Lasse !
comment oublieray Guillaume de Machaut De ce représentant majeur du courant de l'Ars Nova, on ne connaît pratiquement pas les étapes des vingt premières années.
Né probablement à Machaut en Champagne c'est là qu'il passe les premières années de sa vie. Vers 1323, il entre au service de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, auprès de qui il restera attaché comme secrétaire, suivant son protecteur dans ses campagnes militaires et ses voyages à travers toute l'Europe. Son oeuvre la plus ancienne connue Bone pastor Guillaume, Bone pastor qui pastores est écrite en 1324 pour l'élection de Guillaume de Trie à l'archevêché de Reims. Dans cette même ville, Machaut est pourvu d'un canonicat (Bénéfice, revenu, de chanoine dans une église cathédrale, une collégiale) en 1335 (il avait auparavant exercé la charge de chanoine à Verdun et Arras), tout en continuant à servir le roi de Bohême jusqu'à la mort de celui-ci à la bataille de Crécy (1346). Après cette date, les plus grands seigneurs s'attachent le musicien - poète : Bonne de Luxembourg, Charles le Mauvais, roi de Navarre, Jean, duc de Berry, Amédée de Savoie et même le futur Charles V. La soixantaine passée, Guillaume de Machaut voue à la jeune Peronne d'Argentières une passion amoureuse qu'il retrace dans un long poème, le Veoir dict (le vrai récit). À sa mort, il est enterré dans la cathédrale, aux côtés de son frère Jean, chanoine comme lui.
Guillaume de Machaut peut être considéré comme le premier grand compositeur français, comme il fut l'un des plus grands poètes de son temps. Écrivain, il est l'auteur de récits destinés à ses protecteurs, les Dits. Poète, il signe environ 250 ballades, rondeaux, lais et virelais. Son oeuvre musicale est la fois profane et religieuse. Dans les motets, qui au temps de Machaut ne comprenaient généralement que 3 parties, il en introduit une 4ème, la contre-teneur. Il fait également un usage fréquent de l'isorythmie (identité des rythmes dans les différentes parties) selon le modèle fixé par Philippe de Vitry. Les rapports entre fond et forme atteignent une réelle virtuosité poétique et musicale dans les rondeaux (cf. « Ma fin est mon commencement »), tandis que ses ballades proposent une grande diversité dans la combinaison des rythmes.
Dans le domaine de la musique religieuse, Machaut a composé Le Hoquet David et quelques Motets latins, mais c'est incontestablement la Messe Notre-Dame qui est ici la pièce maîtresse : Machaut est probablement le premier à avoir composé une messe complète (et à 4 voix...) à une époque où cette forme tenait davantage de la compilation d'éléments disparates.
Voir aussi: http://www.goldbergweb.com/fr/magazine/composers/1998/09/168_print.php |
|||||||||
323 motets, dont 19 à 3 voix, en majorité profanes, abordant des thèmes d'amour courtois. 242 ballades. 222 rondeaux à 2, 3 ou 4 voix 33 virelais et 19 lais, 1 complainte ; 1 chanson royale insérées dans le recueil poétique Remède de fortune La Messe Notre-Dame Le Hoquet David : double hoquet à 3 voix |
|||||||||
"Le remède de fortune" Ensemble Guillaume de Machaut de Paris, ADES, réf. ADE 680 |
|||||||||
"Je ne suis aussi" CARMA |
|||||||||
Guillaume
de Machaut, musicien et poète Au Moyen Âge, la poésie est chantée. Le poète se doit donc d’être aussi musicien, à l’image de Guillaume de Machaut, le dernier à pratiquer les deux arts à la perfection.
Au commencement était le chant
Un
bref rappel de cette évolution permettra de mieux saisir la situation dans
laquelle se trouve Machaut et l’apport qui sera le sien. Dans toute jeune
littérature, le vers précède la prose, et la poésie est d’abord chantée.
L’ensemble français et occitan ne fait pas exception. Les deux formes
littéraires qui fleurissent d’abord, à la charnière du XIe et du XIIe
siècle – la chanson de geste en français et le lyrisme des
troubadours en langue d’oc –, sont l’une et l’autre strophiques
et chantées. La forme versifiée non chantée (le « roman »)
apparaît une cinquantaine d’années plus tard, la prose littéraire au
bout de cinquante autres années, au début du XIIIe siècle. La mélodie
des chansons de geste semble avoir été assez répétitive, tout juste
rompue par une cadence en fin de laisse. Les chansons des troubadours
occitans et un peu plus tard des trouvères français ont une tout autre
richesse musicale et les poètes sont fiers de composer à la fois los motz
el so : les paroles et la musique. Leurs mélodies sont monodiques,
fortement marquées au départ par les modes grégoriens. La ligne générale,
malgré les raffinements de l’ornementation, en reste suffisamment simple
pour mettre en valeur le texte, qui est l’essentiel, sans risquer de le
brouiller ou de le rendre inaudible. Machaut, poète et musicien de cour C’est
dans ce contexte qu’apparaît Guillaume de Machaut. Né vers 1300
dans une famille obscure, il tire sans doute son surnom de son lieu de
naissance, le village de Machault, dans le diocèse de Reims. Après des études
poussées, devenu maître ès arts, il entre vers 1325 au service de Jean de Luxembourg,
roi de Bohême, dont il est l’aumônier, puis le notaire et le secrétaire,
et pour lequel il écrit le Jugement du roi de Bohême. Grâce à lui, il
obtient plusieurs canonicats, dont celui de Reims en 1337. Il devient le
protégé de sa fille, Bonne, épouse du futur roi de France Jean le Bon,
à qui est sans doute dédié le Remède de Fortune.
Les formes fixes : invention et virtuosité.
Mais,
dira-t-on, les quelques œuvres citées plus haut relèvent du dit et non
pas du lyrisme. Où se situe donc la place de la musique ? En réalité,
Guillaume de Machaut est également l’auteur d’une œuvre lyrique
non seulement abondante mais fondatrice, en ce qu’elle oriente définitivement
(à l’échelle du Moyen Âge) la poésie lyrique vers les formes
fixes, généralement à refrain, qui étaient auparavant tout juste bonnes
à accompagner la danse. Elles seront désormais le lieu de toutes les
virtuosités métriques et hardiesses musicales : le rondeau, la
ballade et le chant royal, le
virelai, dont Machaut fixe la structure. Ces
pièces lyriques peuvent être isolées. Elles peuvent aussi, selon un procédé
appelé à un grand succès, se succéder de façon à suggérer le déroulement
d’un récit, comme le font les ballades de la Louange des dames. Elles
peuvent enfin être insérées dans un dit en un montage très révélateur
de l’évolution de la poésie à cette époque. Le dit prend en charge le
récit ou le débat, dont les poèmes chantés à forme fixe qui y sont insérés
assurent le commentaire affectif en ménageant les moments de l’effusion.
Le plus grand et le dernier…
À
la fin de sa vie, Machaut a lui-même pris soin de rassembler son œuvre, précédée
d’un Prologue général qui est un art poétique sous forme allégorique.
On y voit Nature donner à Guillaume de Machaut trois de ses enfants,
afin qu’ils l’aident à célébrer l’amour, tâche pour laquelle elle
l’a formé. Ces trois enfants sont Sens (la raison ordonnatrice des pensées
et des sentiments), Rhétorique (l’art des vers, des rimes et des rythmes)
et Musique. C’est dire que poésie et musique sont à ses yeux
indissociables. Elles seront pourtant dissociées tout de suite après lui,
voire de son vivant même. Ni Jean Froissart, dont la poésie s’inspire si
étroitement de la sienne, ni Eustache Deschamps, qui se proclame son
disciple et qui était peut-être son neveu, ne sont musiciens. Le premier,
invité à composer des poèmes à danser pour les divertissements de la
cour d’Angleterre, se contente d’écrire les textes. Le second, dans son
Art de dictier et de fere chansons, valorise la « musique naturelle »
(la poésie) au détriment de la « musique artificielle » (la
musique). |
|||||||||
Voir aussi : |