Henry Purcell - King Arthur
Interview
de Nikolaus Harnoncourt
par
Teresa Pieschacón Raphael (extraits)
En
ouverture du Festival de Salzbourg 2004
...Purcell
avait qualifié son œuvre créée en 1691, qui mariait théâtre et opéra,
de « dramatic opera ». Pour Harnoncourt, il s’agit de la « toute
première comédie musicale ». Avec le concours de Jürgen Flimm, il a
extrait de l’imbroglio de scènes, récitatifs et passages musicaux une
œuvre en cinq actes qui tient la route trois heures au total. On parle
en allemand et on chante en anglais.
Ce « King Arthur » n’a plus grand-chose en commun avec le
personnage mythique de la Table ronde. L’intrigue porte davantage sur
les errements d’Arthur, roi des Bretons, et de son rival Oswald, roi du
Kent, qui s’affrontent sur le champ de bataille, mais aussi sur le
terrain de l’amour pour conquérir le cœur d’Emmeline, la fiancée
aveugle d’Arthur. Ils font appel au soutien actif des esprits et des
magiciens. Une entrée en matière aussi idéale que singulière pour
l’édition 2004 du Festival de Salzbourg.
...
Vous dites que cette œuvre de Purcell créée en 1691 et
qui allie les genres du théâtre, de l’art lyrique et de la danse est un
musical. Est-ce vraiment le cas ?
Nous avons l’habitude de donner un nom précis à chaque genre. Dans le
cas de l’opéra et de l’opérette, on a du mal, c’est vrai, mais pour des
raisons historiques. La seule chose qui compte, c’est de savoir ce que
nous entendons par là. A mon sens, King Arthur est une comédie
musicale, parce qu’au divertissement se mêle des éléments du théâtre
parlé, parce que les accents patriotiques alternent avec des scènes
burlesques ou satiriques. Mais si vous comparez l’œuvre de Purcell à
une comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber, alors je préfère ne jamais
avoir prononcé ce terme.
Vous avez assemblé en une œuvre globale des scènes, des
textes et des musiques du « Roi Arthur » qui proviennent d’une
soixantaine de sources. Vous êtes-vous senti « libre » en le faisant ?
Il ne s’agit pas de liberté mais il est possible que le metteur en
scène l’ait vu ainsi. Je l’ai ressenti quant à moi plutôt comme un jeu
de transitions très risquées. Ce qui m’importait en l’occurrence,
c’était les mots prononcés juste avant et juste après un passage
musical. Et c’est à ce niveau que je suis beaucoup intervenu dans la
mise en scène. Les comédiens parlent quand on leur dit de le faire. Je
les ai rendu attentifs au fait que la musique créait pour eux une
atmosphère, que c’était elle qui exigeait à un moment précis
l’intervention de la parole. Les pauses ont une grande importance sur
le plan dramaturgique. Le silence est l’une des figures de rhétorique
les plus fortes qui soit.
Vous
est-il arrivé de craindre que la musique ne serve de bouche-trou ?
Non. Le théâtre et la musique marchent main dans la main et une pièce
de théâtre sans musique est impensable. D’ailleurs précisément dans le
théâtre anglais, il existe une infinie multitude de formes plus ou
moins proches les unes des autres. Et quand il y aurait 60 % de texte
pour 40 % de musique, cette dernière ne serait toujours pas un
bouche-trou. A certains moments, les mots ne suffisent plus à exprimer
une émotion, un trait psychologique. C’est là que la musique intervient.
Le
librettiste du « Roi Arthur », John Dryden, a dû maintes fois refondre
ses vers, les rendre plus « frustres » pour que Purcell puisse les
mettre en musique. Est-ce qu’il a fallu faire un peu la même chose au
niveau de la mise en scène ?
Il est très difficile de comprendre aujourd’hui ce qu’a fait quelqu’un
il y a des siècles, et pourquoi. Je ne me prononcerai pas. Quand un
spécialiste affirme une chose, ma première réaction, c’est de dire : je
n’y crois pas. Vous le savez, les témoins d’un accident se
contredisent, cinq personnes donnent cinq versions différentes. Le plus
étonnant, c’est qu’elles ont toutes raison. Dryden a beaucoup remanié
son texte avant de livrer à Purcell un vers qui sonne bien. Purcell à
son tour a changé certaines choses, en redoublant par exemple des mots,
ce qu’on ne retrouve pas dans les vers de Dryden. Ils sont intervenus
tous les deux mais ils ont travaillé ensemble et ils se sont beaucoup
inspirés mutuellement.
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