Henry PURCELL
Londres, 1659 - Westminster, 21 novembre 1695

 

King Arthur.  

Chorus of the cold people.

Glossa

 

« Un gentleman anglais souhaite que son oreille soit satisfaite, son esprit occupé, que par conséquent la musique et la danse s’allient assidûment à la comédie ou à la

tragédie ».

C’est ainsi que le Gentlemen’s Journal de Londres définissait en 1692 l’idéal du théâtre musical. Le compositeur Henry Purcell et le librettiste John Dryden, Poet Laureate depuis 1668 à la cour des Stuarts, répondent parfaitement aux exigences de l’époque avec leur opéra King Arthur, une adaptation libre de l’oeuvre de Shakespeare. Théâtre et opéra, danses de cour et pastourelles, mythes fondateurs et satires mordantes… en mariant les genres, ils créent une oeuvre « globale » chatoyante, considérée par Peter Ruzicka, l’actuel directeur du Festival de Salzbourg, comme la « première comédie musicale de l’histoire ».

 

Le Roi Arthur, n'est pas, pour les puristes, un opéra mais plutôt un "opéra dramatique". En fait, il s'agit de théâtre parlé avec de nombreuses interventions musicales assez typique de l'époque élisabéthaine anglaise. Arthur le Breton et Oswald le Saxon s'y disputent la Bretagne à l'aide de leurs enchanteurs respectifs Merlin et Osmond. Pour cette vieille légende mise en vers par John Dryden, Henry Purcell a composé la plus élégante des musiques de scène où alternent drame et humour.

 

Henry Purcell - King Arthur

Interview de Nikolaus Harnoncourt

par Teresa Pieschacón Raphael (extraits)

En ouverture du Festival de Salzbourg 2004

 

...Purcell avait qualifié son œuvre créée en 1691, qui mariait théâtre et opéra, de « dramatic opera ». Pour Harnoncourt, il s’agit de la « toute première comédie musicale ». Avec le concours de Jürgen Flimm, il a extrait de l’imbroglio de scènes, récitatifs et passages musicaux une œuvre en cinq actes qui tient la route trois heures au total. On parle en allemand et on chante en anglais.

Ce « King Arthur » n’a plus grand-chose en commun avec le personnage mythique de la Table ronde. L’intrigue porte davantage sur les errements d’Arthur, roi des Bretons, et de son rival Oswald, roi du Kent, qui s’affrontent sur le champ de bataille, mais aussi sur le terrain de l’amour pour conquérir le cœur d’Emmeline, la fiancée aveugle d’Arthur. Ils font appel au soutien actif des esprits et des magiciens. Une entrée en matière aussi idéale que singulière pour l’édition 2004 du Festival de Salzbourg.
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Vous dites que cette œuvre de Purcell créée en 1691 et qui allie les genres du théâtre, de l’art lyrique et de la danse est un musical. Est-ce vraiment le cas ?
Nous avons l’habitude de donner un nom précis à chaque genre. Dans le cas de l’opéra et de l’opérette, on a du mal, c’est vrai, mais pour des raisons historiques. La seule chose qui compte, c’est de savoir ce que nous entendons par là. A mon sens, King Arthur est une comédie musicale, parce qu’au divertissement se mêle des éléments du théâtre parlé, parce que les accents patriotiques alternent avec des scènes burlesques ou satiriques. Mais si vous comparez l’œuvre de Purcell à une comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber, alors je préfère ne jamais avoir prononcé ce terme.

Vous avez assemblé en une œuvre globale des scènes, des textes et des musiques du « Roi Arthur » qui proviennent d’une soixantaine de sources. Vous êtes-vous senti « libre » en le faisant ?
Il ne s’agit pas de liberté mais il est possible que le metteur en scène l’ait vu ainsi. Je l’ai ressenti quant à moi plutôt comme un jeu de transitions très risquées. Ce qui m’importait en l’occurrence, c’était les mots prononcés juste avant et juste après un passage musical. Et c’est à ce niveau que je suis beaucoup intervenu dans la mise en scène. Les comédiens parlent quand on leur dit de le faire. Je les ai rendu attentifs au fait que la musique créait pour eux une atmosphère, que c’était elle qui exigeait à un moment précis l’intervention de la parole. Les pauses ont une grande importance sur le plan dramaturgique. Le silence est l’une des figures de rhétorique les plus fortes qui soit.

Vous est-il arrivé de craindre que la musique ne serve de bouche-trou ?
Non. Le théâtre et la musique marchent main dans la main et une pièce de théâtre sans musique est impensable. D’ailleurs précisément dans le théâtre anglais, il existe une infinie multitude de formes plus ou moins proches les unes des autres. Et quand il y aurait 60 % de texte pour 40 % de musique, cette dernière ne serait toujours pas un bouche-trou. A certains moments, les mots ne suffisent plus à exprimer une émotion, un trait psychologique. C’est là que la musique intervient.

Le librettiste du « Roi Arthur », John Dryden, a dû maintes fois refondre ses vers, les rendre plus « frustres » pour que Purcell puisse les mettre en musique. Est-ce qu’il a fallu faire un peu la même chose au niveau de la mise en scène ?
Il est très difficile de comprendre aujourd’hui ce qu’a fait quelqu’un il y a des siècles, et pourquoi. Je ne me prononcerai pas. Quand un spécialiste affirme une chose, ma première réaction, c’est de dire : je n’y crois pas. Vous le savez, les témoins d’un accident se contredisent, cinq personnes donnent cinq versions différentes. Le plus étonnant, c’est qu’elles ont toutes raison. Dryden a beaucoup remanié son texte avant de livrer à Purcell un vers qui sonne bien. Purcell à son tour a changé certaines choses, en redoublant par exemple des mots, ce qu’on ne retrouve pas dans les vers de Dryden. Ils sont intervenus tous les deux mais ils ont travaillé ensemble et ils se sont beaucoup inspirés mutuellement.
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