..."La Rhapsody in Blue traduit
la réalité américaines des années 20 plus qu’il n’y paraît.
Il y avait donc
Paul Whiteman et son orchestre de
danse. Une appellation que le chef n’aime guère entendre : il cherche de
nouvelles voies, dans un monde qui ne chérit rien tant que la nouveauté
compulsive. La compétition entre les orchestres fait rage et il devient
urgent de trouver le gimmick propre à créer une ‘sensationnelle
nouveauté’.
Whiteman se pose en défenseur de la musique 100 % américaine.
.
Il sollicite des compositeurs sérieux, comme Charles Ives et Aaron
Copland, qui déclinent la proposition et font clairement savoir qu’ils
n’ont pas l’intention de s’abaisser à écrire pour un orchestre de
variétés.
Le malin Whiteman fera donc avec ce qu’il a sous la main. Il dispose d’un
génie de l’orchestration, Ferde Grofé, compositeur à ses heures (c’est à
lui que nous devons le Grand Canyon Suite, popularisé par un documentaire
signé Walt Disney). Il travaille régulièrement avec George Gershwin,
connaît sa virtuosité au clavier et apprécie son sens inné de la mélodie.
A un journaliste, qui croit pouvoir le forcer à révéler ce qu’il cache
dans ses cartons, Whiteman annonce qu’il va mettre sur pied un concert
intitulé An Experiment in Modern Music. Il n’a pas la moindre idée
du programme qu’il présentera, mais la salle est louée (ce sera l’Aeolian
Hall, à New York) pour le 12 février 1924, à 3 heures de l’après-midi.
Poussé dans ses derniers retranchements, Whiteman continue à mentir
effrontément et invente à la seconde une participation de George Gershwin,
prêt à présenter une œuvre de jazz symphonique. Cela ne veut rien dire,
mais ça ne mange pas de pain ! Le seul problème, c’est que le jeune
musicien n’est pas au courant.
Un matin, Ira Gershwin fait irruption dans l’atelier de son frère,
brandissant le journal où s’étale la grande nouvelle. Très zen, George
répond : ‘Eh bien, il n’y a plus qu’à se mettre au travail’.
Il écrit une rapsodie, que les musiciens ne considèrent pas comme une
véritable rapsodie, mais plutôt comme un collage de thèmes habilement
imbriqués les uns dans les autres. Paul Whiteman veut un titre qui sorte
de l’ordinaire – après tout, le concert ne se place-t-il pas sous
l’étendard de ‘l’expérimentation en musique moderne’ ? Pas question de
Rhapsody in G ou American Rhapsody.
On se gratte la tête. Alors que s’impatiente l’imprimeur des programmes,
Ira propose Rhapsody in Blue, en souvenir du choc artistique et émotionnel
qu’il a ressenti devant un tableau du peintre impressionniste anglais,
James Abbott McNeill Whistler, datant de 1875. Le titre est on ne peut
plus à la manière de Monet ou, en musique, de Debussy : Nocturne in Blue
and Gold. A l’avant-plan, on voit la pile d’un pont enjambant la Tamise se
détachant d’un décor urbain, suggéré par des lumières se reflétant dans le
fleuve.
Ce sera Rhapsody in Blue. "....
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