Carl ORFF

 

Munich, 10 juillet 1895 ; Munich, 29 mars 1982

Biographie   Chronologie   extraits

Biographie

Compositeur allemand

 

Carl Orff commence à composer dans sa jeunesse, ses maîtres sont Debussy, Richard Strauss

Pfitzner, Schoenberg et Stravinsky.

 

1914 Orff sort diplômé de l'Académie de musique de Munich.

1915-1917 Chef d'orchestre à la Kammerspiele de Munich, il est frappé par les mises en scène de Falkenberg ; Orff va y trouver les lignes directrices de sa propre création dans le domaine du drame musical.

1918-1930 Carl Orff connaît un succès précoce avec ses œuvres de jeunesse (des cantates, des lieder et de la musique instrumentale).

1924 Il fonde à Munich avec Dorothée Gunther la Guntherschule, école de gymnastique rythmique et de danse classique. Les méthodes utilisées dans cette école sont à l'origine de son recueil d'exercices musicaux Schulwerk-Musik for Kinder,(1930-35, rév. 1950-54), traduit dans le monde entier. Sa méthode, basée sur l'utilisation des instruments à percussion spéciaux -instruments Orff- vise à promouvoir l'exécution de la musique instrumentale et la compréhension du rythme chez l'enfant.

1937 Orff remporte son premier succès mondial avec son oratorio scénique Carmina Burana sur un texte en latin et en allemand, texte emprunté à des poèmes estudiantins du 13ème siècle en Bavière. C'est aussi avec cette œuvre qu'il impose sa conception du " théâtre total ".

Carl Orff est sans conteste le plus grand dramaturge musical après Wagner , il est aussi l'un des talents de théâtre les plus éminents de son temps.

Le style de Carl Orff est unique, à partir de 1920, il se tourne vers des grands maîtres d'autrefois tels que Lassus, Schütz ou encore Monteverdi. Il a su faire revivre les formes monodiques anciennes tout en les adaptant aux goûts modernes.

ŒUVRES

1937 Carmina Burana, oratorio scénique.

1939 Der Mond, opéra d'après un conte de Grimm.

1941-1942 Die Kluge, opéra d'après un conte de Grimm.

1943 Catulli Carmina,ludi scaenici, cantate scénique d'après Catulle.

1947-1948 Antigonae,pièce de théâtre musical d'après Sophocle.

1957-1958 Oedipus der Tyrann, pièce de théâtre musical d'après Sophocle.

1963-1967 Prometheus, opéra.

Extrait(s)

 O Fortuna (Carmina Burana)

 Were diu werlt alle min. (Carmina Burana)

 Amor volat undique (Carmina Burana)

Voir aussi: http://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_Orff

Carl Orff et les Carmina Burana

 

Par l'intermédiaire d'un bouquiniste de Würtzbourg, Carl Orff entra, le jeudi 1934, en possession d'un recueil de poèmes médiévaux, intitulé Carmina Burana. C'est en 1847 que le bibliothécaire de la cour de Munich Johann Andreas Schmeller avait publié cette anthologie qui se base sur un manuscrit probablement rédigé entre 1220 et 1250 en Styrie ou au Tyrol du Sud, et qui fut découvert en 1803 au couvent de Benediktbeuren. C'est également à Schmeller que l'on doit le titre du recueil, Carmina Burana (Chants de Beuren).

Le manuscrit contient, classés par ordre thématique, plus de 200 chansons et poèmes en bas latin, en moyen haut allemand et en vieux français, ainsi qu'un certain nombre de strophes réunissant ces différentes langues.

À côté de scènes religieuses ainsi que d'attaques en règles contre la décadence des mœurs et la corruption des pouvoirs publics et du clergé, figurent des textes, qui célèbrent avec verdeur et sensualité le plaisir de manger, de boire, de jouer et d'aimer. Carl Orff avoua qu'en bon Bavarois, il s'était senti si profondément touché par « le rythme entraînant et le caractère imagé de ces poèmes, et tout autant [par] la musicalité riche en voyelles et la concision unique de la langue latine » qu'il commença spontanément à mettre en musique quelques pièces. Conseillé dans le choix et l'étude des documents par l'archiviste Michael Hofmann, il ne se contenta pas d'établir rapidement la structure du texte : « En quelques semaines, toute mon œuvre fut "jouable", de sorte qu'au début du mois de juin, je pus me mettre en route pour aller voir mon éditeur. Je n'avais pour base de mon exécution qu'un texte tapé à la machine. La musique était tellement achevée et vivante en moi que je n'avais pas besoin du soutien d'une partition. »

Lors de la création, le 8 juin 1937, à l'Opéra de Francfort sous la direction de Bertil Wetzelsberger, les Carmina Burana - Chansons profanes pour solistes et choeuur avec accompagnement instrumental et tableaux, puisque tel était désormais le titre de cette œuvre, connurent un accueil triomphal et se virent rapidement ouvrir les portes des opéras, des salles de concerts ainsi que des salles de fêtes des universités et des écoles du monde entier. Après la répétition générale, Carl Orff alla trouver son éditeur pour lui faire cet aveu, souvent cité :

«Vous pouvez mettre au pilon tout ce que j'ai écrit jusqu'à présent et que vous avez malheureusement imprimé. Mes œuvres complètes commencent avec Carmina Burana Une analyse plus approfondie des œuvres qu'Orff composa avant 1937 révèle néanmoins que le compositeur avait déjà travaillé à la stylistique des Carmina Burana avec un esprit de suite et une cohérence remarquables. La carrière d'Orff a débuté en 1915, date à laquelle il fut nommé maître de la chapelle des Kammerspiele de Munich. À son retour de la Première Guerre mondiale, il se vit confier des postes semblables à Mannheim et à Darmstadt. En 1924, il fonda avec Dorothee Günther la « Güntherschule » [l'École Günther] de gymnastique, danse et musique, et se laissa très tôt fasciner par les forces élémentaires du rythme. En s'inspirant de Bartók et de Stravinsky, il rechercha l'expression archaïque et folklorique, simplifia son langage musical, allant jusqu'à frôler l'univers magique et cultuel. Les adaptations qu'il effectua d'oeuvres scéniques anciennes telles l'Orfeo de Monteverdi, et la quête de relations entre le mouvement corporel et la motricité rythmique le conduisirent, dans les Carmina Burana, à la fois vers une œuvre scolaire à visées pédagogiques, interprétées sur des instruments primitifs, et vers une fusion scénique de la musique, du verbe et du geste.

Contrairement à ses contemporains Prokofiev, Hindemith, Milhaud ou Karl Amadeus Hartmann, Orff resta attaché à des moyens stylistiques apparemment dépassés, qui pouvaient le faire passer pour un compositeur rétrograde, un simple épigone. Face aux résultat d'un Debussy ou du vérisme italien, et aux expériences d'un Schoenberg, d'un Berg ou d'un Webern, la domination d'une mélodie diatonique et d'une harmonie majeur-mineur claire, l'utilisation de techniques d'ostinato, l'empreinte de vastes surfaces sonores, le refus de tout contrepoint et la restriction au chant strophique paraissent effectivement relever du plus strict conservatisme. Cependant, cette réduction dissimule une esthétique intentionnelle, qui n'accorde à la musique qu'une fonction « ancillaire » au sien d'une oeuvre d'art totale, et ne lui consent de légitimité véritable qu'en relation avec l'espace et la représentation visuelle. Le traitement qu'Orff fait subir à l'orchestre traditionnelle est par contre d'une nouveauté révolutionnaire : complété par deux pianistes et cinq percussionnistes, il acquiert un timbre métallique et martelant. Le son fragmenté et la parfaite limpidité de ses diverses composantes s'y substituent au fondu romantique.

Les 24 numéros de l'œuvre - ils sont encadrés par une invocation grandiose et vigoureuse à Fortuna, la déesse de la destinée et de la chance, sur un fond de percussions retentissantes - s'articulent en trois grands complexes thématiques : le printemps, la taverne et l'amour. C'est d'abord la gaieté bucolique du printemps qui est évoquée dans l'unisson d'une litanie, avant le rapprochement de l'éclosion de la nature et de l'éveil de l'amour, et l'appel joyeux de l'amour lancé par des cloches carillonnantes. Dans sa section médiane avec son duo de flûte et de timbales, la danse orchestrale « Uf dem Anger », marquée par les changements de mesure, renoue avec un ancien usage populaire de Bavière, l'air de danse, avant que la plainte des jeunes filles en moyen-haut allemand mâtiné de bas latin, « Floret silva nobilis », ne poursuive ces rythmes changeants sur le plan vocal. La coquetterie des jeunes filles (« Chramer, gip die varwe mir »), soulignée par des sons de grelots - elles ont décidé d'envoûter les hommes par un savant maquillage - ne suscite chez ceux-ci que des commentaires narquois. Le dialogue en plusieurs parties cède ensuite la place à l'invocation bachique à la «Reine d'Angleterre» : d'après les recherches les plus récentes, il devrait s'agir d'Aliénor d'Aquitaine, épouse du roi Henri II d'Angleterre, et dont les intrigues amoureuses sont entrées dans la légende.

Un esprit théâtral incontestable émane de la deuxième partie de l'oeuvre, intitulée « In Taberna ». Elle commence par une confession satirique et, avec un plaisir effréné, professe la « pravitas », la conduite impie. La voix de fausset du cygne qui rôtit dans la poêle offre une parodie du ténor buffo (de rôle comique)); dans un discours d'ivrogne, le saint patron du jeu de dés se présente, et se proclame abbé du pays de Cocagne; cette scène de ripailles culmine dans un choeur d'hommes entraînant, qui, avec une augmentation progressive du nombre de voix, célèbre le plaisir de boire dans une exubérance orgiaque.

Dans la troisième partie, la « Cour d'amours », s'imposent l'innocence feinte et le raffinement, la plainte amoureuse et la quête de l'amour, tandis que le « Si puer cum puellula » des hommes (un poème érotique d'une franchise crue), a capella, se voit attribuer une place équivalente dans le « In trutina », le tendre aveu amoureux de la dame à son chevalier. L'hymne à Hélène et à Vénus se termine sur la reprise du vigoureux choeur initial, construit sur un ostinato. Cette répétition symbolise la roue du destin qui tourne sur elle-même; Orff l'avait découverte sous forme de miniature dans le recueil des Carmina Burana.

Uwe Kraemer

http://maddingue.free.fr/carmina-burana/about-cb-Orff.fr.html

 

Les Carmina Burana marquent une rupture dans la production musicale de Carl Orff : se détournant subitement des romantiques tardifs qui l’avaient inspiré jusque là et du théâtre musical contemporain de Stravinsky à Berg, il suit pour la première fois de nouveaux principes stylistiques emblématiques de son œuvre de la maturité et qu’il ne cessera d’affiner par la suite, centrés sur l’exploration de l’Antiquité classique, avec l’ambition de revenir aux racines de la culture européenne.

En 1937, après la répétition générale de sa «cantate scénique», ainsi qu’il l’avait lui-même sous-titrée, Orff écrivait à son éditeur cette phrase restée célèbre : «Vous pouvez mettre au pilon ce que j’ai composé jusqu’à présent et que vous avez édité. Avec les Carmina Burana commencent mes œuvres complètes.»

Le titre de Carmina Burana (Chants de Beuren) avait été donné en 1847 par Johann Andreas Schmeller à son édition complète des poèmes d’un manuscrit allemand du début du XIIIe siècle conservé depuis 1803 à l’abbaye bénédictine de Benediktbeuern, au sud de Munich. Les poèmes, écrits entre le XIe et le XIIIe siècles, présentent des styles divers, des chants sacrés en latin, des poèmes allemands, invitant tour à tour à l’amour, à l’ivresse, aux jeux de cartes et de dés (alors interdits) dans les tavernes, ainsi que des parodies de la liturgie pour les fêtes religieuses sous forme d’une «Messe des joueurs» satyrique et de jeux liturgiques. Certains des poèmes sont accompagnés d’indications mélodiques sous formes de neumes mais celles-ci ont pour la plupart été découvertes récemment et Carl Orff ne les avait pas à sa disposition. Aussi toutes les mélodies sont des créations originales du compositeur allemand.

La simplicité apparente de la cantate vient du chant strophique diatonique qui en constitue l’élément de base. Pour mettre en œuvre cette clarté musicale, relevée par une forte inventivité mélodique, Orff a fait appel à des images sonores archaïques comme la déclamation statique, les mélismes imités du chant grégorien, les bourdons, ostinatos et psalmodies. Les répétitions infinies, renforçant la forme strophique des poèmes, démontrent la signification supérieure qu’Orff assignait au rythme comme force unificatrice d’une architectonique statique. Cet aspect conformiste est contrebalancé par l’ensemble étonnamment percussif qu’obtient Orff de son orchestre traditionnel en y adjoignant deux pianistes et cinq percussionnistes.

Fortuna et la suite


Le prologue, consacré à Fortuna, la divinité du destin, présente l’existence de l’homme comme ordonnée par le caprice et l’arbitraire, facteurs d’instabilité illustrés par la « roue du destin » qui tantôt élève, tantôt abaisse. De même, le chœur «O Fortuna» se trouve répété dans l’épilogue, complétant l’illusion musicale décrite par le texte.

La première partie, «Primo vere», décrit le réveil du printemps et le retour du soleil qui, chassant l’hiver, ressuscitent les sentiments amoureux. Le premier solo de baryton (n° 4) invite son amie aux jeux de l’amour, accompagné pour la première fois par une opposition entre des instruments jouant dans une tessiture inhabituelle : instruments aigus jouant dans le grave et instruments graves jouant dans l’aigu. Les n° 12 et 17 présentent le même genre d’associations. Suit une série de danses et de rondes populaires allemandes («Uf dem Anger»), toujours autour des jeux amoureux entre garçons et filles. La répétition de certaines syllabes illustrent la répétitivité du mouvement qu’elles décrivent : par exemple dans «Hinc equitavit» («Il chevauchait», n° 7).

La deuxième partie, «In taberna», débute plus mélancoliquement par la réflexion du baryton sur son destin (n° 12) dans un air italianisant, puis le ténor évoque la nostalgie du cygne rôti se préparant à être dévoré (n° 13), avant le retour du baryton déplorant les défauts de l’homme dans une imitation d’air d’opéra verdien. Enfin la gaieté revient dans le chœur à boire qui clôt cette partie, conjuguant inlassablement le verbe boire.

La troisième partie, «Cour d’amour», suit le même procédé que la deuxième dans le domaine de l’amour charnel : elle début par la lamentation des filles délaissées par leurs amoureux (n° 16). Mais la solitude ne dure pas longtemps et les jeunes couples finissent par se retrouver (n° 20) et la section s’achève par un duo entre le baryton soutenu par le chœur masculin et la soprano aidée par le chœur féminin célébrant les joies de l’amour partagé.


Mathias Lehn

http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/oeuvre/fiche.php?oeuv=135000028

 

Voir aussi : http://www.csfo.be/csfo_carmina.htm