création (1714).
L'oeuvre fut par la suite régulièrement  programmée.

1744

La famille Rameau quitte l'Hôtel d'Effiat, 21 rue des Bons Enfans pour s'installer rue Saint-Honoré.
Naissance du quatrième enfant, Marie-Alexandrine.
Les Jardins de l'Hymen ou La Rose, pour la Foire, sur un livret de Piron.

Mort de Campra. Bach, Le Clavier bien tempéré, deuxième livre.

1745

Rameau est nommé Compositeur de la Musique du Cabinet du Roi, et reçoit une pension de 2000 livres.

Rameau se tourne vers un type d'oeuvres plus légères que ses tragédies en musique, privilégiant l'opéra-ballet, la pastorale.

La Princesse de Navarre, divertissement composé par Rameau pour la pièce de Voltaire, est donné à Versailles.
"L'après-dinée, sur les cinq heures, le Roi vint chez M. le Dauphin et chez Madame la Dauphine. Le ballet devait commencer à six heures. Les paroles sont de Voltaire et la musique de Rameau ; le sujet de la pièce est la Princesse de Navarre... Le ballet ne finit qu'à dix heures ; il paraît que le musique a été fort approuvée."
Mémoires du Duc de Luynes, 24 février 1745.

Platée, comédie-ballet, Versailles.

Les Fêtes de Polymnie, ballet en trois entrées et un prologue sur un livret de Cahusac.

Le Temple de la Gloire, opéra-ballet destiné à fêter la victoire de Fontenoy (guerres de succession d'Autriche) est donné à Versailles, dans la salle des Petites Ecuries.
"Le spectacle et les décorations m'ont paru être approuvés. La musique est de Rameau ; on a trouvé plusieurs morceaux qui ont plu ; et le Roi même, à son grand couvert le soir, en parla devant Rameau comme ayant été content. Les paroles sont de Voltaire ; elles sont fort critiquées. Voltaire était le soir aussi au souper du Roi, et le Roi ne lui dit mot. Le sujet est le Temple de la Gloire, où les conquérants ne sont point admis par le seul titre de leurs victoires ; Belus, Bacchus en sont exclus, et Trajan y est reçu comme joignant les plus grandes vertus aux plus grands exploits".
Mémoires du Duc de Luynes, 30 novembre 1745.

Louis XV déclare la guerre à l'Angleterre et à l'Autriche.

1746

Le Temple de la Gloire, très largement remanié (3 entrées et un prologue) est repris à  l'Académie royale de musique.
La famille Rameau s'installe rue Richelieu.  

1747

Les Fêtes de l'Hymen et de l'Amour, ballet en 3 entrées et un prologue.
"J'ai toujours oublié de parler du ballet de mercredi. Les paroles sont de M. Cahusac et la musique de Rameau ; on l'avait d'abord intitulé Les Dieux de l'Egypte, mais on a changé ce nom, et on l'a nommé Les Fêtes de l'Hymen et de l'Amour. La musique de Rameau a en général un grand nombre de partisans, et il faut convenir qu'elle est remplie d'harmonie. Les amateurs de Lully trouvent que Rameau est quelquefois singulier, et que plusieurs de ses ouvrages sont dans le goût italien : c'est le jugement que ses critiques ont porté sur les opéras de sa composition qui ont paru ; cependant on ne peut s'empêcher d'avouer que c'est un des plus grands musiciens que nous ayons. L'opéra de mercredi dernier a été jugé suivant ces différents sentiments ; tous les connaisseurs , et Rameau lui-même, conviennent que l'ouverture n'est pas bonne, et il compte en faire une autre. D'ailleurs, il y a des morceaux de musique admirables, une musette, un choeur qui est singulier, mais qui fait un très bel effet. Le Roi parut en être content ; il s'arrêta pour parler à Rameau ; il lui dit qu'il ferait peut-être encore jouer cet opéra après Pâques."
Mémoires du Duc de Luynes, 18 mars 1745.


La Dauphine, pièce pour clavecin.

1748

Zaïs, pastorale héroïque en un prologue et 4 actes.
Pygmalion, acte de ballet.
Les Surprises de l'Amour, ballet donné à Versailles.
"Mercredi dernier le Roi vit pour le première fois la nouvelle salle d'opéra construite dans l'escalier des ambassadeurs... On exécuta ce jour-là un opéra ou divertissement en trois actes, composé de trois sujets différents, un prologue et deux ballets, dont les paroles sont du Sr Bernard, secrétaire de M. le maréchal de Coigny et des dragons et bibliothécaire de Choisy, et la musique de Rameau. Le prologue est Le Retour d'Astrée ; on avait représenté les forges de Lemnos.
Madame la duchesse de Brancas faisait Astrée ; M. le duc d'Ayen, Vulcain ; M. de la Salle, le Temps ; Mme Marchais, un Plaisir ;
Le premier ballet est intitulé La Lyre enchantée. Madame de Pompadour y faisait Uranie ; M. de la Salle, Linus, fils d'Apollon ; Mme Marchais, l'Amour.
Le second ballet était intitulé Adonis.
Madame de Pompadour y faisait Vénus, et y joua et chanta tout au mieux ; Mme Marchais faisait l'Amour : Mme la duchesse de Brancas, Diane ; M. le duc d'Ayen, Adonis ; M. le vicomte de Rohan, un suivant de Diane...
Entre ces gradins et le théâtre est l'orchestre, qui est plus grand que celui de la petite galerie, et contient environ quarante places. Les musiciens et les spectateurs sont fort à leur aise, et l'on entend, de partout, facilement la voix des acteurs..."
Mémoires du duc de Luynes, 29 novembre 1748.

Traité d'Aix-la-Chapelle, terminant les guerre de succession d'Autriche (28 octobre).

Denis Diderot, Mémoire sur différents sujets de mathématique, & Principes généraux de la science des sons.
Monsieur et madame La Pouplinière se séparent. Les concerts sont interrompus. Ils ne reprennent qu'en 1751.
Montesquieu, l'Esprit des lois.
David Hume, Essais philosophiques.
Découverte des ruines de Pompéi. 

1749

Naïs, pastorale héroïque, oeuvre destinée à célébrer la Paix d'Aix-la-Chapelle.
Zoroastre, tragédie lyrique - 5 Décembre, Académie Royale de Musique.
Juillet, Lettre de Rameau sur Platée à  M. de Ste Albine.
Rameau dépose à l'Académie Royale des Sciences son Mémoire où l'on expose les fondements d'un système de Musique théorique et pratique. Il le publie l'année suivante sous le titre de  Démonstration du Principe de l'Harmonie.

Händel, Royal Fireworks, oeuvre également destinée à fêter la Paix d'Aix-la-Chapelle.
Naissance de Goethe.
Bach, L'Art de la Fugue.
Buffon, Histoire naturelle de l'Homme.
Diderot, Lettre sur les aveugles.

1750

Rameau, Démonstration du principe de l'harmonie, dont Diderot a aidé la rédaction.
Platée est reprise.

Mort de Bach & Albinoni.  Rousseau, Discours sur les Lettres & les Arts. Distribution du prospectus de l'Encyclopédie.

1751

Acanthe et Céphise, pastorale héroïque en 3 actes, sur un livret de Marmontel, créée le 18 novembre, à l'Académie Royale de Musique à l'occasion de la naissance de Mgr le duc de Bourgogne.
La Guirlande ou Les Fleurs enchantées, opéra-ballet en un acte, sur un livret de Marmontel. Donné le 21 septembre à l'Académie Royale de Musique.
Reprise des Indes Galantes, dans une mise en scène de Servandoni.
Rameau reprend et retouche son motet In Convertendo.
Marie-Louise, la seconde fille de Rameau, prend le voile, chez les Visitandines de Montargis. Rameau n'assiste pas à la cérémonie.

  Diderot, Lettre sur les Sourds et les Muets.
Voltaire, Le Siècle de Louis XIV.
Hume, Enquête sur les principes de la morale.

Publication du premier tome de l'Encyclopédie et du Discours préliminaire  de d'Alembert.

1752

Rameau est engagé dans la Querelle des Bouffons.
Daphnis et Eglé, acte de ballet.
Linus. Cette oeuvre de Rameau ne fut jamais jouée. L'oeuvre en répétition chez la marquise de Villeroi fut mystérieusement perdue.
Création d'une Société Littéraire à Dijon, à laquelle Rameau est invité à siéger.

14 Janvier : reprise d'Omphale de Destouches, à l'Académie Royale de Musique. Point de départ de la Querelle des Bouffons. Sorte d'acharnement des philosophes à comparer l'incomparable et à juger l'opéra sérieux français à l'aune de l'opéra-bouffe italien.
17 Janvier : Zoroastre, est donné à Dresde en italien. Le livret ayant été traduit par Casanova.
Février : Melchior Grimm publie sa Lettre sur Omphale.
1er Août : Les Bouffons Italiens reprennent La Serva Padrona de Pergolèse. Ce n'était pas la première fois que l'on jouait cette oeuvre à Paris. Six ans auparavant cette même oeuvre avait été un échec.
D'Alembert, Eléments de Musique théorique et pratique suivant les principes de M. Rameau.
Rousseau, Le Devin de village. L'oeuvre est présentée devant la cour à Fontainebleau les 18 et 24 octobre. Il fut créée à l'Opéra le 1er mars 1753.
Quantz, Méthode de flûte traversière.

1753

Lysis et Délie, pastorale
Les Sybarites, acte de ballet sur un livret de Marmontel. Représenté devant la cour à Fontainebleau  le 13 novembre.
Rameau rompt avec la Pouplinière.

Rameau, Réflexions sur la manière de former la voix.
Rameau,  Réponse à Euler.

Janvier : Grimm publie Le Petit Prophète de Boemischbroda.
Novembre :Rousseau attaque Rameau, dans sa Lettre sur la Musique française. Cela lui vaut d'être pendu en effigie par les musiciens de l'Opéra.
Diderot, De l'Interprétation de la nature.
Troisième volume de l'Encyclopédie.
Dauvergne, Les Troqueurs.
Buffon, Discours sur le style.

1754

Rameau publie Observations sur notre instinct pour la musique et sur son principe.
La naissance d'Osiris, acte de ballet.
Anacréon.
On donna ensuite un ballet d'un acte intitulé Anacréon, dont les paroles sont de M. Cahusac et la musique de Rameau ; les avis sont partagés sur cet ouvrage...
Mémoires du duc de Luynes, Fontainebleau, 27 octobre 1754.
Le Spectacle de samedi dernier était la seconde représentation d'Anacréon ; comme cet acte n'a  absolument pas réussi pour le musicien et le poète, voici le propos qui court : ce n'est plus Rameau, mais c'est toujours Cahusac.
Mémoires du duc de Luynes, Dampierre, 30 octobre 1754.

Castor et Pollux est repris, dans une version remaniée. C'est un triomphe éclatant qui met provisoirement fin à la
Querelle des Bouffons.
Jamais succès n'a pu être comparé à celui-là, puisqu'il n'éprouva aucune contradiction, et que plus de cent représentations de suite ne purent diminuer le plaisir que tout Paris éprouvait à entendre ce bel Opéra, qui parlait à la fois à l'âme, au coeur et à l'esprit, aux yeux, aux oreilles et à l'imagination".
La Borde, Essai sur la musique.

Cahusac, Traité historique de la Danse.
Tartini, Trattato di musica secondo la vera scienza dell'Armonia.
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité.

1755

Rameau publie Erreurs sur la Musique dans l'Encyclopédie.

1756

Rameau publie Suite des Erreurs sur la musique dans l'Encyclopédie. 20 janvier : reprise de Zoroastre, dans une version profondément modifiée.

Début de la guerre de sept ans.
Naissance de Mozart.

1757

Anacréon est ajouté aux Surprises de l'Amour.
Rameau publie : Réponse de M. Rameau à MM. les éditeurs de l'Encyclopédie sur leur dernier avertissement (
voir le texte).
L'Académie Royale de Musique, alors dirigée par Rebel et Francœur, conclut avec Rameau un contrat d'exclusivité, assorti d'une pension annuelle de 1500 livres.
12 juillet : Reprise des Sybarites à l'Académie Royale de Musique.

Diderot, Le Fils Naturel.
Par mesure d'économie, les grands spectacles de Fontainebleau sont supprimés.

Mort de D. Scarlatti.

C.P.E. Bach, Essai sur la véritable manière de toucher le clavecin.

1758

Rameau compose la musique d'une comédie mêlée de vaudevilles intitulée Le Procureur dupé. C'était une commande privée. La musique est perdue.

175

Reprise de Dardanus. C'est un triomphe.
Le public en dernier lieu, a rendu une justice éclatante à ses talents ; c'était à une représentation de Dardanus. On l'aperçut à l'amphithéâtre ; on se retourna de son côté et l'on battit des mains pendant un quart d'heure ; après l'Opéra, les applaudissements le suivirent jusques sur l'escalier".
Fréron, Année littéraire, 30 octobre, 1760.

Rameau soumet à l'Accademia delle Scienze dell'Instituto di Bologna un manuscrit intitulé Nouvelles Réflexions sur le Principe sonore. Il en publie une version très modifiée l'année suivante.

Traetta s'inspire de l'Hippolyte et Aricie de Rameau pour créer son Ippolito ed Aricia, sur un livret traduit du français par l'abbé Frugoni. Traetta conserva des parties de la musique originale. L'oeuvre fut donnée à Parme.

1760

Les Paladins, comédie-ballet.
Rameau : Code de la Musique Pratique ou méthode pour apprendre la musique même à des aveugles, pour former la voix et l'oreille, pour la position de la main, avec une mécanique des doigts sur le clavecin et l'orgue, pour l'accompagnement... avec de nouvelles réflexions sur le principe sonore.
Rameau publie Nouvelles réflexions sur le principe sonore.
Rameau : Lettre à M. d'Alembert.
Rameau revient habiter  rue des Bons-Enfans.

Noverre, Lettre sur la danse et sur les ballets.
Mort de Georges II, Georges III lui succède.

1761

Rameau devient membre de l'Académie de Dijon.
Correspondance avec d'Alembert.

Rousseau, La Nouvelle Héloïse.

1762

Rameau publie sa Lettre aux Philosophes, dans le Journal de Trévoux.

Dans une lettre le Padre Martini demande à Rameau d'aider Goldoni qui vient de s'installer à Paris.

Orfeo, de Gluck. D'Alembert, Éléments de Musique théorique et pratique suivant les principes de M. Rameau, éclaircis, développés et simplifiés. Rousseau, Le Contrat social et Émile.

1763

Les Boréades. Dernière oeuvre de Rameau. Il y eut des répétitions, une le 25 avril à Paris, au magasin de l'opéra, rue Saint-Nicaize, et une autre le 27 avril à Versailles, mais pour des raisons obscures, l'oeuvre ne fut pas jouée.

10 février, signature du Traité de Paix qui met fin à la Guerre de Sept Ans. 6 avril : la salle de l'opéra de Paris est dévastée par un incendie. Séjour de Mozart à Paris.

1764

En début d'année Rameau reçoit ses lettres de noblesse, et est nommé chevalier de l'Ordre de Saint-Michel. Il choisit ses armoiries : "d'azur à une colombe d'argent tenant dans son bec un rameau d'olivier d'or".
Rameau publie : Vérités également ignorées et intéressantes tirées du sein de la nature.
Il meurt le 12 septembre 1764, d'une fièvre qui l'emporta après trois semaine de maladie - "fièvre putride", écrivit Bacheaumont.

Les funérailles eurent lieu le lendemain et rassemblèrent en l'église Saint-Eustache une foule immense.

Quinze jours plus tard, un service solennel fut donné à l'Oratoire de la rue Saint-Honoré, à la demande de Rebel et Francœur, directeurs de l'Opéra.
180 musiciens de l'Opéra et de la chapelle du Roi y exécutèrent la Messe de jean Gilles, à laquelle on avait intégré des choeurs de Castor et Pollux et de Dardanus.

Un autre service eut lieu aux Carmes du Luxembourg - musique de Philidor.

Un troisième service fut donné à l'oratoire - Le De Profundis de Rebel y fut joué.

Il est inhumé le 13, en l'Église Saint-Eustache.

Mort de la marquise de Pompadour.
Mort, à Paris, de Jean-Marie Leclair, violoniste et compositeur ; mort de Locatelli, à Amsterdam, et de Mattheson à Hambourg.
Inauguration de la nouvelle salle des Tuileries (salle des Machines, aménagée par Soufflot,
réplique exacte de la salle du Palais Royal.) avec la reprise de Castor et Pollux.
L'opéra sera repris quatre fois encore jusqu'en 1784, avec toujours le même succès.
En octobre et novembre, pendant le séjour de la cour à Fontainebleau, on donne Dardanus et Castor et Pollux.
Premier séjour de Gluck à Paris.
Voltaire publie son Dictionnaire philosophique.

1766

 

Dr Hugues Maret, Éloge historique de M. Rameau, Dijon.

1770

 

Zoroastre est donné à l'Opéra de Paris lors de l'inauguration de la nouvelle salle. C'est la version de 1756 qui est reprise, avec des coupures, et des parties de sa main ajoutées par Berton, le directeur de l'époque.

Extrait(s)

Forêts Paisibles  Frans Brüggen, orchestre du XVIIIe s. 2 CD PHILIPS, réf. 420-240-2. (Les  Boréades et Dardanus), et 438-964-2 (Les Indes Galantes).

L’Agaçante - Pièce de clavecin tirée du Deuxième Concert 

Le Rappel des Oiseaux

Voir aussi:

Personnages, lieux, en relation avec la vie et l'oeuvre de Jean-Philippe Rameau

JEAN-PHILIPPE RAMEAU: MAGICIEN DE LA SCÈNE

JEAN-PHILIPPE RAMEAU: LE CLAVECIN LYRIQUE DE RAMEAU

http://www.memo.fr/article.asp?ID=PER_MOD_035

*

Notre-Dame de Dijon

Cette église fut édifiée, en un temps record pour l'époque, entre 1230 et 1250. Sa façade est peuplée de trois rangées de fausses gargouilles. 51 au total. 

En 1383, pour soutenir son oncle le roi de France Charles VI, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, envoie une armée contre les Gantois révoltés. Ceux-ci s'enfuient à Courtrai, qui est vaincue et mise à sac. Philippe le Hardi, pour marquer sa victoire, décapite le beffroi de la ville, c'est l'usage. Celui-ci était surmonté d'une horloge dotée d'une figure humaine frappant les heures sur une cloche, considérée alors comme une merveille.
Il l'offre à la ville de Dijon, capitale de ses États. Les Dijonnais décident de la placer sur l'amorce de la tour sud de la façade de Notre-Dame.

1383  La cloche, brisée pendant le transport, est refondue en augmentant son poids et la baptisèrent Marguerite, du nom de sa marraine: Marguerite de Flandres.  Elle est  installée avec le mécanisme sur la façade de Notre-Dame.

1500  L'automate et son mécanisme sont appelés "Jacquemart" pour la première fois dans les comptes.

A la découverte des Jacquemarts.

http://www.automates.info/bibliotheque/articles/jaquemarts0.htm

Associé dès l'Antiquité à l'horloge à eau (clepsydre) ou au cadran solaire, l'automate trouve, au XIV siècle, avec l'essor de l'horloge mécanique monumentale une expression privilégiée au coeur des villes : le jaquemart, "figure de fer, de plomb ou de fonte qui représente un homme armé que l'on place sur le haut d'une tour pour frapper les heures" selon le Dictionnaire de l'Académie.
La plus ancienne de ces horloges à automates fût construite en 1351 à Ovieto en Italie. Un homme de bronze d'environ 1.65m frappait les heures grâce à un système de leviers reliés à un mécanisme à poids. Une incarnation du temps qui connaîtra une diffusion rapide en Europe. On trouve des traces de Hans en Allemagne, Jean en Flandres ou Jack'O Clock en Angleterre.

L'horloge à jaquemart : "Faire entendre le temps"

Le Moyen-Age avait conservé l'usage antique de journées de 24 heures qui variaient selon les saisons (une heure du jour longue en juin mais courte en décembre). L'horloge mécanique d'origine monastique et son principe de l'"échappement" (c'est à dire le contrôle de "l'échappement" de la force motrice vers l'horloge.) vont bouleverser cette notion d'un temps coulant sans interruption. Désormais l'horloge, l'automate, en plein coeur d'un monde urbain, égrènent régulièrement les heures et donnent à entendre un temps rythmé par le bruit d'une machine.  Comment s'effectuait l'animation des personnages : "Les bras de leviers étaient solidaires des rouages de l'horloge. A chaque heure le passage d'un cran déclenchait l'action d'un contre-poids qui faisait pivoter un grand axe vertical. Cette tige dissimulée dans les jambes du jaquemarts comportait différents leviers dont le déplacements entraînait de petits gestes des bras ou des petits mouvements de tête. un marteau dans la main frappait la cloche de bronze" (Chapuis et Gélis, "Le Monde des Automates", étude historique et technique", Éditions du Griffon, 1928)

Le jaquemart : incarnation du mystère religieux du temps
Ces personnages étaient installés au sommet de tour-horloge pour saluer Dieu et souligner les aspirations de l'homme vers le ciel. Seuls, au départ, ils évolueront avec les années dans de véritables scènes religieuses, représentant la Sainte Famille et son environnement. Ainsi celui de Reims : "Deux groupes de statuettes, la Sainte Famille et les Rois Mages défilaient devant la Vierge." (Chapuis et Gélis "Le Monde des Automates", étude historique et technique", Editions du Griffon, 1928). Religion mais aussi codification symbolique du monde astral, de nombreuses horloges monumentales offriront aux badauds signes du zodiaque, calendrier lunaire ou cours ptoléméen des planètes ..

 

Le jaquemart : coeur de la cité
La présence d'un beffroi*
à jaquemart assurait la réputation d'une cité médiévale. véritable spectacle populaire, le ballet régulier des personnages, le mystère des nombreux calendriers attire le chaland prêt à la dépense. Pour exemple la cathédrale de Wells, construite en 1392 : "Des cadrans indiquaient l'heure, l'âge et les phases de la Lune. Face à celle-ci, se tenait un Phébus, symbole du Soleil. Un autre cadran était muni d'une grande et d'une petite aiguille concentrique, la seconde, ornée d'un Soleil faisant le tour complet en vingt-quatre heures. Au-dessus, dans une niche, deux groupes de deux chevaliers en armure venaient à la rencontre l'un de l'autre; au moment où la cloche sonnait l'heure, l'un deux était désarçonné, puis une fois hors de vue, se remettait en selle. un personnage en uniforme, Jack Blandifet, sonnait chaque heure de son marteau, mais frappait les quarts d'heure de ses talons sur deux cloches plus petites" ("Les Découvreurs", Daniel Boorstin, Seghers, 1986). Plus important, les cloches avaient un véritable rôle social en assurant la diffusion des informations (alarmes, catastrophes, réjouissances ...) et l'ornementation des horloges apportait des indications pour la vie quotidienne. en 1473, un visiteur de Mantoue déclarait que l'horloge indiquait "la période la plus propice pour pratiquer une phlébotomie ou une opération chirurgicale, confectionner une robe, cultiver la terre, entreprendre un voyage, ainsi que pour quantité d'autres choses fort utiles en ce monde". ("Les Découvreurs", Daniel Boorstin, Seghers, 1986)

Il existe en France environ une vingtaine de jacquemarts : Strasbourg, Besançon, Aigueperse,  Romans-sur-Isère, Thann, Auffay, Lyon, Feurs, Molsheim, Clermont-Ferrand, Compiègne, Benfeld, Montbard, Lambesc, Montdidier, Moulins, Beaumont-le-Roger vous attendent ... Nous vous présentons ici quelques "célébrités ..."

DIJON

 Pour la petite histoire, l'horloge fût transportée par Jean le Gand, voiturier, pour la somme de 32 francs et demi puis installée par le mayeur Jossuet de la Halle sur la façade de Notre-Dame.

"Je suis en haut toujours de garde
humant le bon vin, la moutarde
et de minuit jusqu'à midi
tout en fumant une bouffarde
je sonne. Hardi petit, hardi."

Au XVIIe siècle une personnage féminin fut ajouté au jacquemart, puis un petit garçon au XVIII ème et enfin une petite fille au XIXe.

AVIGNON

Taillé dans du bois de figuier, ce couple de jacquemarts fonctionne depuis 1472. Trois ans plus tard, les artisans de la ville confectionnèrent à l'homme un costume de métal grâce à vingt feuilles de fer blanc. Selon l'archiviste Paul Achard, ce costume était celui d'un guerrier romain chaussé de brodequins. L'apparence du jacquemart fluctua selon les périodes : coiffé d'un bonnet phrygien sous la Terreur ou d'un chapeau de tôle sous l'Empire, il ne prendra son apparence actuelle qu'en 1838. Le sculpteur Rousseau taillera un couple en bois d'environ 2 mètres de hauteur dans un style plus moyenâgeux.

LAVAUR

Au temps des guerres de religion de la fin du XVIe siècle, catholiques et calvinistes se disputaient la possession de Lavaur. un jour, les catholiques, sorties de la ville pour repousser une troupe de calvinistes, se seraient emparés d'un groupe d'assaillants et de son chef - auquel la légende attribue le nom de Jacques Marc - Emprisonné à Saint-Alain, dans la tour de l'horloge, il se serait vu condamné à sonner les heures nuit et jour en place du sonneur ordinaire. Le prisonnier, qui avait quelques notions de mécaniques, aurait découvert sous les combles de l'église, des débris de madriers, de planches et de ferrailles. A l'insu de son gardien, il parvient à constituer un mécanisme capable de sonner les heures régulièrement. A la faveur de la nuit, laissant,  sa cloche-automate sonner, il s'échappa.
Le premier jacquemart de Lavaur, sculpté dans du coeur de chêne, date de 1523. La pièce visible actuellement, bien qu'en cours de restauration, a été mise en place en 1922.

CAMBRAI

"Martin et Martine commémorent l'exploit de deux géants, qui,  en 1360 du temps du Comte Évêque Robert de Genève, se trouvaient au nombre des bourgeois sortis la nuit pour combattre le Seigneur de Thun l'Évêque qui terrorisait la contrée. Au petit jour, la troupe surprenait la garnison de la forteresse; Martin simple forgeron, n'était armé que d'un lourd maillet de fer ainsi que sa femme Martine. Face à  face avec le chef des assiégés, il lui asséna un coup de massue, le casque du Seigneur ne se brisa pas mais s'enfonça jusque sous les yeux; étourdi, aveuglé, le Comte devint presque fou et les défenseurs du castel se rendirent. Martin et Martine devinrent les champions de la liberté et les défenseurs du droit contre la force brutale."
(in "Heurts et Malheurs de Martin et Martine" aimablement fourni par l'Office de Tourisme de Cambrai)

 

En Belgique

Nivelles.

Djean, le jaquemart de Nivelles
Géant de cuivre accolé aujourd'hui à l'une des tours mineures de la collégiale,

 

Jaquemart, une étymologie ... au choix
Parmi les plus courantes : "Jacques du Marché", "Jakemar" ou "Djakemar" (guerrier suisse vêtu d'une cuirasse)Jacques Marc, nom générique pour désigner les guetteurs de beffroi ou "Jacques au Marteau"
Au XVIII, A.Furetière suppose que l'origine du nom serait celui de l'inventeur, un ouvrier Jacques Marc, mécanicien flamand, qui construisit le jaquemard de Courtrai ou Jacques Marc de Bourbon, connétable de France sous le règne du Roi Jean et grand guerrier.
A la même époque, G.Ménage, étymologiste indique que le terme proviendrait de "jaque", sorte de cotte de maille et aurait désigné tout homme vêtu d'une jaque de maille à l'image des automates de beffroi
Pour J.B Baudou : il s'agit du nom du mannequin utilisé par les archers et les arquebusiers comme cible lors de leurs entraînements.
... Et une orthographe incertaine

De ses multiples influences, l'orthographe de "jaquemart" varie selon les époques et les régions. Vous pourrez ainsi rencontrer :

"jaquemart", "jacquemart", "jacquemard", "jaquemard", "jacomard". a noter que les dictionnaires actuels privilégient les deux premières écritures.

*Des beffrois et des villes

 Le beffroi est perçu dans les villes de Belgique et du Nord de la France comme l'emblème des libertés communales. Un attachement réel lie les habitants de nos régions à ces bâtiments. Le beffroi n'est pas qu'un symbole, un emblème : il remplit des fonctions bien réelles.

Qu'il soit isolé (Tournai, le plus ancien beffroi de Belgique) ou tour intégrée au bâtiment de l'hôtel de ville (Dixmude) ou encore à celui de la halle aux draps (Ypres), le beffroi était partout une tour qui supportait des cloches civiles par la voix desquelles les magistrats communaux informaient les habitants des centres urbains : le beffroi était un moyen de communication de masse. Il mesurait le temps et rythmait la vie économique et sociale des cités.

Le beffroi était aussi une tour de guet d'où les veilleurs scrutaient l'horizon et annonçaient l'approche de l'ennemi ou, fléau très redouté au Moyen Age, le début d'un incendie.
Le beffroi veillait sur la sécurité des citoyens.

Description de la danse de Deux Sauvages exécutée pour le première fois le Lundi 10 Septembre 1725 sur le Théâtre des Italiens.
Ce texte fut publié pour le première fois dans le Mercure du mois de Septembre 1925, puis dans le Parfaict Dictionnaire (1767).

Les Comédiens Italiens, avant leur départ pour Fontainebleau, donnèrent sur leur Théâtre une nouveauté des plus singulières. Deux Sauvages venus depuis peu de la Louisiane, grands & bien faits, âgés d'environ vingt-cinq ans, dansèrent trois sortes de danses, ensemble & séparément, & d'une manière à ne pas laisser douter qu'ils n'aient appris les pas & les sauts qu'ils font, très loin de Paris. Ce qu'ils prétendent figurer est sans doute fort aisé à entendre dans leur pays, mais ici rien n'est plus difficile à pénétrer : voici ce que nous en avons pu apprendre.

Le premier Danseur représentait un Chef de sa Nation, vêtu un peu plus modestement qu'on ne l'est à la Louisiane, mais en sorte que le nu du corps paraissait assez. Il avait sur la tête une espèce de couronne, pas riche, mais fort ample, ornée de plumes de différentes couleurs. L'autre n'avait rien qui le distinguât d'un simple guerrier. Le premier fit entendre à celui-ci, par sa façon de danser, & par ses attitudes cadencées, qu'il venait proposer la paix, & présenta le calumet  ou étendart à son ennemi. Ensuite, ils dansèrent ensemble la danse de la paix. La seconde danse appelée la guerre, exprime une assemblée de Sauvages, où l'on prend le parti de faire la guerre à tel ou à tel peuple, & on en voit toutes les horreurs. Ceux qui sont de ce sentiment opinent en venant se mêler à la danse. Dans la troisième le guerrier va d'abord à la découverte de l'ennemi, armé d'un arc & d'un carquois garni de flèches, pendant que l'autre assis par terre bat du tambour, ou espèce de timbale pas plus gros que la forme d'un chapeau. Après avoir découvert l'ennemi, le Sauvage revient en donner avis à son Chef. Il imite ensuite le combat, dans lequel il suppose avoir défait l'ennemi. Après quoi ils dansent ensemble la danse de la Victoire.

En 1727, Rameau, qui n'avait encore jamais composé d'opéra, mais était à la recherche d'un librettiste, écrivit à Houdar de la Motte, déjà célèbre, pour le persuader de lui fournir un livret. On ignore quelle fut la réponse du dramaturge, et même s'il y en eût une, mais il conserva la lettre de Rameau dont le texte suit.
Elle fut publiée par Le Mercure de France en mars 1765.

Paris, le 25 octobre 1727

Quelques raisons que vous ayez, Monsieur, pour ne pas attendre de ma musique théâtrale un succès aussi favorable que de celle d'un auteur plus expérimenté en apparence dans ce genre de musique, permettez-moi de les combattre et de justifier en même temps la prétention où je suis en ma faveur, sans prétendre tirer de ma science d'autres avantages que ceux que vous sentirez aussi bien que moi devoir être légitimes.

Qui dit un savant musicien entend généralement par là un homme à qui rien n'échappe dans les différentes combinaisons des notes ; mais on le croit tellement absorbé par dans ces combinaisons, qu'il y sacrifie tout, le bon sens, l'esprit et le sentiment. Or ce n'est là qu'un musicien d'école, école où il n'est question que de notes, et rien de plus : de sorte qu'on a raison de lui préférer un musicien qui se pique moins de science que de goût. Cependant, celui-ci, dont le goût n'est formé que par des comparaisons à la portée de ses sensations, ne peut tout au plus exceller que dans certains genres, je veux dire dans des genres relatifs à son tempérament. Est-il naturellement tendre ? Il exprime la tendresse. Son caractère est-il vif, enjoué, badin, &c ? Sa musique pour lors y répond. Mais sortez-le de ces caractères qui lui sont naturels, vous ne le reconnaîtrez plus. D'ailleurs, comme il tire tout de son imagination, sans aucun secours de l'art par rapport à ses expressions, il s'use à la fin. Dans son premier feu, il était tout brillant ; mais ce feu se consume à mesure qu'il veut le ranimer, l'on ne trouve plus que des redites ou des platitudes.

Il serait donc à souhaiter qu'il se trouvât pour le théâtre un musicien qui étudiât la nature avant de la peindre, et qui, par sa science, sût faire le choix des couleurs et des nuances dont son esprit et son goût lui auraient fait sentir le rapport avec les expressions nécessaires.

Je suis bien obligé de croire que je suis musicien ; mais, du moins, j'ai au-dessus des autres la connaissance des couleurs et des nuances dont ils n'ont qu'un sentiment confus, et dont ils n'usent à proportion que par hasard. Ils ont du goût et de l'imagination, mais le tout borné dans le réservoir de leurs sensations où les différents objets se réunissent dans petite portion de couleurs au-delà desquelles ils n'aperçoivent plus rien. La nature ne m'a pas tout à fait privé de ces dons, et je ne me suis point livré aux combinaisons des notes jusqu'au point d'oublier leur liaison intime avec le beau naturel qui suffit seul pour plaire, mais qu'on ne trouve pas naturellement dans une terre qui manque de semences, et qui a fait surtout ses derniers efforts.

Informez-vous de l'idée qu'on a de deux cantates qu'on m'a prises depuis une dizaine d'années, et dont les manuscrits se sont tellement répandus en France que je n'ai pas cru devoir les faire graver, à moins que je n'y en joignisse quelques autres, ce que je ne puis pas, faute de paroles. L'une à pour titre L'Enlèvement d'Orithie : il y a du récitatif et des airs caractérisés ; l'autre a pour titre Thétis, où vous pourrez remarquer le degré de colère que je donne à Neptune et à Jupiter selon qu'il appartient à l'un et à l'autre, et selon qu'il convient que les ordres de l'un et de l'autre soient exécutés. Il ne tient qu'à vous de venir entendre comment j'ai caractérisé le chant et la danse des Sauvages qui parurent sur le Théâtre Italien il y a un ou deux ans, et comment j'ai rendu ces titres : Les Soupirs, Les Tendres Plaintes, Les Cyclopes, Les Tourbillons (c'est-à-dire les tourbillons de poussière agités par les grands vents), L'Entretien des Muses, une Musette, un Tambourin, &c. Vous verrez pour lors, que je ne suis pas novice dans l'art et qu'il ne paraît pas surtout que je fasse de grandes dépenses de ma science dans mes productions, où je tâche de cacher l'art par l'art même ; car je n'ai en vue que les gens de goût, et nullement les savants, puisqu'il y en a beaucoup de ceux-là et presque point de ceux-ci. Je pourrais vous faire entendre des motets à grands choeurs, où vous reconnaîtriez si je sens ce que je veux exprimer. Enfin, en voilà assez pour vous faire faire des réflexions.

J'expose d'abord ces Avertissements pour la commodité du Lecteur. Tout ce qui s'y trouve en italiques se trouve de même dans la Réponse, pour que les citations se présentent plus promptement à l'oeil.

Du 6e tome de L'Encyclopédie.
3e Alinéa. Cet avis, quoique déjà donné tant de fois, paraît avoir obtenu peu d'attention de la part d'un Anonyme qui vient d'attaquer quelques articles de musique de M. Rousseau. (1)

"Je crois, dit-il, devoir mettre des Editeurs de l'Encyclopédie sur la voie des vérités qu'ils ignorent, négligent, ou dissimulent, pour y substituer des erreurs, & MEME, des opinions." La déclaration que nous venons de faire doit nous mettre à l'abri d'une accusation hasardée. Du reste, l'Auteur ne doit point regarder cette déclaration comme un aveu tacite ou indirect de la justesse des remarques de M. Rousseau, qui joint à beaucoup de connaissances & de goût en Musique le talent de penser et de s'exprimer avec netteté, que les Musiciens n'ont pas toujours, est trop en état de se défendre par lui-même, pour que nous entreprenions ici de soutenir sa cause. Il pourra, dans le Dictionnaire de Musique qu'il prépare, repousser les traits qu'on lui a lancés, s'il juge, ce que nous n'osons assurer, que la brochure de l'Anonyme le mérite. Pour nous, sans prendre d'ailleurs aucune part à une dispute qui nous détournerait de notre objet, nous ne pouvons nous persuader que l'Artiste célèbre à qui l'on attribue cette production en soit réellement l'Auteur. Tout nous empêche de le croire : le peu de sensation que la critique nous paraît avoir fait dans le Public. Des imputations aussi déplacées que déraisonnables dont cet Artiste est incapable de charger deux hommes de Lettres qui lui ont rendu en toute occasion une justice distinguée, & qu'il n'a pas dédaigné de consulter quelquefois sur ses propres Ouvrages : la manière peu mesurée dont on traite dans cette brochure M. Rousseau, qui a souvent nommé avec éloges le Musicien dont nous parlons (2), et qui ne lui a pas manqué d'égards, même dans le petit nombre d'endroits où il a cru pouvoir le combattre : enfin, les opinions plus que singulières qu'on soutient dans cet écrit, & qui ne préviennent pas en sa faveur, entre autres, que la Géométrie est fondée sur la Musique ; qu'on doit comparer à la Musique quelque science que ce soit ; qu'un clavecin oculaire dans lequel on se bornerait à représenter l'analogie de l'Harmonie avec les couleurs, mériterait l'approbation générale, & ainsi du reste.(3) Si ce sont là les vérités qu'on nous accuse d'ignorer, de négliger ou de dissimuler, c'est un reproche que nous aurons le malheur de mériter longtemps.

On lit encore dans le 2e Alinéa ligne 9 : ce serait nous rendre les tyrans de nos Collègues, & nous exposer à en être abandonnés avec raison, que de vouloir les plier malgré eux à notre façon de penser ou à celle des autres.

REPONSE. (4)

Je me vois à regret forcé, Messieurs, de quitter un Code de Musique pratique déjà fort avancé ; mais je ne puis me dispenser de me justifier auprès du Public.

Vous m'accusez, vous m'attaquez, Messieurs, encore si vos citations étaient fidèles ; mais vous les altérez, soit en les détachant de ce qui précède & de ce qui suit, soit en étendant les conséquences de ce que je dis, soit en donnant à mes propositions un sens qu'elles n'ont point.

J'avais dans ma brochure relevé quelques erreurs sur la Musique dans lesquelles M. Rousseau était tombé. Il me semble qu'au lieu d'écrire contre moi, vous auriez dû écrire pour lui. Vous me renvoyez à un dictionnaire qu'il compose, mais quand viendra-t-il ? En vérité, Messieurs, il aurait mieux valu répondre à la difficulté qu'à la personne.

Je ne reconnais point dans votre Avertissement, du moins en ce qui me regarde, ces deus hommes supérieurs encore aux éloges qu'ils se donnent mutuellement. Je n'y vois point cet amour de la vérité qui pourtant, dans un Ouvrage comme celui que vous avez entrepris, devrait marcher le premier. Il me semble y reconnaître plutôt un Ecrivain enivré de ses idées, qui oublie ce qu'il a entendu, ce qu'il a vu, ce qu'il a lu, ce qu'il a écrit lui-même, & qui s'imagine qu'on le croira sur sa parole ; qu'on ne confrontera rien, & que tout ce qu'on y pourra répondre, ne fera pas la moindre sensation dans le Public.(5)

Vous débutez par la fin de la brochure, dont vous retranchez la première phrase, & vous m'y faites prononcer en Maître : Je crois devoir mettre les Editeurs de l'Encyclopédie sur la voie des Vérités, &c. lorsqu'on y lit, 124. Je ne me suis étendu dans des digressions sur un Art dont on peut encore tirer quelques lumières que pour mettre les Editeurs du Dictionnaire Encyclopédique sur la voir des vérités qu'ils ignorent, négligent ou dissimulent, &c.

Ces digressions ne qu'accessoires ; mais en les changeant d'ordre, en les isolant, tronquant et simplifiant, vous leur donnez une tournure qui, de simples proportions, en fait des Lois. Elles n'ont même aucun rapport direct avec les erreurs que je condamne. Ce ne sont que comme autant de véhicules pour exposer les principes sur lesquels porte la condamnation. J'y propose en temps certaines conjectures, dont on pourrait tire, ce me semble, des conséquences favorables à d'autres Art, à d'autres Sciences.

Les vérités que je vous accuse d'ignorer, de négliger ou de dissimuler, sont des vérités par lesquelles je relève les erreurs, & c'est à l'Auteur de ces erreurs que je m'adresse, non à vous, Messieurs, que j'ai tout lieu de considérer. (6) Quant aux digressions dont je me sers pour mettre l'Auteur sur la voie de ces vérités, je n'attaque personne en particulier ; j'y témoigne seulement désirer que les Géomètres & les Physiciens en général voulussent bien éclaircir les doutes, & juger de mes propositions sur les principes posés dans le petit extrait que j'en donne à la fin de cet Ouvrage.

Je sens bien que vous ne pouvez ignorer des vérités que j'ai produites au jour ; mais souvent la critique se passionne & s'aveugle, on ne pèse point assez ce qu'on écrit, quelquefois même on va plus loin, on dissimule, comme le prouve la note précédente. Mais n'y a-t-il, Messieurs, que de la dissimulation, quand vous me faites prononcer en Législateur : Je crois devoir mettre les Editeurs sur la voie &c. sans dire quelle est cette voir dont je me sers pour autoriser les vérités qui résument des erreurs : loin de là, vous isolez mes conjectures, auxquelles vous donnez un air de sentence, pour les mettre au nombre des vérités qu'on vous accuse d'ignorer &c. si l'on doit vous croire ; vous les tronquez, amplifiez, voue en changez même l'ordre, pour cacher apparemment les rapports qu'elles ont entre elles.

Vous me faite dire alors que la Géométrie est fondée sur la Musique ; qu'on doit comparer à l'Harmonie quelque Science que ce soit 64 ; qu'un clavecin oculaire dans lequel on se bornerait à représenter l'analogie de l'harmonie avec les couleurs mériterait l'approbation générale 46 ; et ainsi du reste.

Ne croirait-on pas à vous entendre, Messieurs, que j'affirme tout cela bien positivement ? tandis que de tels passages ne se rencontrent dans mon écrit que comme des conjectures relatives à ce qui précède.

Votre ainsi du reste ne signifie-t-il pas que tout est dans la brochure aussi positif que ce que vous citez ? Je l'accorde, c'est me donner gain de cause. Que veut dire, par exemple, ce Clavecin oculaire que vous m'attribuez ? C'est votre ouvrage, je vous l'abandonne. Voici ce que je revendique comme de moi.

Au milieu d'une discussion pour prouver que la mélodie & les effets (7) naissent de l'harmonie, je dis, 46, Si le R. P. Castel s'en est tenu à l'harmonie pour constater son analogie avec les couleurs, je crois qu'il aurait eu autant de partisans que de lecteurs.

Remarquez bien mon doute par ces mots, je crois ; remarquez en même temps la différence des deux phrases sur le même sujet : il en est de même des autres. Est-il là question de Clavecin oculaire ? pourquoi me faire affirmer, lorsque je dis simplement, je crois ? Ma réflexion, comme vous l'avez dû voir, n'a lieu qu'autant que l'Auteur a confondu la Mélodie avec l'harmonie : aussi n'est-ce qu'un conséquence de cette réflexion précédée & suivie de quelques autres sur le même sujet, que je dis, 64. Ainsi toute la Musique étant comprise dans l'harmonie, on en doit conclure que ce n'est qu'à cette seule harmonie qu'on doit comparer quelque Science que ce soit : c'est-à-dire, que si l'on veut comparer une Science à la Musique (comme on l'a déjà fait plus d'une fois, en prenant la Mélodie seule pour l'objet) ce n'est qu'à l'harmonie qu'il la faudrait comparer.

Ce mot Ainsi, par où débute ma dernière conclusion, veut dire simplement, il suit de là : pourquoi donc l'avez-vous omis dans votre citation, comme aussi le mot seule joint à harmonie ? Sans parler de l'extrême différence entre cette citation & l'original. Une pareille conduite est-elle excusable ?

Si ce mot, Ainsi, se rapporte à ce qui précède, trouve-t-on dans ce qui précède la moindre idée de comparaison entre la Musique & d'autres Sciences ? J'ai simplement saisi, conséquemment à la question agitée, une comparaison déjà faite, où la Mélodie se trouve confondue avec l'harmonie, pour en dire mon sentiment, sans décider.

Comment peut-on en renvoyer aux originaux avec de telles infidélités ?

Je n'ai point dit, Que la Géométrie est fondée sur la Musique, cela ne se trouve en aucun endroit de l'Ouvrage. Vous concluez de mes propositions ce qu'il vous plait, sans vous embarrassez du sens qu'elles portent.

Nous ne pouvons nous persuadez, dites-vous, que l'Artiste célèbre à qui on attribue cette production (ces sont les erreurs sur la Musique) en soit réellement l'Auteur : (8) si cela est, pourquoi reprocher à cet Artiste les obligations qu'il vous a, les éloges & les égards de M. Rousseau pour lui ?

Il me semble que vous deviez simplement répondre à l'Anonyme que vous supposez, & comme je l'ai déjà dit, répondre à la difficulté plutôt qu'à la personne.

Si vous m'avez rendu justice, un Partisan de plus ou de moins n'établit point les réputations. Vous dites que je n'ai pas dédaigné de vous consulter ; vous deviez dire au contraire que vous m'avez fait l'honneur de venir prendre de mes leçons, pendant quelques mois, sur la Musique théorique et pratique, & que par conséquent c'est vous qui m'avez consulté : quand vous m'avez proposé des doutes, qui de nous les a éclaircis ? Que prouvent, en ce cas, vos Eléments de Musique théorique & pratique, que vous intitulez, vous même, selon les principes de M. Rameau ?

Vos éloges, vos égards ne paraissent pas plus sincères que ceux de votre Collègue. Ne voit-on pas bien qu'en m'honorant des titres d'Artiste célèbre & de Musicien, vous voulez me ravir celui qui n'est dû qu'à moi seul dans mon Art, puisque j'en ai formé le premier une Science démontrée, après en avoir découvert le principe dans la Nature. Quel éloge peut égaler la justice que vous & votre Collègue auriez pu me rendre dans les conjonctures présentes ? Vous soutenez mal aujourd'hui ce que, de concert avec l'Académie des Sciences, vous avez signé vous-même. (9)

C'est dans les faits, non dans les paroles que se reconnaissent les vrais éloges, les vrais égards. Que signifie, par exemple, cette Lettre sur la Musique Française ? Etait-ce à la Musique Française qu'on en voulait, ou au Musicien Français ? (10) Qu'on examine d'ailleurs, dans l'Encyclopédie, l'article sur la Dissonance, on verra des preuves de ces prétendus égards.

Pour corriger l'erreur de quelqu'un, il faut bien la lui montrer. Le peut-on mieux, en effet, qu'en l'avertissant qu'il s'accuse lui-même d'un défaut de jugement & d'oreille en Musique, lorsqu'il prétend tendre les accords par supposition susceptibles de renversement, 72 ? Hé bien ! quand on le prouve à M. Rousseau, vous dites qu'on lui lance des traits. Que ne m'en lancez-vous de pareils ? Il n'y a rien d'offensant pour ceux qui veulent s'instruire, que le défaut de vérité.

En laissant, comme vous le dites, à votre Collègue le soin de se défendre, s'il juge, ce que nous n'osons assurer, (ces sont vos termes) que la brochure le mérite, est-ce bien la vérité qui vous suggère ces mots, ce que nous n'osons assurer ? Sont-ce là mes Ecoliers qui parlent ? Est-ce l'Auteur des Eléments de Musique, &c. selon les principes de M. Rameau ?

Après de tels procédés, Messieurs, n'ai-je pas raison de douter que ce qui me regarde dans votre Avertissement fait de votre main, doute d'autant plus sincère qu'il est fondé sur l'estime que je ne puis encore vous refuser : au lieu que le vôtre sur l'Anonyme (que vous supposez) n'a d'autres prétextes que de pouvoir lui imputer gratuitement des opinions plus que singulières ?

N'auriez-vous pas mieux fait d'avouer les fautes, de les corriger, & de profiter de l'avenir des principes qui les condamnent, que de prendre, en voulant vous justifier, des voies indirectes, & mêmes infidèles ? Je ne crois pas qu'elles préviennent beaucoup en votre faveur : les opinions plus que singulières, selon vous, qu'on soutient dans ces écrits, sont votre ouvrage & non le mien, par la singularité dont vous avez su les revêtir. N'en parlons plus, & finissons en vérifiant votre ainsi du reste, qui ne peut plus rouler que sur la fin de la brochure où vous renvoyez, & où l'on ne trouvera qu'expositions de principes, réflexions, propositions, questions, & doutes de ma part, loin d'y avoir pris ce tons de Maître que vous me prêtez : aussi n'ai-je envisagé cette fin que comme des digressions propres à mettre sur la voie des vérités &c. En voici le précis, avec quelques nouvelles réflexions encore : vous avez si mal combattu les premières, que loin de m'avoir rebuté, vous m'avez enhardi : si je me trompe, lancez-moi pour lors des traits vraiment dignes de vous ; il n'y a d'offensant pour ceux qui veulent s'instruire, je le répète, que le défaut de vérité. Le savant a de grands droits sur l'ignorant : mais l'homme qui pense a les siens particuliers : tels sont vos sentiments en faveur de M. Rousseau dans votre Avertissement.

S'il est vrai que la Géométrie soit fondée sur les proportions, & si le Corps sonore les fait entendre, voir, & sentir même au tact  dans le moment qu'il résonne ; il est tout naturel d'en conclure que les Sciences (11) doivent avoir une liaison intime avec la Musique. 110. 113. 114. 116.

Je ne vois que cette dernière conclusion d'où vous ayez pu inférer que la Géométrie est fondée sur la Musique, Mais sur qui retombe pour lors la singularité de l'opinion, dès que l'opinion vient de vous ? Je crois cependant qu'il serait beaucoup plus facile d'en prouver la possibilité que la singularité. En effet, si l'on doit regarder le corps sonore comme la racine des proportions, 113, 114. ce qui tient à l'arbre doit nécessairement tenir à sa racine. Ou vous devez en convenir, ou vous dédire de l'approbation que vous avez donnée à ma Démonstration du Principe de l'Harmonie.

Allons plus loin dans l'examen du fait. On peut dire d'abord que le Phénomène du corps sonore est la première merveille que la Nature ait encore soumise à notre raison.

Croire, en effet, n'entendre qu'un son où l'on en distingue trois différents, & le prendre toujours pour unique, quoiqu'on le sache triple (12), à qui pourrait-on persuader cette vérité, si on ne la lui faisait toucher au doigt & à l'oeil : je dis fort bien, au doigt & à l'oeil ; car l'oeil voit pour lors frémir les cordes accordées au ton des sons que fait résonner le corps sonore ave celui de sa totalité, il le voit se diviser, & compte les partie, pendant qu'en les effleurant avec l'ongle, le doigt en distingue les noeuds d'avec les ventres de vibrations. Mais comme c'est à présent un fait connu, on se familiarise avec cet espèce de miracle. Voyons tout.

La manière dont les proportions se produisent, confirme cette merveille.

D'abord la proportion géométrique se fait reconnaître dans 1/2 1/4 du corps sonore 1, & l'harmonique dans [1/3 1/5*] de ce même corps sonore ; mais comme celle-ci résonne, pendant que l'autre est muette, pour ainsi dire, on ne s'est encore attaché qu'à l'harmonique ; ce qui mérite bien d'être approfondi.

A laquelle de ces deux proportions donner la préférence ? L'une est muette, l'autre se fait entendre, lorsque cependant les parties de celle-ci, 1/3 1/5, sont plus petites que celles de la première, 1/2 1/4, dont le plus d'élasticité devrait par conséquent se prêter plus facilement aux impulsions de l'air, qui en renvoie le son à l'oreille.

Voilà du neuf ? te jusqu'à présent j'avais oublié d'en faire mention.

C'est sans doute pour nous faire sentir la supériorité des rapports doubles ou sous-doubles, 1. 1/2 1/4 &c. que la Nature a fait naître pour l'oreille une espèce d'identité dans les octaves qui en sont formés (13), de manière qu'elles se confondent dans leur principe & ne s'en distingue point : au lieu qu'elle a permis qu'on distinguât les moins parfaits, 1. 1/3 1/5 ; mais seulement lorsque le corps sonore résonne seul, & qu'on y donne la plus grande attention.

Remarquons ici comment la Nature se développe, & combien la raison doit en être satisfaite : se trouve-t-il aucun objet palpable à nos autres sens, qu'on puisse comparer à ce que nous venons de reconnaître ?

Ce n'est pas tout ; cette même proportion géométrique se reproduit dans les multiples (14), 1. 2. 4 pendant pendant que l'harmonique s'y change en Arithmétique, 1. 3. 5. l'une est stable, & ne varie point, parce qu'elle doit toujours servir de racine, de base aux autres : stabilité désignée par la même identité de chaque côté, 1. 1/2 1/4 ; l'autre varie pour donner effectivement la variété que doit fournir l'arbre dans ses branches, variété qui se multiplie par l'identité des Octaves, représentant toujours leur principe, soit à l'aigu, soit au grave.

Dans les Multiples les proportions dégénèrent beaucoup ; car ce n'est que sur  les différentes grandeurs des corps comparés entre eux qu'elles peuvent se reconnaître, le principe, par résonance, ramenant à lui tout les corps plus grands que le sien, en les forçant de se diviser dans ses unissons : cependant le Géomètre a toujours préféré la proportion Arithmétique à l'harmonique, quelle en est la raison ? 117. 118. Son bonheur, dans ses recherches est, sans doute, d'avoir trouvé partout la même proportion géométrique.

S'agit-il de donner une succession à l'harmonie ; son principe, son générateur, sa racine, sa base, que j'appelle en conséquence Basse fondamentale, forme encore de nouvelles proportions géométriques, en associant à sa marche les termes qui lui répondent, de part & d'autre, en mêmes rapports, & promenant toujours avec chacun de ses termes, qui sont autant de corps sonores, l'une des deux autres proportions.

On ne doit rien attendre de nouveau de la proportion 1.1/,  1. 2. (15), puisque ce ne sont que des Octaves qui se confondent dans leur principe ; mais avec celle-ci 1.1/3, 1. 3. ce principe établit des Modes, & avec cet autre, 1. 1/5, 1. 5. il fournit les moyens d'entrelacer ces Modes, & de donner à la musique toute la variété dont elle est susceptible : laissant à part la dissonance, dont le goût a fait sentir que ces proportions pouvaient se surcharger, comme d'un ornement propre à mettre comble à cette variété. (16) Quel ordre, quelle simplicité, quelle fécondité, quelle précision !

On suppose au corps sonore le même droit sur la proportion Arithmétique que sur l'Harmonique, attendu que leurs Accords sont également agréables, dès qu'ils sont analogues aux sentiments qu'on veut exprimer : aussi les appelle-t-on également Accords parfaits.

Tel est le pouvoir prédominant de la proportion géométrique dans la Musique, tel il est, dit-on, dans l'Architecture, & tel il doit être, si je ne me trompe, dans bien d'autres Sciences : je crois du moins mon soupçon fondé.

On sait bien que chaque Art, chaque Science a ses propriétés particulières ; 117. mais ne pourraient-elles pas dépendre toutes d'un même principe ? Y a-t-il plus d'un principe dans la Nature ? En pouvons-nous découvrir par un autre canal que par celui de nos sens ? Et peuvent-ils nous en offrir un qui leur soit aussi palpable que la résonance du corps sonore, & d'où la certitude des rapports puisse naître, comme elle naît ici, de l'effet qu'éprouve l'oreille ?

Lorsqu'on dit que nos sens sont trompeurs, ce n'est certainement pas de l'oreille dont on veut parler, puisqu'on dit en même temps, superbissimum auris judicium. En effet l'oreille commande au compas, pendant que le compas commande à l'oeil.

Jusqu'à ce que les jambes du compas soient directement sur les sections des cordes qui doivent faire entendre telle ou telle consonance, l'oreille n'est point satisfaite : au lieu que l'oeil ne peut juger d'aucun rapport sans le secours du compas, encore peut-on s'y tromper.

Pourquoi donc l'oeil est-il appelé dans la Musique (laissant le tact  part) lorsque les connaissances qu'on en peut tirer sont absolument inutiles, & pour la jouissance de l'Art, & pour la procurer ?

On sait assez que toute préoccupation de l'esprit distrait des fonctions naturelles : parc conséquent si l'on pense que tels rapports sont entre eux comme 2. 3. par exemple, & cela dans le moment qu'on en veut éprouver l'effet : en satisfaisant l'esprit, l'oreille perd tous ses droits. 123. Il en est de même du Compositeur : s'il pense seulement au degrés des intervalles qu'il veut employer, si la tierce, la quinte &c. ne se présentent pas à son imagination, avant qu'il sache ce que c'est, n'attendez rien de lui qui puisse vous plaire. Telle est la Musique du Géomètre que ne se guide que par le calcul : aussi le Musicien n'a-t-il jamais voulu l'écouter. 121. 122.

Ce fait est constant, toute préoccupation de l'esprit nuit également au Compositeur, & à l'Auditeur, 123. : ce qui doit autoriser, ce me semble, la conséquence que je vais en tirer.

Mettons de côté les erreurs dans lesquelles le Mathématicien a donné. Examinons seulement quel a pu être son but, lorsque de concert avec les plus grands Philosophes de tous les temps, il s'est obstiné dans le projet d'approfondir un Art pour lequel il a inutilement épuisé ses calculs. Sans doute que reconnaissant qu'il fallait à l'esprit une certitude sur les rapports qu'ont entre eux les différents objets qui frappent nos sens, 113. & convaincu, selon cette maxime, superbissimum &c. que ce droit n'appartient qu'à l'oreille dans la Musique, il a fait tous ses efforts pour en tirer un grand avantage ; mais après de vaines recherches, il a tout abandonné à peu près dans le temps où le principe qu'il cherchait s'est offert à ses yeux comme à son oreille.

Ce principe est le Phénomène du corps sonore, Phénomène reconnu depuis un siècle, & dont on n'a fait que s'amuser comme d'un simple objet de curiosité, jusqu'à ce qu'enfin je l'aie fait reconnaître pour le Principe de l'Harmonie, c'est-à-dire de la Musique ; mais n'a-t-il de droits que sur cette seule Science ? Pourquoi l'oeil, encore une fois, y serait-il appelé, lorsqu'il y est inutile ?

Serait-ce en pure perte, sans nécessité, que l'oeil emprunterait ici le secours de l'oreille, lorsqu'elle n'a nul besoin du sien ? Cependant la Nature ne s'explique point en vain, 112. L'on a quelquefois représenté au Géomètre que notre raison était trop bornée pour pouvoir pénétrer jusque dans les secrets de la Nature. En voici un, que faut-il de plus à la raison, lorsque tout autre principe lui est interdit par la voie des autres sens ? Croit-on n'en avoir plus besoin ? Que sait-on, tout n'est pas découvert.

Je ne dois mes découvertes en Musique qu'aux lois de la Nature, dont le corps sonore nous présente un modèle (17), & dont l'observation est en même temps si simple & si lumineuse qu'aujourd'hui le Musicien, d'accord avec le Géomètre, m'écoute, m'entend & m'imite. Que ne peut-on les suivre de même, ces Lois, dans toutes les autres Sciences ? Quel fruit n'en pourrait-on pas tirer, ne fût-ce que pour en faciliter l'intelligence ?

Outre les opérations du Géomètre diamétralement opposées à ces Lois, il confond encore, du moins dans ses Éléments, le rapport original de la proportion Arithmétique, & de l'Harmonique avec ses renversements, & ses imitations même, 117. 118. 119. 120. j'en ignore les conséquences, mais la différence en est grande en Musique, selon l'exemple que j'en donne, 121. où le Physique tient au Géométrique, c'est-à-dire, où l'effet tire toute sa force de l'exacte imitation de la Nature dans la proportion harmonique.

Voilà, Messieurs, en quoi consistent, à peu près, les digressions qui conduisent aux vérités dont je me suis servi pour condamner les erreurs sur la Musique répandues dans votre Dictionnaire : vous auriez pu les éviter en me communiquant vos Manuscrits que je vous avais offert d'examiner, après m'être excusé de pouvoir entreprendre tout l'Ouvrage ; mais votre Avertissement fait assez sentir la raison qui vous en a détourné : il vaut mieux ménager les Collègues que le Public.

J'ai l'honneur d'être, Messieurs, votre &c.

 

(1) Voyez la brochure qui a pour titre : Erreurs sur la Musique dans l'Encyclopédie. (retour au texte)

(2) Voyez les notes Accompagnement, p. 75 col. 2 vers la fin ; Basse, p. 119, col. 2, & surtout à la fin du mot chiffrer. (retour au texte)

(3) Voyez la brochure citée, p. 46, 64, & surtout depuis la page 110 jusqu'à la fin. (retour au texte)

(4) Les chiffres dans le discours indiquent les pages des Erreurs sur la Musique où je renvoie pour lors. (retour au texte)

(5) On dit dans l'Avertissement, le peu de sensation que la critique paraît avoir fait dans le Public. Le dégoût causé par l'extrême simplification de choses inutiles, dans des Articles où l'on ne cherche qu'à s'instruire, aura bien pu rejaillir sur une critique déjà faite. Il n'y a, d'ailleurs, de vrais Curieux dans les Arts que les Artistes & les Amateurs. Je me demande si les articles de géométrie on dû faire une grande sensation dans le Public. (retour au texte)

(6) Ces Messieurs affectent d'ignorer la suite des erreurs, &c. donnée en Mars 1756, où la méprise sur laquelle ils se prétendent compris dans ces erreurs leur est si bien spécifiée,  même avec protestations d'estime & d'amitié de ma part, qu'ils ne pouvaient plus y répondre qu'au nom de M. Rousseau : mais leurs reproches, quoiqu'injustes, & les moyens peu usités qu'ils emploient pour parvenir à leur fin, avaient besoin d'une petite dissimulation. (retour au texte)

(7) Il ne faut point confondre l'effet de l'exécution avec celui de la mélodie en particulier. (retour au texte)

(8) J'ai envoyé dans le temps à ces Messieurs (l'un ou l'autre, c'est tout un) le premier exemplaire de cette production, avec un mot d'écrit signé de ma main : ainsi leur doute sur ce sujet n'est nullement recevable : on voit qu'il part du même esprit que leurs citations. (retour au texte)

(9) Extrait de la démonstration du Principe de l'Harmonie. (retour au texte)

(10) Les Partisans de M. Rousseau allaient pour lors annoncer de maison en maison qu'il paraîtrait bientôt un Ouvrage qui devait extrêmement humilier Rameau. On a toujours cru Messieurs les Editeurs dans le secret, attendu le peu de part qu'ils y ont pris, lorsque cependant il s'y trouve contradiction avec un des Articles de l'Encyclopédie, & lorsque l'un d'eux avait ses Eléments de Musique à défendre. Pour moi, j'affectai d'ignorer une critique qui devait tomber d'elle-même, & me contentai de rétablir la réputation de celui à qui nous devons le bon goût de notre Musique, & qu'on n'avait feint d'attaquer, que pour mieux cacher son jeu. (retour au texte)

(11) On ne doit entendre que les Sciences soumises au Calcul. (retour au texte)

(12) V. les Expériences de la Génération Harmonique, surtout aux p. 13 & 14. (retour au texte)

(*) sous toutes réserves car les valeurs  étaient difficiles à lire sur la brochure originale. (retour au texte)

(13) Réponse sur l'identité des Octaves. (retour au texte)

(14) On appelle Parties aliquantes, ou Multiples, les corps plus grands que celui auquel on les compare, & parties aliquotes, ou Sous-multiples les divisions d'un corps quelconque. (retour au texte)

(15) Retranchez la première unité de chaque proportion, vous aurez, dans les nombres donnés, les proportions, doubles, triples, & quintuples, dont les dénominateurs sont les seules consonances qu'il y ait en Musique, & qui naissent de leur racine, ou corps sonore, bien entendu que ce qui en est renversé les représente. 115. (retour au texte)

(16) Démonstration du Principe de l'Harmonie. (retour au texte)

(17) C'est un Tout divisible en une infinités de parties, qui se fait reconnaître en un même temps pour le seul et unique Tout, en forçant les corps plus grands que le sien à se diviser en ses Unissons : joignons à cela ces deux proportions, la Géométrique & l'Harmonique, dont les propriétés que je viens de déduire, méritent assez qu'on y réfléchisse ; puisque de la seule résonance de ce Tout résultent dans le même instant, Racine, Arbre, Branches, Proportions, Progressions, Division, Addition, Multiplication, Quarrés, Cubes, &c. Que de principes dans un seul ! La Nature s'y serait-elle épuisée pour le seul plaisir de l'oreille ? On ne saurait trop répéter des faits d'expérience, dont j'espère que cette courte récapitulation fera peut-être plus d'impression qu'elle ne paraît en avoir fait encore jusqu'à pré

 

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