GUSTAV HOLST

Cheltenham 21/09/1874  - Londres 24/02/1934 

 

 

  Les planètes - Jupiter

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis longtemps intéressé par la philosophie orientale, les sujets mystiques et l'astrologie, Gustav Holst (1874-1934) commence la composition des Planètes en 1914. Mais il avoue également : «En règle générale, j'étudie seulement des sujets qui me suggèrent de la musique.» L'évocation des sept planètes que l'on connaissait à l'époque lui permet en outre d'écrire une œuvre de grande dimension pour orchestre, tout en s'écartant des schémas de la symphonie traditionnelle. Vénus et Neptune ont cependant été supprimés lors de la première exécution publique, le 27 février 1919 (le concert du 29 septembre 1918 était privé), de crainte que le public ne puisse soutenir son attention durant la totalité de l'œuvre.

Les mouvements font référence aux planètes, mais aussi aux dieux de l'Antiquité, comme l'indiquent les sous-titres. Ils alternent tempos rapides et tempos lents, et sont fortement contrastés dans le caractère et l'orchestration. Mars est une marche implacable et menaçante, qui a l'originalité d'être à cinq temps ; l'ostinato rythmique s'allie à des sonorités violentes qui stylisent la musique militaire - en particulier par l'usage des cuivres et de la caisse claire. Les ruptures d'intensité, où la musique diminue brusquement pour augmenter à nouveau, renforcent la puissance dramatique de cette page où la tension ne se relâche jamais. Le morceau suivant, Vénus, en est le double à la fois complémentaire et opposé : le timbre diaphane et clair des flûtes et des harpes, la sensualité de l'harmonie et de l'orchestration font à présent oublier la fureur guerrière de la pièce précédente.

Mercure est l'un des deux scherzos de la partition. Son écriture rythmique complexe et raffinée (qui introduit des syncopes dans une mesure ternaire et superpose des mètres différents), sa texture légère et transparente, donnent l'image d'un personnage insaisissable et malicieux, à l'instar du Puck de Shakespeare. Au centre de l'édifice musical domine Jupiter, que le compositeur peint sous les traits d'un personnage enjoué, mais non dépourvu de majesté. Un bref motif ascendant de trois notes sert à l'élaboration de tout le morceau ; on le retrouve en particulier dans la mélodie solennelle de la partie centrale qui, dotée de paroles, deviendra un hymne patriotique. Cette habileté à écrire des mélodies au contour fermement dessiné, le procédé consistant à faire dériver une section (voire tout un morceau) d'un bref motif, qui se repère et se mémorise avec facilité, sont d'ailleurs quelques clefs du succès de cette partition.

Saturne était le mouvement préféré du compositeur, où la sérénité finit par chasser l'inquiétude. Sur un ostinato lancinant de deux notes vient se greffer un court motif, implorant et désolé. Puis, une marche, jouée par les cuivres et reprise par les cordes, se fait entendre, mais l'effusion tourne court et laisse place à l'hypnotique ostinato initial. On tente plusieurs fois d'abandonner cette atmosphère sombre et cette impression de solitude. A la fin du mouvement, les sonorités s'éclaircissent peu à peu (le timbre des cloches contribue par ailleurs à donner une certaine religiosité à l'ensemble), le registre s'élargit dans l'aigu. Après ces différents épisodes qui ont révélé un conflit intérieur et une profonde angoisse, la sérénité et l'apaisement sont enfin atteints, suggérant peut-être l'acceptation de la vieillesse et de la mort.

Uranus est un scherzo très différent de Mercure : il adopte la rythmique tournoyante d'une mesure ternaire (à laquelle se superposent parfois des rythmes binaires), mais sans le caractère aérien du troisième mouvement. L'utilisation du xylophone, l'écriture staccato des vents, le jeu en pizzicati des cordes donnent à la musique un caractère narquois et sarcastique. Le début, avec son motif sautillant mais sombre, aux bassons, n'est pas sans rappeler l'Apprenti sorcier de Dukas (1897), de même que les crescendos, où l'orchestre libère une inquiétante violence. Cette danse effrénée et diabolique s'interrompt brutalement, laissant dans l'expectative, dans un passage où les cordes jouent en valeurs longues, ponctuées d'accords de harpe : quel tour le magicien joue-t-il ici ? Le retour des sardoniques bassons, suivi d'accords dissonants aux cuivres, vient rappeler soudain la présence du mage, avant qu'il ne s'éclipse définitivement, sur d'ultimes coups de timbales.

Neptune est un morceau lent et extatique, à l'atmosphère étrange, où le temps semble aboli : les répétitions motiviques, les pédales harmoniques et la lenteur du tempo génèrent une impression de statisme que l'entrée du chœur vocalisé ne viendra pas troubler. Ces voix de femmes, comme un chant surnaturel, s'évanouissent peu à peu, dans un au-delà mystérieux. Holst montre une fois de plus la variété et l'originalité de son langage, son imagination sonore et formelle, qui donnent à sa musique une indéniable poésie. On peut sans doute regretter que le succès des Planètes ait laissé dans l'ombre le reste de sa production. Mais cet oubli est le revers d'une popularité qui est le privilège des plus grandes réussites.


A la découverte de Pluton

A la demande de Kent Nagano, Colin Matthews (né en 1946) a composé une pièce évoquant la dernière planète du système solaire. L'enjeu était de proposer une nouvelle conclusion aux Planètes, tout en respectant la cohérence du cycle : Pluton s'enchaîne donc à Neptune, sans qu'il y ait d'interruption, et rappelle le caractère vif-argent de Mercure, avec un tempo encore plus rapide ; par ailleurs, la mesure à cinq temps, déjà utilisée pour Mars, crée un élément de symétrie, comme pour refermer l'œuvre sur elle-même. A la fin du morceau, dans lequel les «instruments à vent solaires» ont constitué le point de départ du compositeur, la musique disparaît dans le lointain, le chœur (dont c'est l'unique intervention) suggérant la présence persistante du dieu Neptune.

Hélène Cao
http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/concert/fiche.php?conc=140000037